Tribune
C'est par ses
femmes que sera sauvée la Tunisie
Azza Badra
Lundi 13 mai 2013
Les
démocrates, habitués des salons et
plateaux de TV, seraient bien inspirés
d'aller à la rencontre du petit peuple
là où il est pour l'écouter, le
comprendre et l'accompagner. Et non le
conduire.
Par
Azza Badra*
De par ma formation et surtout mes
convictions, j'investis le terrain afin
de comprendre, d'analyser, de tâter le
pouls du niveau de cognition politique.
Mon terrain ce sont les épiciers, les
légumiers, les petits commerces en
particulier, à Tunis et à l'intérieur du
pays.
Le constat que je fais est grave et
très préoccupant. Je me suis toujours
méfiée des chiffres énoncés par les
instituts de sondage, du choix des
échantillonnages et du manque de
transparence des méthodes. Je sais, de
par ma formation, que l'on peut jongler
avec les chiffres et leur faire dire ce
que nous voulons leur faire dire.
Je ne vais pas m'étaler, mais je vais
vous donner le résultat objectif d'un
travail de terrain sous forme d'une
série de constats:
1- celui qui a voté pour Ennahdha est
prêt à recommencer;
2- il existe de bons salafistes, mais
s'ils sont devenus violents c'est parce
qu'ils ont été trompés ou que c'est la
faute des démocrates;
3- il y a une absence totale de
discernement, une capacité d'analyse
faible et monothématique: la religion
est la réponse à tout;
4 – il y a aussi un vide politique où
Ennahdha et ses semblables disposent
d'un terrain vierge et très fertile
qu'ils sont en train d'exploiter à
merveille;
5- il y a enfin une ignorance et un
mépris total pour les autres religions ;
6- enfin, les femmes seront les
seules à sauver le pays, mais pour cela,
il faut un travail de fourmi et de
longue haleine pour les sensibiliser et
ainsi leur faire passer le message, car
elles sont les seules perméables au
dialogue. Les hommes restent souvent sur
leurs postions et acquis.
Il s'agit donc d'investir l'espace,
de sensibiliser et de vulgariser le
message du danger qui pèse sur notre
pays. Au Kram-Ouest, «mon bureau»
était une épicière du quartier. Il ne
faut pas hésiter à provoquer le
dialogue, informer et le résultat est
quasi immédiat dans la prise de
conscience. C'est comme ça que le
message va être relayé. Souvent je
quitte les lieux de mes «provocations»
en laissant les personnes continuer à
argumenter entre elles, ainsi je crée
une dynamique dans l'espace où j'ai mis
en action l'échange. C'est un travail de
fourmi que j'ai accompli seule. Il
suffit que nous tous et à tous moments,
partout où l'on se rend, mettions en
marche cette dynamique.
La cible n'est pas le commerçant mais
le lieu, d'où ma démarche qui installe
une dynamique d'échanges entre les
clients, la cible finale de ma
recherche.
Mon enquête s'est faite sur
différents faisceaux horaires afin
d'avoir une bonne représentativité de la
population du quartier.
La phrase, à effet assuré, par
laquelle je commence mes provocations
est la suivante: «C'est la femme
tunisienne qui va sauver notre pays!!!»
Alors cher(es) ami(es), démocrates,
habitués des salons et plateaux de
télévision, je vous invite à
m'accompagner et à écouter. Peut-être,
je dis bien peut-être, alliez-vous enfin
écouter et non pas seulement entendre.
* Sociologue/anthropologue,
présidente de l'Ong La Voix de la
Tunisie.
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Publié le 13 mai 2013 avec l'aimable
autorisation de Kapitalis
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