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IRIS

En attendant l’an I de l’âge d’or israélo-arabe
Barah Mikaïl


Barah Mikaïl - Photo IRIS

IRIS, 5 novembre 2007

La paix israélo-palestinienne enfin sur les rails ? Les principaux intéressés étant eux-mêmes loin de développer un tel optimisme, il serait bien imprudent de chercher à aller plus vite que la musique. Israéliens et Palestiniens sont en effet invités à discuter de certains des enjeux les entretenant à l’occasion de la conférence annoncée d’Annapolis. Dans le même temps, il demeure peu évident de savoir de quoi traiteront les participants à ce sommet, voire qui sera effectivement amené à y figurer. Israéliens comme Palestiniens donnent en effet le plus souvent l’impression de s’être fait forcer la main pour se rendre à une rencontre souhaitée par Washington. Pour le reste, en-dehors de la présence pressentie de certains des plus importants acteurs de la planète, telles la France et la Russie, il reste à savoir si certains des acteurs-clés de la région seront conviés à ce qui risque d’ores et déjà, et fort malheureusement, de tourner au non événement, du point de vue des avancées prometteuses s’entend. Car, de liste des conviés précis, il n’y a point ; et d’ordre du jour, encore moins.

Les Israéliens avaient d’ailleurs été les premiers, par la voix du Premier ministre Ehoud Olmert, à déclarer en septembre dernier que la réunion d’Annapolis aboutirait tout au plus à une « déclaration d’intentions » de la part de ses participants. Même son de cloche, par ailleurs, de la part de la ministre israélienne des Affaires étrangères, Tzipi Livni, retenue pour diriger l’équipe des négociateurs israéliens en lieu et place du vice-Premier ministre Haim Ramon, et selon laquelle les participants arabes à cette conférence seraient bien inspirés de ne pas y attacher trop d’espoirs. Il reste d’ailleurs hautement significatif de constater que T. Livni n’aura été retenue à cette fonction de représentante en lieu et place de H. Ramon qu’à partir du moment où ce dernier déclarera, au début du mois d’octobre 2007, que les Palestiniens et l’ensemble de la communauté internationale feraient bien de reconnaître l’annexion par Israël des quartiers juifs de Jérusalem, en échange de quoi les Israéliens pourraient se retirer des quartiers arabes. Pas de retrait israélien de Territoires palestiniens, ni d’échanges de territoire au programme : telle est donc, en substance, la seule certitude que l’on peut avoir à la veille de la tenue de la réunion d’Annapolis.

La crainte de voir un énième sommet sur la question israélo-palestinienne, voire sur les relations israélo-arabes, aller vers le vide est pourtant loin d’inquiéter les seuls Palestiniens. Si Ahmed Qorei, négociateur en chef pressenti côté palestinien pour la réunion d’Annapolis, a lui-même fait état du risque qu’il y aurait pour une conférence dénuée de perspectives à se répercuter par des tensions supplémentaires sur la scène interne palestinienne, le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a pour sa part signifié à plusieurs reprises la réticence qu’il avait à accepter une participation palestinienne à une réunion dénuée d’un quelconque aspect concret. Mais, plus largement, il demeure tout aussi intéressant de constater que, à ce jour, l’Arabie saoudite, conviée également, n’a toujours pas notifié son accord formel, l’absence d’un ordre du jour clair rendant à son sens son déplacement illusoire. Il en va par ailleurs de même du côté de la Syrie, que Condoleeza Rice estimait il y a peu encore amenée à être « naturellement » conviée à ce sommet, mais qui pour sa part considère vaine sa participation à une rencontre qui ne mettrait pas la question de l’occupation du Golan à l’ordre du jour.

Il n’est ainsi pas besoin de beaucoup s’interroger avant que de se rendre à l’évidence : le sommet d’Annapolis est loin de susciter l’engouement que provoquèrent naguère aussi bien les processus de Madrid (1991) et d’Oslo (1993) que la période qui précédera les accords de Taba (2001). Et pour cause : les temps restent aux recadrages et rééquilibrages politiques plus qu’à la mise en avant des problèmes de fond. Contrairement à la situation qui prévalut le long de la décennie 1990, ces dernières années ont en effet été marquées par l’accès du Hamas au pouvoir dans les Territoires palestiniens, en janvier 2006. Depuis, aux tensions récurrentes liées à un conflit territorial bien plus que religieux, s’est ainsi superposé un contexte qui permettra aux logiques sécuritaires de continuer à prendre le dessus. Dernier témoin de ces évolutions : les affrontements qui mettront aux prises le Fatah et le Hamas palestiniens, et à l’issue desquels un tour de passe-passe constitutionnel permettra à Mahmoud Abbas de prétendre à la concentration des prérogatives exécutives en ses mains. Depuis, son importance a grandi aux yeux des Israéliens, des Palestiniens et d’une bonne partie de la communauté internationale, et les soutiens logistique et militaire comme financier en sa faveur ont largement augmenté. Dans le même temps, la question reste posée de savoir si cette sollicitude dont, contexte politique interne oblige, il a pu bénéficié, n’a pas eu pour contrecoup un étiolement supplémentaire de la popularité du Fatah auprès de la population palestinienne. Mais, là encore, seule la voie des urnes pourrait trancher la question. Or, M. Abbas et son proche entourage politique sont les premiers à afficher leurs réticences quant à la mise en place d’élections qui – hypothèse difficilement vérifiable actuellement, mais pourtant loin d’être exclue - pourraient avoir pour aboutissement une nouvelle consécration du Hamas.

