IRIS
Le
Hamas n’aurait pas pu tenir six mois de plus sans agir
Barah Mikaïl
Barah Mikaïl par
Caroline Stevan / 24H - Suisse / 15 juin 2007
La bande
de Gaza a connu une nouvelle escalade de violences hier avec la
prise de contrôle de QG militaires par le Hamas. L’analyse de
Barah Mikaïl, chercheur à l’Institut de relations
internationales et stratégiques.
Assiégé
par Israël, soumis à l’embargo occidental, le Hamas prend le
pouvoir à Gaza. Quelle est sa stratégie ?
Les événements de ces
deux derniers jours ne sont pas uniquement imputables au Hamas,
ils sont dans la continuité du bras-de-fer qui oppose les
islamistes au Fatah depuis les élections de janvier 2006. Le
Hamas veut tirer les choses au clair avec le Fatah, l’emporter
une fois pour toutes. C’est également un message à Israël
et à la communauté internationale: «Nous avons fait assez de
concessions et nous avons des prérogatives politiques». La méthode
est brutale et condamnable mais le Hamas est dans une position
intenable du fait des pressions qu’il subit et des clivages
internes au mouvement. Il n’aurait pas pu tenir six mois de
plus!
Faut-il
voir une influence extérieure dans la stratégie du Hamas ?
Le chef du bureau
politique du Hamas se trouve à Damas, mais il ne se laisse pas
dicter des stratégies pour autant. La donne interpalestinienne
se suffit à elle-même. On peut en revanche admettre que la
Syrie et l’Iransont présents sur les plans logistique et
financier.
On
évoque la dissolution du gouvernement d’union palestinien. Que
deviendrait alors le président ? Et le Fatah ?
Le Fatah n’est pas en si
mauvaise posture car le président de l’Autorité
palestinienne en est issu. Mahmoud Abbas ne disparaîtra pas de
la scène politique palestinienne; il est le dernier rempart à
une intervention militaire israélienne. Si tous les échelons
politiques sont dominés par le Hamas, Israël n’aura plus de
raisons de se retenir.
Quelle
solution imaginez-vous?
Peut-être un nouveau
gouvernement d’union nationale, mais pour qu’il tienne, il
faudra donner les postes-clés – finances, intérieur,
affaires extérieures – à des personnes consensuelles et indépendantes.
Cela dit, les tensions actuelles reviendront inéluctablement et
le risque sera alors de tomber dans l’escalade militaire. Il
ne s’agit pas encore d’une guerre civile, mais le risque
existe. Quant à convoquer de nouvelles élections législatives,
cela pourrait renforcer le Hamas ou, pire, permettre au Djihad
islamique d’accéder à la scène politique. Le Hamas, de
toute façon, ne renoncera pas au pouvoir, les événements de
ces derniers jours le prouvent. Un scénario pourrait peut-être
désamorcer la donne; qu’Israël et la communauté
internationale prennent au moins en considération le Fatah.
Les
Palestiniens sont-ils capables de se débrouiller seuls?
La responsabilité du
chaos actuel incombe aussi à la communauté internationale; en
privant les Palestiniens de ses subsides et 500?000
fonctionnaires de leur salaire, elle a entraîné une
radicalisation de la société et des clivages politiques.
Le
retour d’Ehoud Barak aux affaires présage-t-il une intervention
armée israélienne?
Barak doit maintenir la
cohésion au sein de son parti et une crédibilité face à son
électorat. Il a perdu les élections de 2001 en prônant la
voie pacifiste, il ne peut aujourd’hui exclure une
intervention. Cela dit, tant qu’Olmert est au pouvoir, il évitera
de prendre le risque d’un échec militaire qui se
superposerait à celui du Liban.
Barah Mikaïl
Chercheur à l'Institut de relations internationales et stratégiques
(IRIS). Auteur de La Politique américaine au
Moyen-Orient (Dalloz, 2006)
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