Egypte
Mohamed Morsi et
ses pouvoirs limités
Andreï Mourtazine
Mohamed
Morsi - © AFP/ KHALED DESOUKI
Lundi 25 juin 2012
Le candidat des Frères musulmans,
Mohamed Morsi, a été élu président de
l'Egypte. Selon le communiqué du
président de la Commission électorale
centrale présidentielle Farouk Sultan,
Morsi a recueilli 51,7% des voix, contre
48,3% pour son rival Ahmed Shafiq.
Conformément à la déclaration
constitutionnelle (la constitution
provisoire), adoptée par les militaires
après la révolte populaire en 2011, le
président du pays est élu pour un mandat
de quatre ans avec la possibilité de
réélection pour un second mandat.
Toutefois, la nouvelle constitution
du pays n'est pas encore écrite, et le
pouvoir en Egypte appartient toujours au
Conseil suprême des forces armées dirigé
par l'ancien ministre de la Défense, le
maréchal Tantaoui, et les militaires ne
semblent pas vouloir s'en séparer
complètement. Ce qui rend le rôle de
Mohamed Morsi bien moins important que
ses partisans ne l'espéraient.
D'autant plus que les nouvelles
autorités devront pour commencer
poursuivre la politique de Moubarak dans
bien des domaines, pratiquement tous.
Les
militaires s'arrogent les compétences du
président
A première vue, ce que l'ancien
président Hosni Moubarak et son
entourage craignaient le plus devient
réalité. Après 60 ans de persécutions et
de répressions contre les islamistes,
ces derniers sont arrivés au pouvoir.
Mais le pouvoir de Morsi en Egypte,
contrairement à Moubarak, a été
considérablement restreint. En prévision
de l'issue du vote, les militaires ont
pris les devants. Le 15 juin ils ont
dissous le parlement, où 70% des sièges
étaient occupés par les islamistes, et
deux jours plus tard, le 17 juin, ils
ont rendu publics les amendements à la
déclaration constitutionnelle, en
élargissant leurs compétences en période
de transition.
Selon ces amendements, le Conseil
suprême des forces armées (CSFA)
remplira les fonctions du pouvoir
législatifs jusqu'à l'élection du
nouveau parlement. De plus, les
militaires ont conservé le droit
exclusif de nommer et de destituer les
chefs militaires.
Enfin, les nouveaux amendements ne
permettent pas au président de déclarer
la guerre et d'utiliser l'armée pour
assurer la sécurité dans le pays sans
l'autorisation du CSFA. Cela signifie
que les militaires ont réalisé un coup
d'Etat en réduisant les compétences du
futur chef de l'Etat qui ne plus que
représentatives, à l'instar de celles de
la reine d'Angleterre.
Théoriquement, cela signifie que
l'Egypte se transformera de république
présidentielle en république
parlementaire. La question est seulement
de savoir à quel point le futur
président du parlement sera indépendant
des militaires et quels seront ses
prérogatives.
Rappelons que le Conseil suprême des
forces armées avait promis de redonner
tous les pouvoirs au président élu par
le peuple avant juillet. Mais pour
l'instant, la déclaration
constitutionnelle offre les pleins
pouvoirs aux militaires.
Président de
"tous les Egyptiens"
Grosso modo, Morsi convient tout à
fait aux militaires. Ce n'est pas un
fondamentaliste enragé.
Morsi est diplômé d'ingénierie, il a
étudié aux Etats-Unis. Il possède une
expérience de travail parlementaire – à
l'époque de Hosni Moubarak il a été élu
à plusieurs reprises député indépendant.
Ses premiers pas sur le terrain
présidentiel confirment déjà le
pragmatisme de cet homme politique.
Presque immédiatement après son
élection, Morsi a commencé à remplir ses
promesses électorales. Il a quitté les
rangs des Frères musulmans, de même que
le parti de la liberté et de la justice,
afin de tenir sa promesse de devenir
"président de tous les Egyptiens".
