Il semble difficile d'expliquer la virulence de la campagne récente
contre les citoyens arabes de l'intérieur et plus spécifiquement
contre leur courant national, en formentant un dossier
d'accusations sécuritaires contre un député arabe au
parlement. Il est évident que l'institution sioniste, de gauche
ou de droite, règle un compte lointain avec des idées qui ont
été proposées et qui ont abouti récemment à l'éclosion de
mille et une fleurs et qui ont constitué la proposition d'un
projet véritable pour les masses arabes. Aucun projet ne peut
être appelé projet global pour les masses arabes sans qu'il
ait, pour caractéristiques, d'abord que l'Etat, pour être démocratique
et réaliser l'égalité, doit être un Etat pour tous ses
citoyens, cela signifie l'égalité et la démocratie. Si nous
proposons cela de façon continue et juste, il n'est pas
question qu'il y ait intégration au sionisme ou en marge du
sionisme, mais en opposition au sionisme. Ensuite, dans ce pays
vivent deux nationalités, l'une d'elle est celle des
autochtones, les Arabes qui sont restés font partie de la
nationalité autochtone. S'ajoute à cela la nécessité de résoudre
équitablement la question palestinienne et ils savent, de plus,
que ce projet n'est plus celui d'un parti, mais il est devenu la
demande de la jeunesse arabe qui refuse d'abandonner son arabité
et qui réclame la totale égalité. Tout jeune arabe refuse le
système de la tutelle impérialiste.
Le citoyen arabe se retrouve face à des dizaines de formes de
tutelle que nous ne citerons pas toutes, mais trois seulement :
1 - la tutelle sur les droits : le droit des Arabes dans ce pays
est considéré comme un don ou une grâce de l'Etat juif,
qu'il faut louer et remercier, à cause de la différence de
niveau de vie et des droits politiques qui prévalent parmi les
citoyens arabes à l'intérieur de la ligne verte, en
comparaison à ceux de la bande de Gaza, par exemple, et il leur
faudrait exprimer leurs remerciements d'avoir la garantie de la
liberté de parole et d'opinion, en comparaison avec les Etats
arabes, et parce qu'ils jouiraient de la démocratie "israélienne"
alors qu'elle est absente dans le monde arabe.
En réalité, cette tutelle a ébloui certains à l'intérieur
qui ont intégré l'idée d'affirmer leur "israélité",
qui n'existe d'ailleurs que dans leur imagination. Quant au
spectateur arabe, il lui est demandé d'intégrer la défaite,
en regardant un arabe de l'intérieur s'exprimer librement à la
télévision. Il devra aussi l'envier pour cette grâce, et
lorsqu'il
voit un président israélien se faire juger, il devra nous
envier pour cette grâce. En fait, ils ont pris le pays tout
entier mais ont donné aux gens la liberté de parole.
Il est clair qu'une telle attitude implique un effacement
de l'histoire, dans le sens où on devrait se comporter avec
Israël en tant qu'Etat qui a toujours été ici, et vers lequel
une minorité arabe a émigré, à la recherche d'une vie
meilleure. Ce qui exige que cette minorité doit être
favorable à Israël, sa nouvelle patrie vers laquelle elle a émigré,
en comparaison avec la vie dans les pays d'origine. Cette vision
supprime évidemment la conscience historique que cette démocratie
est bâtie sur la destruction d'un peuple, et qu'elle se
reproduit à l'intérieur d'un groupe et d'une identité
coloniale, et que les Arabes sont tolérés dans ces cadres
seulement. Lorsque ces cadres sont défiés, toute la démocratie
"israélienne" chute, soit en tirant des coups de feu
sur les manifestants arabes, soit en ôtant l'immunité à
un député arabe ou en le traduisant devant les tribunaux, et récemment,
en orchestrant une campagne médiatique, d'un seul coup, à la
manière des battements de tambour d'une tribu voulant aller à
la guerre.
