Opinion
Décryptage
opération arme chimique du Monde
par un médecin spécialiste
Badia
Benjelloun
Mardi 28 mai 2013 Un correspondant du quotidien vespéral
français aurait été témoin de l’emploi
d’armes chimiques par l’armée
gouvernementale syrienne.
La
description des symptômes endurés par
les miliciens « rebelles » évoquent ceux
produits par des gaz neurotoxiques.
Signes
ophtalmologiques avec troubles visuels
et une pupille ‘rétractée’, signes
digestifs, vomissements et signes
respiratoires décrits comme raclements
et suffocation.
Le récit,
espéré digeste grâce la petite touche
littéraire avec le petit bruit de la
canette non pas sur le comptoir d’étain
mais un certain cliquetis à peine
audible, produit des témoignages de ces
combattants et d’un médecin.
Le
photographe du journal
le
Monde (en lettres gothiques) aurait
souffert de troubles visuels et
respiratoires durant plusieurs jours.
Première invraisemblance du récit : les
gaz neurotoxiques utilisés comme armes
de guerre sont certes inodores et
incolores, mais les signes digestifs
sont sur le même plan que les signes
respiratoires. L’antidote doit être
immédiatement administré pour lever le
blocage des terminaisons nerveuses sans
quoi la paralysie est rapidement
mortelle.
Deuxième
incongruité. L’iconographie censée
illustrer le texte montre un homme qui
tente avec une seringue de prodiguer des
instillations oculaires. Les effets des
gaz neurotoxiques à pénétration cutanée
et respiratoire n’ont aucune chance
d’être levés par des lavages oculaires.
Ceux-ci ne peuvent soulager qu’en cas de
gaz irritants des muqueuses.
Troisième
aberration. Le médecin rebelle rapporte
le cas d’un combattant qui lui a été
confié avec un rythme cardiaque fou. Le
blocage enzymatique qui conduit à
l’accumulation du neurotransmetteur
l’acétylcholine induit surtout une
bradycardie, et l’hypotension majeure
par absence du tonus vasculaire est
l’urgence absolue. On restitue une
tension artérielle inexistante avant de
vouloir contrôler un rythme cardiaque,
même aberrant, même anarchique. Pour
être rigoureux une phase d’hypertension
avec tachycardie peut être observée dans
les premières minutes de l’intoxication.
Le délai nécessaire pour transporter un
patient jusqu’à un centre de secours à
travers le dédale imposé par une zone de
guerre en milieu urbain exclut cette
hypothèse. Quatrième anomalie. La
consultation de n’importe encyclopédie
en ligne indique comme symptôme cardinal
des effets neurotoxiques les
convulsions. Le sujet mortellement
atteint suffoque dans un contexte de
crises cloniques spectaculaires. Ce type
de manifestations est si impressionnant
que leur absence dans le roman permet de
qualifier le récit de faux témoignage.
L’auteur
à la fin de son article prend une
précaution rhétorique. Il émet la
possibilité de l’usage de plusieurs
variétés de gaz toxiques par l’armée
gouvernementale, solution élégante pour
brouiller les pistes de l’usage d’un gaz
mortel prohibé qu’il suggère fortement
tout au long de son histoire très
arrangée.
Cependant, sensation de brûlure oculaire
et toux irritatives se rencontrent lors
de l’exposition à des gaz lacrymogènes.
À chaque dispersion de foules ou de
manifestations par les CRS en France ou
aux USA où l’usage des gaz poivrés
connaît un regain, il faudra mobiliser
la Cour européenne des Droits de
l’Homme.
La
publication de cet épisode survient au
moment où les pays incarcérés dans
l’Union Européenne ont décidé de
suspendre officiellement l’embargo sur
la livraison des armes à la rébellion en
Syrie.
Elle est
contemporaine également de la
préparation des pourparlers en faveur
d’un Genève II où devraient siéger les
« belligérants » et les pays qui les
arment et sans lesquels cette
confrontation du bloc occidental avec
les intérêts de puissances dites
émergentes sur les décombres de la
souveraineté de la Syrie n’aurait pas
lieu.
Le régime
syrien est explicitement accusé de
crimes de guerre ou contre l’humanité au
moment où plus de 15 000 soldats des
armées impériales occidentales et de
leurs vassaux subissent un entraînement
intense en Jordanie. Cette préparation
anormale sur le plan numérique
indiquerait l’imminence d’une attaque
type coalition contre l’Irak.
Déjà, les
effets d’une dissémination du conflit au
Liban se font ressentir.
Les
escarmouches autour plateau occupé du
Golan entre Israel et des combattants du
côté syrien signalent la possibilité
d’un autre front. Un char d’assaut
israélien y a été récemment détruit.
Ce que
redoutent le plus les rares stratèges
sionistes, c’est l’extension du chaos à
la Jordanie. La version officielle de la
neutralité israélienne est une légende
de façade. Le soutien à la rébellion
syrienne a pris de nombreuses formes, y
compris sous celle d’une assistance
logistique et médicale. Au-delà de leur
crainte que des missiles russes S 300
soient opérationnels aux mains de la
défense de la souveraineté syrienne,
l’embrasement de la région aura un
impact civil non négligeable sur une
population israélienne prête à émigrer
en cas de danger. En cas de conflit
militaire généralisé, l’État-major
sioniste n’oublie pas que les discours
de Sayed Hassan Nasrallah ne sont pas
des rodomontades. Le Hezbollah doit
disposer d’un arsenal et d’un
entraînement convaincants.
Badia
Benjelloun
28 mai
2013
Le
dossier Syrie
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