Morsi promet également de réformer
les institutions corrompues du
gouvernement et de donner à l'Etat une
"base islamique" – parvenir à la large
application des normes de la charia.
Morsi a fait une autre promesse tout
aussi importante après le premier tour –
nommer aux postes de vice-premiers
ministres deux autres candidats à la
présidentielle qui ont quitté la course
après le premier tour. Il s'agit du
nassériste Hamdine Sabahi et du candidat
islamiste indépendant Abou al Fotouh,
qui ont occupé les 3e et 4e places
respectivement dans la course
présidentielle.
Les
félicitations, les premières
déclarations et l'avenir proche
Immédiatement après l'annonce des
résultats de l'élection, Mohamed Morsi a
commencé à recevoir des félicitations
aussi bien de la part de ses adversaires
que de l'étranger. Le président russe
Vladimir Poutine était l'un des premiers
parmi les dirigeants étrangers à
féliciter le nouveau président égyptien.
Le service de presse du Kremlin a
annoncé que "le président russe espérait
établir une coopération constructive
avec le nouveau gouvernement afin de
développer les relations
russo-égyptiennes et d'assurer la
paix et la stabilité au Proche-Orient".
"Les Etats-Unis félicitent le docteur
Mohamed Morsi pour sa victoire à
l'élection présidentielle en Egypte, et
nous félicitons le peuple égyptien pour
cet événement important sur le chemin de
la démocratie", stipule le communiqué du
porte-parole de la Maison blanche, Jay
Carney, qui a souligné que les
Etats-Unis avaient beaucoup de projets
communs avec l'Egypte, et que
l'administration américaine était prête
à travailler à leur mise en œuvre.
Hormis les "amis de l'ancienne
Egypte", le nouveau président a été
félicité par les anciens ennemis du pays
des pyramides. Morsi a reçu un message
du ministre iranien des Affaires
étrangères Ali Akbar Salehi. Morsi a
répondu en annonçant sa volonté de
rétablir les relations diplomatiques
avec Téhéran, rompues en 1980 après la
signature d'un accord de paix entre
l'Egypte et Israël.
"Il faut rétablir des relations
normales avec l'Iran sur une base
mutuellement avantageuse.
Cela contribuera à l'équilibre
stratégique dans la région. C'est l'une
des thèses de mon programme", a déclaré
Morsi dans une interview accordée à
l'agence de presse iranienne FARS.
Téhéran a cherché activement à
rétablir les relations diplomatiques,
notamment après la légalisation en
Egypte du mouvement islamique Frères
musulmans. Après le rétablissement des
relations, l'Iran promet d'accorder une
aide économique immédiate à l'Egypte,
"afin que le Caire puisse résister à la
pression des Etats-Unis".
Mais il ne faut pas oublier que ce
sont les Etats-Unis qui, au cours des 40
dernières années, étaient le principal
donateur politique et financier de
l'Egypte, et que c'est grâce aux
Américains que l'Egypte reçoit chaque
année pour les accords de Camp David 2,2
milliards de dollars sous la forme de
crédits gratuits pour ses besoins
militaires.
L'avenir nous dira si Morsi renoncera
à cet argent ou non. Mais il est déjà
clair qu'indépendamment de celui qui
dirigera l'Egypte peuplée de 80 millions
d'habitants – le nouveau président, le
président du parlement ou les militaires
– ils devront poursuivre la politique de
Moubarak dans pratiquement tous les
domaines.
L'Egypte est condamnée à la
coopération avec l'Occident et la
Russie. Sans cette coopération, l'Egypte
restera sans nouvelles technologies,
sans nouveaux armements, et sans les
touristes, qui apportent à l'Egypte non
seulement leur argent, mais créent
également des emplois pour toute
l'industrie hôtelière et balnéaire du
pays.
© 2012
RIA Novosti
Publié le 25 juin 2012
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