Pourquoi défions-nous ces cadres et essayons-nous constamment
de les élargir ? Même si nous ne sommes pas convaincus du
niveau de vie "israélien" dans ces cadres, et
en tant que citoyens de second degré, c'est en tout cas plus
que notre pain quotidien. En réalité, c'est parce qu'en même
temps, les villages et les villes arabes sont en train de se
transformer en ghettos, en quartiers pauvres, le système des
assurance sociales "israéliennes" protège les
pauvres de la faim, mais maintient et renforce leur pauvreté,
et d'autre part, contrairement aux horizons du développement
arabe, les horizons sont entièrement bouchés en Israël pour
les intellectuels arabes, pour les classes moyennes et
bourgeoises arabes. Il n'y a pas de possibilité d'évolution
dans les cadres posés par Israël. C'est pourquoi il faut élargir
ces cadres en permanence. Et même sans mémoire historique, ce
que disent certains modérés arabes n'est pas vrai, quand ils
nous blâment de ne pas nous cantonner dans le rôle
de forces d'appoint du camp de la "paix" en Israël,
et que nous devrions remercier pour la situation qui nous est
faite. Ils justifient leur reconnaissance non seulement d'Israël,
mais de son caractère sioniste, et justifient ainsi leurs
concessions relatives au droit au retour afin qu'il conserve ce
caractère. De leur point de vue, le rôle des Arabes de l'intérieur
devrait soutenir cet effort. C'est pourquoi certains pensent que
"le bon arabe" aux yeux de l'institution sioniste
c'est celui qui est effectivement bon, qui ne leur cause aucun
souci.
2 La tutelle sur la relation des Arabes avec leur identité
arabe :
Israël ne se contente pas de trouver des collaborateurs ou des
gens ayant des intérêts rattachés à lui et à sa politique,
mais essaie d'imposer des frontières entre le citoyen arabe
ordinaire et le reste des Arabes, de sorte qu'il ne doive pas se
solidariser avec ses ennemis, comme si ses ennemis (à Israël)
devraient être ses ennemis à lui aussi. Dans la période,
l'ennemi c'est le peuple palestinien, c'est le Liban, c'est la
Syrie ou le royaume d'Arabie Saoudite. La conscience historique
refuse qu'Israël impose que la région arabe soit l'ennemie des
Arabes de l'intérieur, mais même sans la conscience
historique, la question est posée : comment peut-on soutenir
l'agresseur et ne pas soutenir la victime de l'agression ? Bien
évidemment, Israël préfère que ses citoyens arabes forment
un pont de la paix avec les Arabes, mais il faut que la tête de
pont soit Israël et non les Arabes. Dans cette situation, la
relation avec les Arabes sera bénie car elle sera utilisée
comme un outil de normalisation au service d'Israël. Quant à
la relation naturelle de vouloir établir des ponts avec les
sociétés et les Etats arabes pour maintenir l'identité
nationale et nationaliste, elle est refusée et une campagne est
menée contre elle car elle brise le cercle de la tutelle.
Israël a mené une campagne contre toute tentative arabe locale
sérieuse pour établir des liens avec les Arabes hors du système
de la tutelle. Ce fut toujours des collaborateurs et des agents
au service d'Israël, politiciens ou non, à la tête des
campagnes d'incitation de ce genre, car ce genre de relations ne
rentre pas dans le système de tutelle et met en danger leur rôle
aussi en Israël. Israël a interdit et empêché des lois qui
nous permettent d'établir des relations avec les Arabes, et le
degré de tutelle est devenu tellement élevé qu'il juge que
toute relation avec les Arabes hors du cadre de la tutelle est
une relation sécuritaire. Lorsque les flèches
constitutionnelles sont épuisées, il utilise les flèches sécuritaires.
Ce dernier jet, dangereux, où le vrai visage apparaît, ne fait
pas peur aux nationaux, et il est difficile de l'utiliser avec
intensité. Mais il est clair qu'il est actuellement utilisé
pour un cas individuel qu'ils jugent dangereux pour leur
politique, essentiellement. Le meilleur moyen de le faire échouer
est de ne pas lui permettre d'influer sur la position. Le fait
de vouloir éduquer les gens par le biais d'une personne ne
signifie pas que tous les gens doivent agir en fonction de cela,
sinon cela signifie qu'ils ont effectivement réussi à donner
une leçon.
La tutelle morale :
Elle est la plus grave, car elle impose sur supériorité morale
du sionisme et de la société juive sur les Arabes, qui
n'attendent pas seulement la satisfaction de la gauche sioniste
qui leur donne le brevet de l'"arabe modéré", de
"bon" ou de l'"évolué" ou
"rationnel" "qui ne ressemble même pas aux
Arabes", mais qui craignent et deviennent hystériques face
aux attaques de l'orchestre sioniste incitateur. Le plus grave
qui puisse arriver pour le colonisé c'est qu'il soit rassemblé
par les tambours et qu'il soit amadoué par les bâtons du
colonisateur, ou qu'il pose sur ses épaules quelques symboles
des médias israéliens ou perde son courage de le dénoncer.