Les temps ne sont pourtant pas si loin où les lueurs d’espoir restaient présentes, pour qui toutefois tenait réellement à les apercevoir. Depuis le mois de mars 2005, aucun des quelques attentats-suicide menés par des formations palestiniennes en Israël n’a ainsi mis en évidence une responsabilité du Hamas. Au contraire, c’est la branche armée du Fatah qui a eu elle-même, parmi d’autres acteurs, une implication revendiquée. En parallèle, c’est bien la question du lancement de roquettes de la bande de Gaza vers le territoire israélien qui sera – et demeure – une réalité. Toutefois, le lot de violences exercées par l’armée israélienne à l’encontre de Palestiniens n’est pas en reste, comme le prouve d’ailleurs le renforcement des actions militaires israéliennes développées à l’encontre des Palestiniens de la bande de Gaza depuis le début de l’été 2007. Or, il reste à bien des égards absurde de vouloir faire d’une logique basée sur des attaques et des contre-attaques le référent unique du conflit israélo-palestinien. Si les Palestiniens de la bande de Gaza lancent des roquettes sur une partie du territoire israélien, et quand bien même cet acte demeure injustifiable en ce qu’il menace la vie de civils, il peut toutefois tout à fait répondre à une volonté de leur part de dénoncer le sort économique et social dont ils sont victimes, tout comme de contester la situation effective d’occupation qui touche, outre leur territoire, la Cisjordanie et une partie de la ville de Jérusalem. On ne peut, dans ce cadre, qu’être tentés de penser que les sanctions et le blocus que le gouvernement Olmert – et, plus précisément, le ministre de la Défense et chef du Parti travailliste Ehoud Barak - souhaitent exercer actuellement à l’encontre des habitants de la bande de Gaza participent d’une volonté supplémentaire de détourner les Gazaouis du Hamas, en les poussant à s’en débarrasser par des voies contestataires et violentes. Il y a là toutefois une situation qui, outre le manque de compréhension des logiques internes palestiniennes qui la sous-tend, a de surcroît pour principale tare de pouvoir générer une situation difficilement soutenable dans le contexte actuel. Opérer une punition collective à l’encontre d’une partie importante des Palestiniens ne pourrait en effet que participer de leur radicalisation supplémentaire, dont l’aboutissement le plus poussé pourrait repasser par une reprise des attentats-suicide à l’encontre d’Israël. Or, il va de soi qu’un nouveau cycle de violences resterait malvenu à un moment où Israéliens et Palestiniens vont être amenés à discuter de perspectives communes à Annapolis. Aussi creux puisse ce sommet s’annoncer, mieux vaut en effet le laisser consacrer un statu quo suffisamment parlant comme tel plutôt que de le voir prendre acte d’une nouvelle spirale de violences régionale.

L’Autorité palestinienne est en effet loin aujourd’hui de pouvoir prétendre à une pleine légitimité aux yeux de l’ensemble des Palestiniens, ce qui réduit ses marges de manœuvre sur le plan interne. Parallèlement, le gouvernement d’Ehud Olmert est tout aussi loin d’être placé sous des horizons plus favorables, le baromètre électoral du pays penchant largement en faveur du chef du Likoud, Benjamin Nétanyahu, dont les positions restent en faveur de l’usage de méthodes musclées à l’encontre des Palestiniens. A échelle régionale élargie, si le viol régulier par les Israéliens des cieux libanais, combiné au bombardement de sa part du territoire syrien au début du mois de septembre 2007, ont pu prouver quelque chose, c’est bien l’absence de capacités de ces derniers à rétorquer ou même à pouvoir faire appel à une quelconque logique d’alliance amenée à garantir leurs saluts en cas d’envenimement supplémentaire de la situation. Les temps restent ainsi incontestablement à l’ascendant politique comme militaire des Israéliens vis-à-vis de leur environnement, et même les provocations signifiées par l’Iran en matière nucléaire ont prouvé qu’elles étaient génératrices de craintes politiques arabes bien plus en phase avec les priorités et appréhensions israéliennes qu’on ne pourrait le croire de prime abord. La paix reste ainsi réalisable, pour qui toutefois se donne réellement la paix de la mettre sur les rails. Or, l’Administration Bush, seul acteur réellement à même de s’imposer aux Israéliens comme aux Arabes, pressent-elle elle-même sincèrement une telle perspective ? Il est à parier, une fois encore, que non. « Annapolis : un sommet pour rien » croit-on ainsi déjà pouvoir lire sur les manchettes de journaux.

Barah Mikaïl Chercheur à l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), spécialisé sur le Moyen-Orient. Auteur de La Politique américaine au Moyen-Orient (Dalloz, 2006)



Source : IRIS
http://www.iris-france.org/...


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