RIA Novosti
Le droit de vote à l'APCE, sera-t-il
retiré à la Russie ?
Andreï Fediachine
Photo: RIA Novosti
Mardi 29 septembre 2009 Une "semaine européenne" difficile
attend la Russie où seront remués les souvenirs de la "guerre
caucasienne". L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe
(APCE) commence le 29 septembre les débats sur le rapport du
Belge Luc Van den Brande sur les conséquences de la guerre en
Ossétie du Sud. Une résolution proposée par la Géorgie peut être
soumise au vote probablement le 30 septembre. Dans le rapport
intitulé "Le conflit caucasien, un an après" figure l'exigence
de priver Moscou du droit de vote.
Ceci dit, il ne convient pas de confondre ce document avec un
autre rapport qui peut également être publié avant le 1er
octobre. Celui-ci a été rédigé par l'Union européenne. A en
croire certaines informations, ce rapport stipulera sans ambages
que la guerre a été déclenchée par Mikhaïl Saakachvili. La
publication de ce deuxième rapport est reportée depuis fin
juillet. Il a été revu compte tenu de "nouvelles informations",
mais il a probablement été rectifié pour que les "aspects
agressifs" des actions de Mikhaïl Saakachvili ne soient pas trop
saillants. Bref, il y aura deux rapports à peu près sur un même
sujet et il faut s'attendre à un grand éveil de mémoire et aux
appels apropriés à "ne pas faire preuve d'indulgence", à "ne pas
apaiser", etc.
Le premier rapport de Van den Brande a été rédigé à peu près
il y a un an. Dans celui-ci, les actions de la Russie ont été
considérées comme très négatives, bien que "pas mortelles". Il
est vrai qu'il ne contenait non plus rien de particulièrement
flatteur à propos de la Géorgie. Elle a été un peu sermonnée,
comme un enfant qui ne savait pas ce qu'il faisait et s'est
retrouvé dans une situation fâcheuse.
A en croire les journaux européens, le contenu du nouveau
deuxième rapport sera carrément antirusse. Avant ce rapport, la
Géorgie a conditionné de son mieux les membres de l'APCE et a
déjà recueilli, semble-t-il, les voix nécessaires pour soumettre
au vote la question du retrait à la Russie du droit de vote à
l'Assemblée parlementaire européenne, la plus ancienne en ce
moment. Rappelons que le Conseil de l'Europe fondé en 1949
regroupe 47 Etats d'Europe. Les fonctions de l'APCE, son
principal organe parlementaire fonctionnel, consiste à défendre
la démocratie et les droits de l'homme. L'APCE ne peut autoriser
aucune "mesure répressive" et ne représente qu'un club à
discussions sur les droits de l'homme et le développement de la
démocratie.
Notre présence à l'APCE a toujours rappelé un mélange de
masochisme et de morgue parlementaire. Tantôt nous avons lutté
contre les critiques acerbes de ce qu'avait fait la Russie en
Tchétchénie (d'ailleurs, il y avait des raisons de critiquer),
tantôt nous avons donné régulièrement des leçons à l'Europe pour
ses "manques de contrôle" dans les pays baltes, en Géorgie, en
Ukraine, même en France après les émeutes d'immigrés qui y ont
eu lieu ces deux dernières années.
Il faut dire que l'expulsion du Conseil de l'Europe ne nous
menace nullement. Il a d'autres organes, sauf la tribune
publique de l'APCE, et même l'Assemblée parlementaire n'est pas
en mesure de "chasser" l'un des grands pays d'Europe, l'un des
cinq donateurs principaux du Conseil de l'Europe. Mais elle peut
nous priver de droit de vote. Mais même cela n'est pas un si
grand malheur. A en juger par les cas précédents (rien que pour
le Caucase, l'APCE a tenté trois fois de priver la Russie de son
droit de vote), ces tentatives n'ont pas de chances de succès.
A présent, il s'agit d'autre chose. Le moment est venu où la
Russie doit répondre enfin à la question suivante : qu'est-ce
qu'elle veut obtenir de l'Europe, y compris toutes ses
institutions, et non seulement le "marché commun" de l'UE,
principal consommateur de nos principaux avantages - les
ressources - à l'étape actuelle?
Il faudrait comprendre en ces jours qui nous séparent du vote
sur le rapport si nous sommes "pour" l'Europe en tant que
telle, avec sa démocratie, son économie, ses traditions, ou bien
"pour" une Europe avec notre place particulière et le caractère
génétique européen des ressources à laquelle personne n'est en
droit d'appliquer ses propres critères?
On entend le dirigeant de notre délégation à l'APCE
Konstantin Kossatchev affirmer que, si l'APCE ose nous priver du
microphone ne serait-ce que pour peu de temps, nous "prendrons
nous-mêmes une pause dans les rapports", nous allons les geler,
etc. Dans ce cas, l'APCE, le Conseil de l'Europe et l'Europe ne
se porteront pas bien. Mais pourquoi? Et comment?
L'APCE peut détériorer considérablement l'image de la Russie
qui ne brille pas déjà par sa pureté et son aspect immaculé en
Europe. Il est superflu de parler des causes : l'attitude envers
le "géant russe" a toujours été dans le Vieux Monde ou bien
préconçue, ou bien son comportement a été jugé d'après des
critères particuliers, ce à quoi nous avons beaucoup contribué
nous-mêmes aux époques présoviétique, soviétique et
postsoviétique. Il n'y a rien de grave à cela, car un pays situé
en Europe et en Asie et ayant des dimensions aussi grandes doit
certainement avoir un comportement spécifique. Si l'Europe ne le
reconnaît pas ou ne le comprend pas bien, cela ne signifie
nullement que cela soit inadmissible. Il est vrai, les
déviations doivent avoir certaines limites.
Nous qualifions aujourd'hui les résolutions de l'APCE sur la
guerre caucasienne d'exotiques et estimons que ses exigences
d'admettre les observateurs de l'UE, de l'OSCE et de l'ONU en
Abkhazie et en Ossétie du Sud "se trompent d'adresse". Cela
cache, soi-disant, les intrigues de Saakachvili, ses tentatives
d'internationaliser le problème, d'y entraîner les pays
européens et les Etats-Unis. En ce qui concerne le refus de
remplir les exigences avancées par l'APCE à la Russie de revenir
sur la reconnaissance de ces deux nouveaux Etats, tout est
clair, semble-t-il. Ces questions n'entrent pas du tout dans la
compétence de l'APCE et les Etats lucides ne réagissent pas à ce
genre d'exigences.
Mais pourquoi ne pas "internationaliser" un problème
litigieux? Peut-être, la Russie se sentira-elle plus à l'aise à
Soukhoumi et à Tskhinvali en présence des observateurs de l'UE,
de l'OSCE, de l'ONU et de nombreux journalistes? Peut-être,
grâce à ce contrôle international de tous les niveaux, l'Europe
commencera-t-elle à comprendre ce qui se passe en réalité en
Abkhazie et en Ossétie du Sud?
Le dénouement aura lieu dans quelques jours. Il est fort
probable que la résolution ne soit pas du tout adoptée. Il y a
eu des précédents. Mais ce qui est sûr, c'est que la question
des rapports entre la Russie et l'Europe ne disparaîtra pas.
Ce texte n'engage que la responsabilité de l'auteur.
© 2008 RIA Novosti
Publié le 1er octobre 2009
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