Israël n'est pas une dictature, mais c'est une démocratie
juive, et une entité coloniale dans tout son comportement avec
les Arabes, y compris ses citoyens qui se trouvent sur cette
terre, ceux qui sont restés après la guerre de 1948, soit le
reste de la majorité arabe du pays.
Ces gens tirent leur droit de leur présence sur cette terre du
fait de leur présence effective, génération après génération,
à laquelle s'ajoutent les dimensons culturelles, religieuses et
nationales, et autres. C'est leur patrie, et la patrie dont on
parle n'est pas Israël mais le pays sur les ruines duquel a été
créé l'Etat d'Israël. C'est pour cela que leur nationalisme,
pour qu'il ne soit pas défiguré, est un nationalisme
palestinien et non israélien.
Mais la contradiction dans laquelle ils vivent est que le droit
de présence sur cette terre, du fait de la loi de l'occupant,
vient du fait qu'ils sont citoyens dans un Etat qui a occupé
leur terre et non pas en tant que fils de cette patrie qui a été
occupée. Ainsi, les cadres historiques sont bouleversés de
fond en comble, le citoyen a besoin de prouver par des papiers
israéliens qu'il a le droit de vivre dans ce pays, comme un
certificat de naissance, une carte d'identité ou un passeport,
et qu'il porte sur lui ces papiers en permanence par crainte
d'un contrôle policier, afin qu'il soit distingué des
habitants des régions occupées en 1967, qui sont interdits d'être
présents dans cette partie de la patrie, sans autorisation.
Sans nationalité israélienne ou sans pièce d'identité israélienne,
l'Arabe a le droit, dans le meilleur des cas, de rester dans sa
patrie trois mois, en tant que touriste, et cela lorsqu'il
obtient le visa d'entrée, et c'est un visa qu'essaient
d'obtenir de nombreux palestiniens de la Cisjordanie et de la
bande de Gaza, qui sont à l'extérieur. Une partie d'entre eux
est refoulée à l'aérport, et même le passeport étranger ne
peut le sauver si un touriste "ordinaire" essaie
d'entrer dans son pays.
La citoyenneté est devenue, dans une entité coloniale, un
outil d'expulsion, sauf si le Palestinien joue sur le terrain de
cette entité, au travers de ses lois, pour qu'une minorité
parvienne à rester sur le sol, tel que le permettent l'équilibre
démographique et les tribunaux israéliens, mais aussi la loi.
Tu dois prouver à l'autre et à toi-même que tu es israélien,
pour que tu restes en Palestine.
Mais que tu reviennes en Palestine, ce n'est, bien sûr, pas
possible. Ceci suppose qu'un mouvement national lui résiste. La
présence arabe palestinienne sur la terre, et nos droits ne
viennent pas de cette "israélisation". Tout cela
reste facile face aux sentiments de satisfaction et d'assurance
qui se dessinent sur leurs visages lorsqu'ils sentent que leur
identié ou leur passeport ou leur présence est acceptée par
l'Arabe. C'est une opération de duperie, de mensonge et de
falsification, unique et rare dans l'histoire contemporaine: ils
occupent un pays, chassent sa population puis empêchent ceux
qui restent de rester dans le pays sans une carte d'identité
israélienne ou sans nationalité, puis s'étonnent de
l'attirance de la nationalité israélienne sur les gens et leur
désir de rester en permanence en Israël, et certains Israéliens
affichent qu'ils comprennent de tout cela que la vie des Arabes
est magnifique à tel degré qu'ils s'y accrochent, comme si c'était
la motivation. Il est clair qu'une partie des gens a
effectivement oublié ce cadre colonial inversé menant à
l'attachement à la carte d'identité ou au passeport et qu'ils
s'en montrent fiers..
L'état de la pensée récente de la droite en Israël est de
dire : oublie ton droit dans ce pays en tant que palestinien,
ton droit, d'ailleurs, n'est pas idéologique issu du fait que
l'Etat a été construit pour toi, comme c'est le cas pour le
citoyen juif, la citoyenneté israélienne ne t'es pas accordée du
fait que tu sois juif, et elle n'est pas un de tes attributs,
mais elle te fut tolérée parce que tu es israélien par
"harsard," ou par "l'anachronisme" de ta présence
ici lorsque l'Etat a été fondé, ce qui veut dire que ta
relation à l'Etat est l'essentiel. C'est une relation basée
sur la fidélité ou la traîtrise. Qu'un Palestinien soit traître
à Israël, est-ce une phrase utile ? C'est ce qu'ils essaient
d'imposer actuellement, et c'est ce qu'il faut leur éviter de
faire.
Traduit par Centre
d'Information sur la Résistance en
Palestine