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Opinion
Raid Sanglant de
l'armée israélienne :
informations pointues et commentaires ajustés
Amir Si Larbi & Henri Maler
Lundi 14 juin 2010
Les médias dominants ne nous avaient pas habitués à une telle
débauche d'informations sur les réactions aux actes de guerre de
l'armée israélienne et la plupart des éditorialistes à de tels
accès de prise de conscience, ne serait-ce que parcellaire.
Mais, à bien lire ce qui a été publié sur les sites Internet et
sur la presse quotidienne régionale des 31 mai et 1er juin (1),
on découvre, conditionnant d'apparents détails, des prismes
déformants, souvent très déformants.
Que s'est-il passé ? Une « interception meurtrière »
(Pierre Rousselin, Le Figaro), un « abordage sanglant
», (Daniel Ruiz, La Montagne), un « arraisonnement
meurtrier » (Didier Pobel, Le Dauphine Libéré), un
« drame survenu en pleine mer » (Bertrand Meinnel, Le
Courrier Picard) ». Les éditorialistes du 1er juin cherchent
leurs mots, tandis que les journalistes d'information traquent
les « faits ».
(1) Des commencements incertains
« Qui a déclenché les violences ? » : « Faut-il incriminer,
comme le font les autorités israéliennes, des provocations de la
part de certains passagers de la flottille, ou une réaction
disproportionnée des unités israéliennes, comme l'affirment les
organisateurs du convoi ? », s'interroge, comme la plupart
des médias, Le Monde du 1er juin qui expose ainsi les
versions en présence « ...les membres du mouvement Free Gaza,
principal organisateur du convoi, affirment que les soldats ont
été les premiers à ouvrir le feu, sans justification. De son
côté, Israël accuse les militants d'avoir déclenché les
violences en attaquant les soldats, à coups de massue et de
couteaux, alors qu'ils étaient hélitreuillés depuis les
hélicoptères sur le pont du bateau... »
Soit ! Mais la façon dont certains médias ont traité la question
s'apparente au récit d'une bagarre de cour de récréation.
« Qui a commencé » ? La focalisation de l'information sur cette
question est lourde de présupposés accablants. Selon cette
version, le blocus imposé à Gaza n'est pas la première et la
principale violence. Un acte de piraterie, puisqu'il s'est
déroulé dans les eaux internationales, ne relèverait pas de la
violence. L'intervention armée de commandos de l'armée
israélienne ne serait pas, par elle-même, un acte de violence.
La menace armée de recourir à la force, avant et pendant le
débarquement, non plus. La violence ne commencerait qu'avec le
recours à des armes et non avec l'attaque proprement dite, ni
même avec le parachutage de commandos surarmés sur les
navires.... Seule importerait l'origine du premier coup porté ou
du premier tir.
Et comme dans la bataille des images, l'armée israélienne
dispose d'une vidéo prise par une caméra thermique depuis un
hélicoptère, celle-ci est complaisamment diffusée un peu
partout. Certes, la présentation de cette vidéo prend
généralement quelques précautions d'usage, mais elle entérine la
version sélective de la question « qui a commencé ? », quand
elle conforte la thèse israélienne en affectant de prendre ses
distances, puisqu'elle ne montre que les actes de violence
commis par les militants agressés.
Le Point.fr, par exemple, épouse cette version : « Flottille
pour Gaza interceptée. Regardez La vidéo de l'armée israélienne
pour se défendre », peut-on lire en titre le 31/05/2010 à 17:52
(dans un article modifié le 01/06/2010 à 08:44) : « (...) la
vidéo ne semble laisser aucun doute sur la violence utilisée
par les occupants de la flottille contre les soldats de l'armée
de défense israélienne. Prise de plongée, le premier plan
montre un soldat israélien débarqué par hélicoptère,
attaqué et frappé par les occupants qui le jettent sur le
pont inférieur. Sur la seconde scène, on aperçoit un occupant
armé d'une longue barre de métal qui frappe l'assaillant. Puis
une dizaine de rebelles tenteraient d'immobiliser un
soldat de l'armée israélienne. (...) »
Or ce que montre la vidéo de l'armée israélienne ne dit rien du
début des affrontements proprement dits. Mais surtout une
agression armée en pleine mer est un acte de violence et de
piraterie et, quel que soit le moment où sont intervenus les
actions des militants, ce sont des actes de légitime défense.
Mais qu'importe au Point.fr ! Un « soldat débarqué » est
« attaqué ». Mais un soldat qui débarque est d'abord un
attaquant ! Pourquoi pas « un agresseur de l'armée israélienne
est agressé à son tour ? » L'armée israélienne - privé pour une
fois du doux nom de « Tsahal » - est désignée comme « l'armée de
défense israélienne. Aux « soldats » sont opposés
des « rebelles ».
