Opinion
C'est quoi la
laïcité ?
Badis Guettaf
Samedi 29 octobre 2011
Ces
temps-ci, il est beaucoup question de
laïcité chez les musulmans en général et
chez les Arabes et assimilés en
particulier. L’heure est même grave,
puisque cela signifie que soit remis en
cause le droit de régner au nom de Dieu.
Allez donc faire accepter cela à ceux
qui n’ont pas une culture politique de
rechange. Et puis, il y a les peuples
qui ont cette fâcheuse tendance à voter
contre les «laïcs» et pour les
religieux. Exit les communistes, ce sont
des couches sociales nouvellement
produites par les indépendances qui
s’agitent autour de ce mot d’ordre. Chez
nous, le profil est globalement
celui-ci : instruit, pratiquant une ou
plusieurs langues étrangères, nourri aux
canons de la modernité, cadre,
profession libérale ou plus et ne
voulant pas subir la religion contre son
gré. A l’origine, là-bas, le profil
était le suivant : révolté contre le
pouvoir du clergé et favorable à une
sécularisation de la vie politique et
sociale. Les deux profils sont d’accord
pour séparer la religion et l’Etat. A
côté, il y a la religion modérée. Elle
est pratiquée par certains Etats de la
manière suivante : le décorum religieux
est confiné à la mosquée, aux fêtes
religieuses et au statut personnel,
l’alcool n’est interdit que durant le
ramadhan et le vendredi jusqu’après la
prière, les femmes peuvent sortir seules
et ne pas porter le voile, plus quelques
autres transgressions. A ce titre,
Saddam Hussein, Boumediene ou Bourguiba
étaient qualifiés de «laïcs», version
musulmane. Dans ces cas-là, la
population elle-même est majoritairement
peu regardante. Mais, sur le plan
politique il en est autrement. Il y a
l’Etat, bien sûr, qui ne veut pas se
séparer de son outil idéologique et
il y a des gardiens du temple qui
veillent, dans un processus
d’identification compulsif au dogme, à
ce que le pouvoir se réclame de la
religion. Les laïcs ont, ainsi, deux
adversaires qui les accusent d’être
contre la religion. Ce qui n’est pas
tout à fait faux, ni tout à fait vrai,
car le principe est de revendiquer le
droit de choisir librement sa religion
ou son opinion sur le monde et de
ne pas être obligé de subir des règles,
que l’on préfère accepter de son propre
gré ou les rejeter. Au fond des
choses, le principe est ailleurs, tout
en assimilant les libertés
individuelles.
L’Etat n’a pas le droit de décider des
opinions que le peuple doit avoir et de
la façon dont il doit vivre sa
spiritualité, sinon cela constituerait
une atteinte aux libertés et
entraînerait l’oppression d’une partie
des citoyens dont les différences seront
niées et qui seront réprimés quand ils
transgressent le dogme dominant. Reste à
se poser la question pourquoi les
pouvoirs Arabes et assimilés sont contre
la laïcité. Eux disent que c’est parce
que le peuple est majoritairement
musulman. Ça ne tient pas la route ; le
peuple n’a pas besoin du pouvoir pour
pratiquer sa religion. Les minorités la
pratiquent bien là où elles se trouvent.
La vérité est que le fait de tenir la
religion a toujours donné l’impression
de tenir le pouvoir et que, par les
temps qui courent, aucun pouvoir ne peut
faire autrement sans risquer un séisme
politique. La question de la laïcité est
donc éminemment populaire et ne peut
relever que de modifications dans la
personnalité de base des peuples. Elle
ne pourra être revendiquée que lorsque
chacun trouvera anormal de se mêler des
oignons de son voisin. Chose pas à
l’ordre du jour, lorsque l’on sait qu’il
est plus grave de «casser» le ramadhan
en public que de voler.
Publié sur
Le jour d'Algérie
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