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Affaires Stratégiques

Lieberman à Paris : boycott ou dialogue ?
Barah Mikaïl


Barah Mikaïl - Photo IRIS

Mardi 5 mai 2009

La venue du ministre israélien des Affaires étrangères, Avigdor Lieberman, à Paris n’a pas suscité de levée de boucliers particulière dans les médias. Pourtant, plusieurs manifestations sont prévues afin de contester cette visite officielle. Aussi radical et extrémiste puisse être le nouveau chef de la diplomatie israélienne, la question reste pourtant posée : un bon moyen de pression vis-à-vis de l’Etat hébreu passe-t-il par le boycott de tout ou partie de sa classe politique ?

Avigdor Lieberman marque, avec Paris, la deuxième étape de sa tournée européenne. Commencée en Italie, pays qui préside actuellement le G8, celle-ci devrait le mener ensuite en République tchèque et en Allemagne. Pays qui, pour leur part, paraissent peu susceptibles de susciter une polémique comparable à celle qui prévaut d’ores et déjà dans certains milieux français en général et parisiens en particulier.

Le cas Lieberman est-il réellement unique ?

De toute évidence, on ne parle pas d’A. Lieberman comme de n’importe quel membre de la classe politique israélienne. Ses déclarations et actes passés témoignent de ses conceptions pour le moins brutes.
Pourtant, pris dans leur sens global, ses propos ne diffèrent pas tant de ceux de la majorité de ses homologues membres du gouvernement comme de l’opposition israéliennes. Si les formules assurant la détermination d’Israël à reconnaître « quelque chose » aux Palestiniens en échange de leurs revendications territoriales abondent en effet dans l’Etat hébreu, le flou global reste de mise concernant la forme concrète de cet octroi israélien éventuel. Une seule certitude : rares sont les Israéliens qui envisagent le retour aux frontières de juin 1967 comme objectif pour la réalisation des paix israélo-palestinienne comme israélo-arabe en général.
Mais il en va d’une manière quelque peu différente pour ce qui concerne le poids des mots portés par A. Lieberman, et leur signifié concret. Et pour cause : ceux-ci ne visent en rien le consensus. Adepte d’un « transfert » - ou « transfèrement » - des Palestiniens hors des frontières définitives de l’Etat hébreu, favorable à un délaissement par Israël de certaines portions de territoire à forte composante arabe, le leader de Yisrael Beytenou, selon lequel toute controverse est positive car porteuse de nouvelles idées, ne cache pas non plus son opposition à un échange de type « territoires contre paix ».Motif selon lui : une telle attitude serait destructrice pour Israël. C’est très probablement ce qui explique aussi son opposition radicale à la Feuille de route du Quartet, ainsi qu’au processus qu’était censée initier la conférence d’Annapolis de novembre 2007. Le tout sans parler de l’initiative pour la paix du roi Abdallah, une hérésie à ses yeux.

Des impératifs israéliens clairs

Mais est-ce là le propos de la tournée européenne d’A. Lieberman ? Pas vraiment. Pour s’en convaincre, il suffit, outre ce que nous savons sur ses conceptions en général, de se pencher sur la nature des propos qu’il a prononcés lors de son étape italienne. Une déclaration vague à propos des relations israélo-palestiniennes et israélo-arabes, à savoir sa conviction que le Premier ministre Benyamin Netanyahu parviendrait à « une paix sûre et définitive avec les Palestiniens et les nations arabes »… sans plus de détails. Et des propos beaucoup plus engagés et précis pour ce qui concerne l’Iran, le ministre israélien déclarant à son propos qu’il était « le problème le plus sérieux du Moyen-Orient à cet instant précis (…), un Iran en passe d’être nucléaire et en passe de devenir, ou qui est déjà devenu, un facteur de déstabilisation pour le monde entier ». Et Lieberman d’ajouter que sa tournée actuelle vise à améliorer la nature des relations entre Israël et l’Union européenne.

Il convient de noter que le chef de la diplomatie italienne s’est montré pour sa part assez en phase avec cette obsession sécuritaire israélienne. Il ne faut par ailleurs pas s’attendre à ce que les Tchèques, ni probablement les Allemands, en viennent à exprimer une attitude différente. Mais est-ce pour autant qu’il faudrait, côté français, se fourvoyer dans cette attitude absurde qui avait tenu il y a peu encore les opposants audibles à la visite à Paris d’un Moammar Kaddhafi ou encore d’un Bachar al-Assad ? Là encore, la nuance s’impose.

Une ouverture nécessaire

A. Lieberman est un extrémiste situé à la droite de l’échiquier politique israélien, cela tombe sous le sens. Il a par ailleurs, paradoxe attendu de la situation, tendance à faire passer le très peu tendre et controversé B. Netanyahu pour une colombe, contre toute évidence. Mais ce n’est pas pour autant que le rejet de tout dialogue avec le chef de la diplomatie israélienne pourrait assouplir ou régler quoi que ce soit. Chacune des étapes de la tournée de Lieberman ne doit évidemment rien au hasard, que ce soit dans le cas de l’Italie (leader actuel du G8 dont le président du Conseil est très en phase avec les préoccupations stratégiques israéliennes), de la République tchèque (présidente actuelle de l’UE), de l’Allemagne (pilier incontournable de l’UE traditionnellement bien disposé vis-à-vis de l’UE) et bien sûr de la France (membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, autre pilier de l’UE, pays doté de contacts diplomatiques de poids au Moyen-Orient, et promoteur d’un projet d’Union pour la Méditerranée aux abonnés absents pour l’heure, blocages israélo-palestiniens obligent). Mais le choix de ces étapes montre aussi que, plus que tout, c’est bien la France qui met en évidence une forme de valeur ajoutée par rapport à ses homologues de l’UE. Les Israéliens marquent en effet régulièrement une méfiance vis-à-vis de ce pays en particulier, qu’ils soupçonnent d’être trop en phase avec les intérêts des pays arabes et leurs revendications. Autrement dit, c’est dans ce pays que Lieberman aura le plus de chances de tomber sur certaines conceptions divergentes de ses propres points de vue, toutes proportions gardées s’entend.

C’est aussi l’une des raisons pour lesquelles il convient de ne pas afficher d’attitude d’obstruction vis-à-vis de la visite de Lieberman à Paris, même si celle-ci n’a pas tendance à réjouir tout le monde. Evidemment, les Israéliens demeurent plus attachés à la surveillance du baromètre américain, à leurs yeux seul indicateur international réellement digne de ce nom à l’heure qu’il est. Mais les Etats-Unis se doivent aussi d’être ménagés, comme semblent l’annoncer les multiples navettes israéliennes, dont celle du président Shimon Pérès, s’organisant actuellement vers Washington en prélude d’une visite annoncée de la part de B. Netanyahu à la mi-mai. Dans ce contexte, la France a donc un rôle important à jouer, et elle aurait tort de s’en priver. Pour le reste, reste à voir si, aux déclarations françaises habituelles, pourront succéder des actes concrets, forts, déterminés et porteurs. Là encore, il y aura probablement pendant un moment encore matière à controverse. Mais c’est maintenant à Paris de choisir dans quelles conditions, et à quel prix, il souhaite porter le pari d’une UPM dont le blocage actuel a des raisons claires et pleinement identifiées qui méritent d’être abordées franchement.

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Publié le 5 mai 2009 avec l'aimable autorisation de l'IRIS.



Source : Affaires Stratégiques
http://www.affaires-strategiques.info/...


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