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Ha'aretz
Pour
une poignée de dollars
Avi Issacharoff
[il est clair qu'aujourd'hui,
après le voyage de Haniyeh à Téhéran et les dollars promis, le
Hamas a choisi une alliance avec l'Iran. Du côté du Fatah, on ne
s'inquiète pas (encore?) trop. Pour Jibril Rajoub, l'un des
dirigeants du Fatah, c'est Israël qui devrait s'inquiéter : ses
voisins ont faim]
http://www.haaretz.com/hasen/spages/801408.html
Ha'aretz, 15 décembre 2006
Trad. : Gérard pour La Paix Maintenant
Il y a environ six mois, un débat en profondeur a eu lieu au sein
du Hamas sur la question de l'aide financière de l'Iran. A cette
date déjà, il était clair que l'embargo international rendait
difficile l'action du gouvernement Hamas, même si Téhéran
promettait ses millions. Le chef du groupe parlementaire du Hamas,
Salah al-Bardawil, avait affirmé à l'époque à Ha'aretz qu'il y
avait désaccord au sein du mouvement : fallait-il, oui ou non,
prendre l'argent? Car il était clair que cela aurait un prix : le
Hamas serait associé dans l'esprit de la communauté
internationale à "l'axe du Mal", et l'Iran voudrait
"conseiller" l'organisation dans ses décisions.
Mais depuis lors, il est devenu clair que le Hamas a laissé ses
principes de côté et s'est concentré sur l'argent. Plus d'une
fois, des éléments égyptiens ont accusé Khaled Mesh'al et ses
collègues d'avoir, pour une poignée de dollars que l'Iran avait
transférés au Hamas, fait échouer un accord de libération de
prisonniers palestiniens en échange de Gilad Shalit
L'annonce faite par le premier ministre palestinien Ismail Haniyeh
de l'accord de l'Iran de transférer 250 millions de $ à son
gouvernement en 2007 symbolise le changement qu'a connu le Hamas
depuis son arrivée au pouvoir. Cette organisation, qui avait tenté
depuis sa victoire aux élections de préserver ses relations avec
l'axe irano-syrien en parallèle avec ses liens avec l'Egypte, la
Jordanie et l'Arabie saoudite, a formé une
alliance stratégique avec les "Perses", comme le président
égyptien Moubarak les appelle. De hauts représentants du Hamas
ont été déclarés persona non grata, non seulement en Jordanie,
mais aussi en Arabie saoudite. Toutefois, les Egyptiens tentent
encore de maintenir les apparences et n'ont pas coupé les liens
avec le Hamas. Sur les 250 millions de $ [promis par l'Iran],
environ 100 millions iront directement au Hamas, qui pourra
renforcer sa puissance militaire dans la bande de Gaza et ses
institutions sociales, qui
lui apportent du soutien populaire.
Du côté du Fatah de Mahmoud Abbas, malgré les conséquences de
l'aide iranienne pour l'avenir du Fatah, on ne panique pas encore.
Le président continue de faire preuve de ses habituelles hésitations.
Demain [samedi], il est censé prononcer un discours que ses
collaborateurs qualifient d'historique. Mais, à moins de
surprises de dernière minute, Abbas ne déclarera pas d'élections
anticipées, il ne fera qu'en expliquer la nécessité.
D'autres représentants du Fatah refusent de céder à la panique
: "Ce qui m'ennuie plus que tout, c'est l'occupation israélienne,
et non l'alliance entre Téhéran et le Hamas", dit Jibril
Rajoub. "La barrière sur la route vers chez moi, à Hebron,
la clôture de séparation, comme vous l'appelez (il le dit en hébreu,
d'un ton particulièrement méprisant), les colonies juives
tout cela m'ennuie beaucoup plus. Qu'ai-je à faire de ce qui se
passe avec l'Iran?"
Aujourd'hui, Jibril Rajoub étudie la société israélienne à
l'université Al-Qods, mais il est toujours un dirigeant important
du Fatah. Par le passé, le Hamas l'a accusé de trahison et de
collaboration avec Israël. Maintenant, il fait attention à ne
pas porter atteinte à l'honneur de l'organisation, peut-être à
cause des expériences amères qu'il a connues du côté israélien.
"Notre problème n'est pas le Hamas. Après le meurtre des
enfants à Gaza (1), il est clair qu'il faut parvenir à un accord
avec toutes les factions, pour qu'il n'y ait plus d'armes illégales
à Gaza. Mahmoud Abbas doit dire : 'Assez, j'en ai marre'. Il doit
prendre des mesures pour que les habitants de Gaza soient de
nouveau en sécurité."
Mais Rajoub ne se hâte pas de critiquer Mahmoud Abbas. Il
explique la situation complexe à laquelle il doit faire face :
"Il a trois options : la création d'un gouvernement d'unité
nationale qui pourra lever l'embargo, un référendum ou des élections
anticipées. Mais aucune n'est possible sans un accord avec le
Hamas. Il doit donc négocier directement avec eux."
Par ses études sur Israël, Rajoub connaît bien les questions du
sionisme. Il énumère les pays que Theodor Herzl a visités pour
tenter de convaincre le monde de la nécessité pour les Juifs de
créer une foyer national. "Il n'y a que la France où il ne
soit pas allé", explique Rajoub, puis il revient au conflit
israélo-palestinien : "Regardez vers l'Est et vous verrez
comment les Palestiniens vivent. Il y a chez nous un proverbe qui
dit que si votre voisin a faim, il faut commencer à vous faire du
souci."
Les Palestiniens ont faim.
(1) Les enfants d'un membre des services de renseignement du Fatah
ont été tués il y a quelques jours à Gaza. Le Fatah a accusé
le Hamas.
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