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Affaires Stratégiques

Elections législatives au Liban :
vers une confirmation des contradictions ?

Barah Mikaïl


Barah Mikaïl - Photo IRIS

Lundi 11 mai 2009

Les Libanais s’apprêtent à désigner leurs députés, le 7 juin 2009, alors que la législature précédente a échoué à faire la preuve de son efficacité. Faut-il croire en une potentielle stabilité pouvant découler des effets de la nouvelle Loi électorale en vigueur ? Cela reste souhaitable, quoique probablement de l’ordre du vœu pieux. Le Liban répond en effet, aujourd’hui encore, à des contradictions qui ont été son lot depuis maintenant plus de six décennies.

Le Liban, pays de paradoxes ? Aussi éculée puisse parfois paraître cette expression, elle continue pourtant à répondre à un grand fond de vérité. Que ce soit sur les plans interne, régional, ou international, on ne compte en effet plus le nombre de contradictions qui ont pu tenir le pays du Cèdre, et en dicter les évolutions, hier comme aujourd’hui. Les Libanais ont lutté pour l’obtention de leur indépendance, il y a maintenant plus de soixante ans ? Voilà qu’ils l’obtinrent, à la condition pour eux de s’engager à ne pas dépasser certaines lignes rouges politiques exigées par l’ancienne puissance mandataire française. Les évolutions régionales et internes de la fin des années 1950 leur ont fait porter certaines craintes ? Voilà qu’ils s’en remettaient à une autre puissance incontournable, les Etats-Unis, qui intervinrent dans le pays en 1958 au moyen d’une armada dissuasive. La guerre de juin 1967, et son nouveau lot de réfugiés palestiniens, ont porté un coup à la stabilité du pays ? C’est aux accords du Caire (1969), véritable blanc-seing accordé aux formations armées palestiniennes du Liban, puis à un appel solennel à une intervention militaire de la Syrie sur leur territoire en 1976, qu’ils durent se résigner, avant de constater que cette option les menait à une situation encore plus problématique. Damas mettra en effet plus de trente ans avant de quitter le Liban, contraint et forcé ; les Israéliens auront pour leur part l’occasion, à partir de 1978 puis de 1982, de développer des politiques plus que musclées vis-à-vis du pays du Cèdre, dont le dernier épisode retentissant a eu lieu à l’été 2006 ; et le long de cette même période, c’est la dite « guerre civile » du Liban (1975-1990) qui fera ses ravages, mettant en scène les actions de tout un panel d’acteurs internationaux (Etats-Unis, ex-URSS, France…), régionaux (Syrie, Israël, Irak, Iran…) et nationaux (Forces Libanaises, Parti socialiste progressiste, Amal, Hezbollah…) rarement à l’origine de politiques constructives pour le pays.

Les élections législatives, une nouvelle fuite en avant ?

Il va de soi que ces paradoxes ne se sont pas estompés aujourd’hui. Bien au contraire, ils se révèlent de manière toujours aussi éclatante, et portent un coup malheureux à toutes attentes positives pour ce qui relève de l’avenir du Liban. Après avoir été libéré – ou presque – de l’occupation israélienne (2000), puis de la tutelle syrienne (2005), le pays du Cèdre s’est en effet arrimé à des options alors développées par l’administration d’un certain George W. Bush ; on pouvait pourtant s’attendre à bien plus expressif en termes d’indépendance nationale. De même, les positionnements de la classe politique libanaise se sont confinés aux développements d’accusations et de contre-accusations, qualifiant qui de « pro-Syriens et pro-Iraniens » et qui de « pro-Américains et pro-Israéliens ». Une attitude qui, outre sa stérilité, avait le malheur d’exprimer l’embarras de beaucoup de ces acteurs devant leurs marges de manœuvre personnelles réduites. Certes, l’enquête sur les réels assassins de feu le Premier ministre Rafik Hariri, l’attitude qu’il convenait d’adopter vis-à-vis de la Syrie, de l’Iran, des Etats-Unis, d’Israël et de leurs alliés nationaux comme régionaux et internationaux, et tout simplement la clarification du fait national et de ses matérialisations dans un pays aux moyens de défense et d’action cacochymes, méritaient amplement d’être partie du débat. Il en allait d’ailleurs de même pour ce qui relevait de la question de la désignation d’un successeur à l’ancien président Emile Lahoud, ou encore de tout ce qui se rapportait à la manière par laquelle tout un chacun se devait d’envisager la question des violences djihadistes ayant connu leur essor au départ des camps de réfugiés palestiniens. Mais l’erreur a très probablement résidé dans la manière par laquelle des questions aussi importantes ont été tout simplement instrumentalisées par chacune des parties politiques libanaises, à des fins strictement politiciennes et fonction d’un agenda pas nécessairement libanais stricto sensu. Le résultat de ce gâchis est aujourd’hui devant nos yeux. Maintenant que la clarification des requis pour leur indépendance est pourtant à portée de main, les Libanais n’ont toujours pas réussi à séparer le bon grain de l’ivraie. Et ils ont trouvé les motifs d’une nouvelle fuite à travers les élections législatives du 7 juin 2009.

