IRIS
Le
Hamas n'a pas intérêt à jouer la politique du pire
Barah Mikaïl
Barah Mikaïl par
Arnaud Vaulerin / Libération.fr / 15 juin 2007 Selon
Barah Mikaïl, chercheur à l'Institut de relations
internationales et stratégiques, le Hamas ne doit pas chercher à
discréditer la tête de l'autorité palestinienne s'il veut éviter
une contagion des affrontements en Cisjordanie. Après
six jours de violence et la prise de contrôle de Gaza par le
Hamas, existe-t-il un risque de partition entre la Cisjordanie et
la bande de Gaza ?
Pas encore mais le risque
reste posé. Nous sommes dans un bras de fer très violent, dans
un climat de grandes tensions politiques, c'est-à-dire
l'aboutissement des élections de janvier 2006 qui ont consacré
la victoire écrasante du Hamas dans la bande de Gaza mais ont
traumatisé le Fatah. Aujourd'hui le Hamas, très populaire à
Gaza, ne veut plus être dans une forme de rivalité vis-à-vis
du Fatah. Il entend faire monter la pression et avoir un
ascendant sur le plan sécuritaire. Dans le même temps, les
dernières déclarations d'Ismaël Haniyeh (le Premier ministre
issu du Hamas, ndlr) laissent une marge de manoeuvre pour la négociation.
Peut-on
espérer une cessation des hostilités ?
Les combats ne s'arrêteront
pas de manière durable. J'ai encore une certaine réticence à
parler de guerre civile généralisée, mais tout peut très
vite basculer. Les forces de sécurité et militaires de chacun
des deux camps ne respectent pas toujours la ligne fixée par
les partis. Il y a un réel risque de débordement des forces
politiques.
Qu'est-ce
qui peut être fait pour ramener le calme ?
Les perspectives, s'il y
en a, ne sont que politiques, car si l'on s'en tient aux options
sécuritaires, c'est l'affrontement. Le Fatah et le Hamas
doivent entreprendre de nouvelles négociations pour constituer
un gouvernement d'union nationale. Mais ce ne sont que des
solutions a minima.
Le
Hamas peut-il pousser plus loin son avantage et chercher à écarter
le Président Mahmoud Abbas ?
Le Hamas sait très bien
que la communauté internationale soutient le Fatah et donc
qu'il n'a pas beaucoup intérêt à jouer la politique du pire
en discréditant la tête de l'autorité palestinienne. Le Hamas
bénéficie d'un ascendant parlementaire depuis 2006 et a besoin
d'une interface politique pour limiter les tensions et pour défendre
ses intérêts au Parlement et au gouvernement. Avec l'Etat
d'urgence (décrété jeudi, il peut être effectif pendant 30
jours, ndlr), Abbas garde beaucoup de prérogatives sur le plan
sécuritaire. La constitution le protège en ce sens. Si le
Hamas voulait écarter Abbas, cela conduirait inévitablement à
des affrontements interpalestiniens très violents dans
l'ensemble des Territoires palestiniens.
Cela
signifie-t-il que les affrontements risquent de déborder en
Cisjordanie ?
A supposer qu'il y ait un
relai en Cisjordanie, ce serait le risque du pire. Car autant
Gaza est dominé par le Hamas, autant la Cisjordanie a voté
pour le Hamas et le Fatah.
Israël
est-il menacé ?
Je doute que l'on constate
un arrêt total des tirs de roquettes sur Israël. Mais les
Palestiniens ont d'autres chats à fouetter, en interne, pour
engager en plus des hostilités contre l'Etat hébreu.
Les
Israéliens peuvent-ils être tentés d'intervenir ?
On pourrait le penser au
vu de l'histoire. Mais le gouvernement d'Ehud Olmert (le Premier
ministre israélien, ndlr) est déjà très critiqué pour son
absence de victoire lors de la guerre contre le Hezbollah, au
Liban, l'été dernier. Du coup, je vois difficilement Olmert se
lancer dans de nouvelles opérations et prendre le risque d'un
nouvel échec dans les territoires palestiniens, avec
probablement le déclenchement d'une troisième intifada dans ce
cas.
Barah Mikaïl
Chercheur à l'Institut de relations internationales et stratégiques
(IRIS). Auteur de La Politique américaine au
Moyen-Orient (Dalloz, 2006)
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