Le rapport de
Ha’aretz affirmant,
la semaine dernière, qu’il ne reste plus de Palestiniens
recherchés en Samarie [2] a suscité de nombreuses réactions
émanant de groupes palestiniens et des médias arabes. Une fois
de plus, l’Autorité palestinienne s’est vue accusée de
collaborer avec Israël et de vouloir empêcher toute
réconciliation avec le ‘Hamas.
Côté israélien, d’autre part, il n’y eut
quasiment pas de réactions. Cela peut provenir de la mémoire
relativement courte du public israélien, qui cherche à oublier
les vieilles réalités sécuritaires et s’agrippe peut-être
obstinément au slogan de “l’absence de partenaire“ palestinien.
Dans une large mesure, les décisionnaires en Israël et la
majeure partie de l’opinion se refusent à reconnaître la
révolution qui a eu lieu en Cisjordanie ces trois dernières
années. Il est tellement plus facile de s’accrocher aux vieux
slogans - comme “On ne peut pas se fier aux Arabes“ ; ou “Il n’y
a pas de quoi parler, ni avec qui“ - que d’admettre que
l’Autorité palestinienne a fait l’impossible et créé en
Cisjordanie des conditions de sécurité que les habitants de Lod,
Netanya et d’autres villes israéliennes ne peuvent qu’envier.
L’Autorité palestinienne est engagée dans une
guerre totale avec le ‘Hamas et le Djihad islamique. La loi et
l’ordre sont revenus dans les rues des villes. Partout la
croissance s’affiche, même dans les zones de grande pauvreté.
Les Palestiniens, à en croire un sondage récent, s’intéressent à
l’économie bien plus qu’à l’occupation ou aux colonies. Il
suffit de parcourir les sites internet du ‘Hamas pour prendre la
mesure de l’activité des organes de sécurité palestiniens, non
seulement à l’encontre de la branche armée du ‘Hamas, mais aussi
contre son infrastructure civile.
La révolution en Cisjordanie est si radicale
que les Israéliens ont du mal à la prévoir. À l’été 2003, sous
le gouvernement Sharon, l’avocat Dov Weisglass [3] négocia avec
l’Autorité palestinienne des mesures de sécurité incluant le
désarmement de quelque 400 militants recherchés en Cisjordanie.
En Judée, on peut aujourd’hui les compter sur les doigts de la
main. Weisglass rapporte que les collaborateurs de Yasser Arafat
disaient à leurs homologues israéliens ne pouvoir mettre cet
accord en œuvre parce qu’ils craignaient pour leurs vies.
La droite continue cependant à se plaindre de
l’Autorité palestinienne, soutenant qu’elle n’agit en
Cisjordanie que pour contrer la menace du ‘Hamas, et non dans la
volonté sincère d’aider Israël. C’est exact, mais le moment est
peut-être venu de renoncer au rêve de métamorphoser les
dirigeants de l’Autorité palestinienne en de fervents sionistes
qui, non contents de lutter contre les groupes islamistes dans
le seul désir de sauver des Israéliens, reconnaîtraient Israël
en tant qu’État juif. Même ceux des critiques de l’Autorité
palestinienne qui décrivent la situation ici comme fragile et
explosive ont raison. Si ce constat est juste, c’est surtout du
fait que les négociations sont bloquées et que le gouvernement
israélien donne l’impression de ne pas vouloir parvenir à un
accord de paix.
Le ‘Hamas n’a pas disparu en Samarie. Il
continue d’y jouir d’un soutien de l’opinion, et cela ne fera
que croître aussi longtemps que les négociations seront
retardées. Ainsi, le refus gouvernemental de toute avancée
drastique ne sert-il que la cause du ‘Hamas. Bizarrement (ou
peut-être pas), de nombreuses voix au sein de l’Autorité
palestinienne se félicitent du Premier ministre israélien et de
sa politique. Un journaliste palestinien résidant en Cisjordanie
expliquait il y a peu, qu’au vu de l’énorme mouvement de soutien
aux Palestiniens provoqué par la politique israélienne il
projette d’accrocher dans son bureau une photo de son nouveau
héros, Benjamin Netanyahu, à côté de l’ancien, Yasser Arafat.
À Alger, il y a 22 ans et un jour, Arafat
proclamait la fondation de l’État palestinien. À en croire
certains des “partisans“ de Netanyahu au sein de l’Autorité
palestinienne, pour peu qu’il persévère dans sa stratégie du
“que nenni“, il fera de cette déclaration un fait.