Une « Tâefiyyé » implosive

Ces élections ne seront pourtant pas la panacée pour les maux du Liban. Tout au plus mèneront-ils à un rééquilibrage dans les orientations politiques du pays. Celui-ci pourra-t-il pour autant être synonyme de bouleversements ? sauf surprise de taille, il faut croire que non. Certes, c’est une nouvelle Loi électorale, aux vertus moins directement « politico-communautarisantes », qui vient d’être adoptée ; mais il est à se demander comment celle-ci pourra avoir valeur de remède pour les perspectives du pays, sauf à voir des membres du courant du Futur l’emporter haut la main dans les fiefs traditionnels du Hezbollah et vice-versa. Le découpage ainsi décidé du pays en nouvelles et petites circonscriptions électorales pourra ainsi probablement provoquer des à-coups ponctuels aux résultats locaux parfois renouvelés, la nouvelle Loi ayant notamment pour effet de renforcer le votes de certaines régions au sein desquelles des communautés chrétiennes notamment voyaient leurs options politiques « concurrencées » par le vote de leurs concitoyens musulmans. Mais exprimer une telle situation, ne revient-il pas à constater, une fois de plus, que le ver reste dans le fruit des élections libanaises ? On ne le répétera en effet jamais, et une majorité des électeurs libanais semblent d’accord là-dessus : plus que tout, c’est la « Tâefiyyé » (terme que l’on peut traduire en français, sans néanmoins pouvoir en restituer le sens entier, par « communautarisme ») qui mine en bonne partie l’horizon souhaité pour leur pays. Un constat qui, au passage, reste facile à formuler, mais beaucoup plus difficile à compléter par des solutions concrètes. Sauf à vouloir considérer, par pragmatisme, que la solution de l’avenir passerait par le troc de la formulation parlementaire actuelle pour une composition plus représentative d’un choix des Libanais qui serait basé sur les programmes et les actions de leurs candidats à la députation, indépendamment de tout critère d’ordre confessionnel. Mais ce serait là prôner une mise à mal des codes en vigueur, qui prévoient une répartition ferme des sièges parlementaires entre 64 députés chrétiens et 64 musulmans. Dans un pays où les chrétiens, toutes obédiences confondues, ne seraient aujourd’hui plus majoritaires, on comprend aussi les réticences qu’une telle éventualité pourrait provoquer. C’est d’ailleurs cette même raison qui fait que les Libanais n’osent pas plus aborder l’éventualité d’organiser un nouveau recensement confessionnel, le dernier en date remontant à 1932. La « troïka du pouvoir » s’exerce en effet en fonction de référents communautaires, faisant de la communauté confessionnelle nationale majoritaire le détenteur de la fonction présidentielle. Dans un tel contexte, la réévaluation des groupes religieux composant le pays aurait ainsi de fortes chances de mener le parlement à la désignation d’un chiite à la tête de l’Etat.

La « méritocratie », un idéal… temporaire

Le débat libanais n’en est cependant pas encore à ces critères relatifs à la notion de « méritocratie », et il faut d’ailleurs convenir de ce que les temps présents sont loin de devoir s’embarrasser de cet idéal, qui n’a d’ailleurs pas forcément abouti dans bien des pays revendiquant pourtant le titre de démocraties pleines et entières. Dans l’immédiat, les Libanais votent, et débattent librement, et c’un point qu’il convient de relever dans une région où les votes représentatifs des options citoyennes sont très loin de dominer. Pour le reste, bien évidemment, les problèmes structurels comme conjoncturels sont légion au Liban, et il faudra attendre probablement encore longtemps avant que de voir « l’idéal libanais » faire peau neuve, et emmener le pays vers un horizon pacifié tant souhaité. D’ici là, il reste à espérer que la consolidation de l’Etat de droit libanais aura eu l’occasion de connaître ses représentations les plus significatives, et les plus réjouissantes. Les élections législatives du 7 juin 2009 ne donnent a priori pas l’impression de pouvoir bouleverser la donne. Mais l’éventualité pour elles de pouvoir apporter une composition parlementaire synonyme de plus d’apaisement et de clarté dans les options gouvernementales libanaises, serait déjà en soi un grand pas en avant.

 

Observatoire dirigé par Barah Mikaïl, chercheur à l’IRIS
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Publié le 12 mai 2009 avec l'aimable autorisation de l'IRIS.



Source : Affaires Stratégiques
http://www.affaires-strategiques.info/...


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