Autre exemple : Ouest France.fr, le 31 mai, expose les deux
versions, mais sous un titre qui tranche d'emblée : « Flottille
de Gaza. Les commandos israéliens attaqués à la barre de fer » (2)
Cette version sélective des « violences » ouvre la voie à une
querelle d'interprétation sur les sens de l'action.
(2) Une action troublante
Des objectifs contestables ? Un journalisme scrupuleux ne
s'en laisse pas conter et pose des questions. Le 31 mai, Claire
Servajan, sur France iinter,interroge Leïla Shahid sur sa «
réaction » : « Est-ce que vous approuvez Leila Shahid
l'opération telle qu'elle était montée, l'opération de cette
flottille internationale ? Est-ce que les militants qui étaient
sur les bateaux ont eu raison d'insister malgré les mises en
garde d'Israël ? ». Puis, elle la coupe « Mais Israël
avait prévenu que c'était de la provocation, hein, à ses yeux,
une telle opération ? ».
Un journalisme scrupuleux ne s'en laisse pas conter et se pose
des questions. Voici en deux sous-titres, l'alternative que
L'Express.fr du 31-05 propose à ses lecteurs : « Initiative
humanitaire... ou provocation armée ? » Toute autre
signification semble être exclue.
Les présupposés d'une question de ce genre sont consternants.
Ils laissent entendre qu'une initiative humanitaire cesse de
l'être quand elle poursuit un objectif politique et qu'une telle
initiative cesse d'être pacifique quand elle se donne quelques
moyens de défense. Aux yeux de qui cet objectif politique -
contester le blocus de Gaza - peut-il passer pour une
provocation, sinon pour ceux qui le soutiennent ?
... Comme Bernard-Henri Lévy qui s'est empressé de déplorer les
moyens employés pour « empêcher une provocation. ». Prise
de position qui ne dissimule pas son parti-pris en faveur du
blocus. Et si tous les commentateurs ne se sentent pas obligés
de désavouer explicitement le convoi humanitaire, quelques-uns
emboitent le pas à Bernard-Henri Lévy. Ainsi Denis Chaumin dans
La Nouvelle République du Centre-Ouest, le 1er
juin : « (...) Certes Israël pourra plaider la
provocation , s'adossant à de troublants arguments.
Les intentions des commanditaires de cette armada humanitaire
cinglant en Méditerranée n'étaient probablement pas aussi
limpides qu'ils s'appliquent à le soutenir désormais. Et la
flottille, bravant un blocus renforcé depuis trois années,
n'avait aucune chance raisonnable de parvenir à bon port. Rien à
voir avec l'"Exodus" de 1947. L'objectif était ailleurs et le
piège tendu a parfaitement fonctionné. »
Si le « piège » ne consistait pas dans la « provocation »
elle-même, il résidait dans la recherche de la médiatisation, ne
se lassent pas de répéter les commentateurs : « L'opération
une 'Flottille de la paix' n'avait pas caché son intention de
braver l'embargo naval de la bande de Gaza et de chercher la
plus grande publicité ». (Pierre Rousselin, Le Figaro)
; « Une "embuscade médiatique" tendue par des "humanitaires"
pro-palestiniens pas seulement armés de bons sentiments. »
(Jacques Camus, La République du Centre) ; « (...)
L'opération maritime menée au départ d'Istanbul misait sur la
médiatisation. L'avertissement d'Israël de ne pas laisser les
navires se rendre jusqu'à Gaza avait renforcé le projet des
militants pro-palestiniens, certains que des images
d'arraisonnement feraient le tour du monde et serviraient leur
cause. Mais l'intervention des commandos israéliens est allée
au-delà de l'accostage attendu. » (Dominique Quinio, La
Croix) - « Qu'il y ait eu, sinon de la provocation dans
l'opération "flottille de la paix", au moins une volonté
d'orchestration médiatique, sans doute. Pour autant, il est
parfaitement stupéfiant de voir avec quelle facilité les
responsables israéliens - militaires et civils - sont tombés
tête la première dans le piège qui leur était tendu (Jacques
Guyon, La Charente Libre)
Chercher à attirer l'attention des médias sur un blocus et sur
ses effets - attention que ces mêmes médias accordent... avec
parcimonie -, serait donc un « piège » que le gouvernement
israélien n'a pas su (aurait dû ?) déjouer ? C'est ce que laisse
entendre Le Point.fr (31.05) dans un « Décryptage », en
provenance de Jérusalem (3)
titré en lettre capitales : « Flottille pour Gaza interceptée ».
Une simple « interception » dont la suite du titre nous livre le
sens : « Le gouvernement israélien de Netanyahou pris aux pièges
». Pas un seul piège mais plusieurs ! Essayez d'expliquer dans
ces conditions que ce gouvernement n'est pas une « victime »...
