Sur le plan de la sécurité, une situation
nouvelle est en train d’apparaître en Cisjordanie depuis
quelques mois, quasiment ignorée par la presse israélienne. Le
chaos qui régnait dans les villes, les villages et les camps de
réfugiés de Cisjordanie a disparu pour isser la place à des
forces palestiniennes de sécurité revigorées. Pendant les 14
mois qui ont suivi la prise du pouvoir du Hamas dans la bande de
Gaza, l’Autorité palestinienne (AP) est parvenue à insuffler aux
habitants des territoires occupés un concept presque inconnu
depuis des années : l’Etat de droit.
Bien entendu, ceux qui affirment que le
respect de la loi en Cisjordanie n’est que partiel ont raison.
On n’y adhère pas toujours à la sainte trinité arrestation
-procès - sanction que l’on connaît en Occident. Pourtant, le
président Mahmoud Abbas, le premier ministre Salam Fayyad et le
ministre de l’intérieur Abdul Razzaq al-Yahia peuvent présenter,
lors de leur prochaine rencontre avec leurs homologues
américains et israéliens, plusieurs résultats significatifs.
D’abord, les milices armées ne font plus
partie du paysage des villes cisjordaniennes, par crainte, non
seulement de l’armée israélienne et du Shin Bet, mais aussi des
forces de sécurité palestiniennes. Les Brigades des Martyrs
d’Al-Aqsa ont été pratiquement démantelées, et la plupart de
leurs membres appartiennent aujourd’hui à l’appareil de sécurité
de l’AP. La police palestinienne a déclaré la guerre aux marchés
illégaux, à commencer par ceux des véhicules volés, naguère
piliers de l’activité dans des villes comme Naplouse, Jénine et
Hebron.
Plus impressionnant peut-être : la guerre aux
associations caritatives contrôlées par le Hamas et le Jihad
islamique, connues sous le terme collectif de « Dawa ». Le Shin
Bet estime que l’AP a fermé ou pris le contrôle de 45 de ces
associations. La semaine dernière, la police palestinienne s’est
introduite dans des mosquées de la région de Hebron et confisqué
du matériel de propagande que distribuait le Hamas. Des
imprimeries qu’utilisaient des groupes islamistes ont été
fermées. Leurs écoles et leurs hôpitaux sont aujourd’hui gérés
sous l’œil vigilant de l’AP.
Ces actions ont même valu à l’AP les louanges
de la sphère israélienne de sécurité, qui a pendant longtemps
considéré avec mépris les services palestiniens de sécurité.
Pendant des années, le chef du Shin Bet Youval Diskin, le
ministre de la défense Ehoud Barak et d’autres officiels de haut
rang ont fait des déclarations qui revenaient à dire que si
Tsahal devait se retirer complètement de la Cisjordanie, le
Hamas en prendrait le contrôle en 72 heures.
Pareilles déclarations ne tiennent plus.
L’appareil militaire du Hamas dans les territoires existe
toujours, mais il ne représente plus une menace immédiate pour
les institutions de l’AP. Israël et l’AP ont repris leur
collaboration au niveau de la sécurité, même si des deux côtés,
on tend à ne pas faire état publiquement de cette coopération.
Le centre commercial de Naplouse, géré par le Hamas et fermé il
y a deux mois par l’armée israélienne, a rouvert récemment ses
portes après que l’AP en a évincé les dirigeants pour les
remplacer par du personnel qui lui est fidèle.
Pendant le même temps, la sécurité
palestinienne a fait échouer ces derniers mois plusieurs
tentatives d’attentats suicide et confisqué des centaines
d’armes ainsi que d’importants stocks d’explosifs. L’un des
problèmes de ces actions demeure ce qui est devenu un symbole de
la sécurité de l’AP : les « portes à tambour ». Bien que
plusieurs dizaines, voire centaines de membres du Hamas et du
Jihad islamique soient actuellement détenus dans les prisons de
l’AP, la plupart sont libérés dans un délai de quelques jours,
comme c’était le cas à la fin des années 90 et pendant la
deuxième Intifada. L’AP n’a toujours pas d’explication
convaincante pour ce phénomène, et cette image devrait persister
jusqu’à que cela change.
Néanmoins, l’éternel « non-partenaire » est
devenu un partenaire. L’AP compte, du moins pour ce qui concerne
un futur accord en Cisjordanie. Abbas, longtemps considéré comme
un dirigeant qui ne faisait pas le poids, est en train de se
révéler lentement comme un dirigeant stable, fiable et
incorruptible, même (surtout ? ndt) comparé aux décisionnaires
israéliens. Aujourd’hui, il est plus difficile de trouver un
partenaire israélien : certains sont interrogés par la police,
d’autres sont occupés par des primaires [au sein du parti Kadima
en particulier, ndt].
Le fait que les médias israéliens ne
soulignent pas ces changements n’est pas réellement surprenant.
Peut-être la question palestinienne n’intéresse-t-elle plus
l’opinion de manière générale, peut-être la menace stratégique
posée par l’Iran a-t-elle éloigné cette question de l’ordre du
jour public. Mais au cas où une nouvelle vague de violences se
produirait en Cisjordanie, la question palestinienne referait
alors surface une fois de plus et ferait les gros titres des
médias. Mais, en attendant, qui s’en soucie ?