Vendredi 5 mars 2010
Réduction spectaculaire des stocks nucléaires : tels sont les
mots choisis par la Maison-Blanche pour annoncer la nouvelle
politique nucléaire des Etats-Unis, qui fait directement écho
aux souhaits de Barak Obama d’œuvrer à la dénucléarisation de la
planète, notamment lors de son passage à Prague en avril 2009.
On parle de plusieurs milliers d’ogives nucléaires qui
pourraient être démantelées unilatéralement dans les prochaines
années, sous réserve d’approbation au Congrès.
Cette annonce spectaculaire masque cependant la réalité, à
savoir peu de changement de fond dans la politique nucléaire des
Etats-Unis. Les décisions prises en 2002 allaient déjà dans le
sens d’une réduction importante des stocks, l’administration
Bush proposant des chiffres à l’époque bien en-deçà de l’arsenal
des Etats-Unis. Mais cette annonce, faite sans aucune
concertation avec la Russie, autre pays directement concerné par
le désarmement nucléaire, avait été ironiquement mal perçue à
l’extérieur, d’aucuns y voyant une volonté de ne pas se plier
aux accords bilatéraux en matière de contrôle des armements et
de désarmement ayant regroupé les deux pays depuis 1972, les
accords SALT et START.
Rien de bien différent donc, et au contraire la continuité
qui semble être choisie comme option. La proposition de Barack
Obama propose en effet de conserver une force de dissuasion
« solide et fiable », ce qui exclue on ne peut plus clairement
la possibilité de l’élimination à court ou moyen terme. De même,
et s’il convient de louer par ailleurs les efforts américains en
faveur de désarmement nucléaire, les Etats-Unis restent, avec la
Russie, la principale puissance nucléaire en stocks, très loin
devant des pays comme la France, la Chine ou le Royaume-Uni (et
sans tenir compte des puissances nucléaires non reconnues par le
Traité de non prolifération). Il serait donc assez logique que
les premiers gestes en matière de désarmement viennent de ces
deux pays, et non de ceux dont les stocks sont nettement plus
modestes.
En d’autres termes, rien de véritablement nouveau dans cette
politique américaine du nucléaire, sinon la volonté de
poursuivre dans la même direction, mais sans fixer le moindre
objectif concret en matière d’élimination (qui devra de toute
façon passer par l’approbation de tous). L’effet d’annonce du
discours de Prague reste donc pour l’heure sans véritable
conséquence, et si les Etats-Unis se positionnent comme un « bon
élève » à quelques semaines de la conférence d’examen du Traité
de non prolifération, ce qui permettra à Washington de chercher
à se mettre en position de force, il n’y a pas de réel
changement sur le fond, la politique nucléaire américaine se
proposant simplement d’aller « plus loin que les précédentes »,
pour reprendre les termes de la Maison-Blanche.
Un point positif toutefois, et hautement prévisible
d’ailleurs : l’abandon des projets d’armes anti-bunkers, qui
figuraient dans la politique nucléaire des Etats-Unis en 2002.
Ces armes posaient un problème considérable, en ce qu’elles
ouvraient potentiellement la porte à l’utilisation d’armes
nucléaires tactique afin de détruire des cibles ennemies
inatteignables par des armes conventionnelles. En renonçant de
manière ferme à de telles options, Washington fait preuve de bon
sens et d’engagement dans la lutte contre la prolifération,
n’envoyant pas de mauvais message à ceux qui seraient tentés par
l’aventure nucléaire.
Une autre note positive enfin, la décision de tourner
définitivement la page du stationnement des armes nucléaires en
Europe, envoyant ainsi un message amical à Moscou (qui ne
demandait d’ailleurs sans doute pas tant).
Barthélémy Courmont, chercheur à l’IRIS,
titulaire par intérim de la Chaire Raoul Dandurand de
l’Université du Québec à Montréal.
Dossier politique américaine
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Publié le 5 mars 2010 avec l'aimable autorisation de l'IRIS.