Et de qui ? On se le demande...
Des acteurs équivoques ? - Alors qu'ils ne se sont guère
inquiétés des liens politiques du gouvernement de Benjamin
Netanyahou avec l'extrême-droite religieuse qui pèse lourdement
sur la politique de l'Etat d'Israël, nombre de médias qui nous
avaient peu habitués à s'interroger sur l'identité des
organisations impliquées dans des actions humanitaires, ont
souligné à l'envie l'existence de liens de tout ou partie des
organisations partie prenante de « Free Gaza » avec le Hamas :
sans même distinguer les liens politiques et les liens «
opérationnels » indispensables à l'acheminement de l'aide et
alors même qu'une multitude de personnalités peu suspectes de
sympathies « islamistes » étaient à bord des bateaux. Des
pseudo-informations, souvent invérifiables, suffisent à
disqualifier peu ou prou des humanitaires qui ne le seraient pas
vraiment.
Pas vraiment des humanitaires puisqu'il s'agit d' « un convoi
censé transporter des (...) humanitaires » (iTélé, 31 Mai
2010, 19:02). Des humanitaires, « certains bien intentionnés,
d'autres moins », note François Sergent dans Libération,
sans préciser à quelle aune il juge la valeur des intentions.
Pas vraiment des « humanitaires » puisqu'ils poursuivent un
objectif politique : obtenir la levée du blocus. Pas vraiment
des humanitaires puisque certains d'entre eux nourrissent
d'obscurs desseins. Pas vraiment des humanitaires puisqu'ils
entretiennent des liens troubles avec le Hamas («
l'organisation, controversée, entretient des relations proches
avec le Hamas » (Le Monde, Guillaume Perrier 2 juin),
voire avec al-Quaida ! (4).
Mais d'ailleurs, « est-ce qu'on est tous d'accord pour dire
que le Hamas est un mouvement terroriste ? », interroge
Raphaël Enthoven pour conclure et recentrer le débat de « Ce
soir ou jamais » de France 3, au lendemain du raid sanglant de
l'armée israélienne. (5).
(3) Une violence invisible
Quoi qu'il en soit, cette focalisation sélective sur une
violence qui n'aurait commencé qu'avec le recours à ses formes
visibles non seulement dissimule la violence même d'une action
armée dans les eaux internationales, mais cette dissimulation
est renforcée par l'omission de la violence... du blocus
lui-même.
Rares, très rares sont les articles ou les reportages qui se
sont attachés à restituer le contexte général du conflit
israélo-palestinien, de le mettre en perspective et d'apporter
un éclairage qui ne soit pas focalisé sur les seules
préoccupations israéliennes.
Les informations sur les effets du blocus israélien (et
égyptien) et, particulièrement les conditions de vie des
Gazaouis ont généralement été ignorées ou reléguées au second
plan. Parmi les exceptions : un court reportage de France 3 dès
le 31 mai et un article de Libération : « « Gaza,
l'interminable châtiment » de Jean-Pierre Perrin.
Les responsables israéliens ont pu ainsi, sans être vraiment
contredits, affirmer qu'il n'y avait pas de « crise humanitaire
à Gaza ». Voici par exemple comment l'AFP rapporte leurs propos
: « "Il n'y a pas de crise humanitaire à Gaza", a
affirmé M. Carmon, soulignant que les biens et matériels
destinés au territoire doivent emprunter les points de passage
autorisés. Le diplomate a rappelé que la
bande de Gaza est " occupée par des
terroristes qui ont renversé l'Autorité palestinienne lors d'un
coup de force violent" et que "des armes y sont
continuellement introduites, y compris par mer". ». Un peu
de distance - et de recul - n'aurait pas nui...
Pis : il arrive que « la question du blocus » ne soit soulevée
que du point de vue israélien, c'est-à-dire de son efficacité :
« La question du blocus se pose (...) ce blocus est
totalement inefficace » (iTélé, 1er Juin 2010, 19:15).
L'inscription de l'agression de l'armée israélienne dans le
passé récent et dans le contexte global de sa politique n'est
rappelée qu'au détour de quelques éditoriaux et commentaires (6).
Le bilan de la guerre de Gaza est-il évoqué ? C'est pour relever
que le rapport dit Goldstone du nom de son auteur, fruit d'une
enquête internationale diligentée par les Nations Unies à la
suite de l'offensive israélienne de décembre 2008, a été classé
sans suite et qu'il en irait sans doute de même d'une enquête
sur les circonstances de l'assaut meurtrier : « ...Il est
plus que probable qu'un récit ne puisse jamais faire l'unanimité
des deux camps si on se fie au précédent rapport Goldstone, du
nom du juge sud africain chargé en vain par les nations unies de
faire la lumière sur l'offensive meurtrière de l'armée
israélienne sur la bande de Gaza... » (Gille Paris, Le
Monde). Soit ! Mais encore ?
(4) Un langue châtiée
Dispensées, en principe, de prendre position, les informations
sont fournies dans une langue qui, quand elle n'est pas celle du
gouvernement israélien, en épouse l'optique, à grand renfort
d'euphémisations (7).
Dans la langue de Bernard Kouchner, l'attaque israélienne est un
« incident ». Dans celle de BFM TV (1 Mai 2010, 19:07)
aussi puisque, a-t-on pu entendre, « l'incident de ce matin »
risque de remettre en cause les relations entre la Turquie et
Israël. Comment désigner l'agression de l'armée israélienne ? Si
« Assaut » est le terme le plus communément employé, on peut lui
préférer « abordage », apparemment plus pacifique (8)
: « le conseil de l'ONU condamne l'abordage » (France 2,
1er Juin 2010, 13:00).
Pour évoquer la résistance à cet assaut - dont on omet, comme on
l'a vu, le caractère « violent » puisque des violences lui ont
succédé -, on pourra dire, parlant du commando, « à peine
hélitreuillé, un comité d'accueil les
attend » (France 3, 31 Mai 2010, 19:31) : une façon
détournée de parler d'une « embuscade ».
Comme on a pu le lire et l'entendre un peu partout, les
participants au convoi humanitaire sont des « militants » ou des
« activistes » (par exemple France 2, 31 Mai 2010, 20h 00).
Humanitaires et strictement désintéressés ? On peut en
douter. Et le doute se loge dans un qualificatif : ils sont «
pro-palestiniens » (9)
En d'autres circonstances, parlerait-on de militants
pro-éthiopiens ou pro-tchétchènes ?
Evidemment, la séquestration des militants enlevés en violation
de toutes les règles de droit a eu lieu dans un centre de
rétention : « le centre de rétention de Be'er Sheva » (BFM TV,
1er Juin 2010, 12:07). Cette expression remplace opportunément
le terme de « prison » ou est donnée comme son synonyme (10).
Mais « prison » pourrait suggérer - c'est fâcheux - que les
militants sont... « emprisonnés », voire provisoirement
séquestrés.
Heureusement, les séquestrés ne vont pas le rester longtemps
(c'est ce que France Info dès 7h le 2 juin, appellera un «
geste d'apaisement ») : « Israël annonce ce soir que tout
les ressortissants étrangers arrêtés lors de l'assaut seront
expulsés » (BFM TV, 1er Juin 2010, 22 h.31.) Cette annonce
est présentée sans distance dans un vocabulaire qui reprend la
perspective du gouvernement israélien. En effet, ces «
ressortissants étrangers » ne le sont et ne sont présents sur le
territoire israélien que parce qu'ils y sont séquestrés à la
suite d'une arrestation illégale et arbitraire effectuée dans le
cadre d'une opération militaire, elle-même illégale, menées par
des forces armées qui les ont enlevés dans les eaux
internationales. Pourtant, le mercredi 2 juin, nombre de médias
titrent : « Israël expulse les étrangers de la flottille » (11)
Or il aurait il aurait été plus exact, quitte à être plus long,
de dire : « Les participants au convoi humanitaire, enlevés puis
séquestrés par le gouvernement israélien, vont donc être
relâchés et reconduits hors des frontières d'Israël ». En
revanche, parler des « ressortissants étrangers expulsés » les
assimile à ces immigrés sans papiers, que le consensus dominant
traite en « indésirables » et dont il arrive qu'on dise plutôt,
pour atténuer cette fois l'effet de leur expulsion qu'ils ont
été ... « reconduits » à la frontière ou dans leur pays ! Quant
à « libérer », il peut revêtir un sens émancipateur. Ainsi, en
Une du Figaro du mercredi 2 juin 2010, ce titre : «
Israël libère les membres de la flottille de la paix. Leur
"expulsion" du territoire israélien devrait être terminée demain
». « Libère » est en gras et en plus gros. Sympathique et
magnanime gouvernement d'Israël ! Mais on a pu entendre beaucoup
mieux sur BFM TV, (1er Juin 2010, 23:20) : « Israël
annonce l'extradition des militants ». Or la notion
d'extradition désigne une procédure par laquelle l'auteur d'une
infraction est livré par un Etat à un autre qui le réclame
(5) Une « faute » ? Quelle « faute » ?
Que penser de l'agression israélienne ? Ici commencent les
commentaires proprement dits. Le gouvernement et l'armée
israélienne auraient commis une faute. Si les éditorialistes
sont quasiment unanimes à la condamner, cette condamnation n'est
guère monocolore :
- du désaveu d'un simple « dérapage » (Hubert Coudurier,
Le Télégramme) à celui, très rare, du « terrorisme d'état
» (Jean-Claude Kiefer, Les Dernières Nouvelles d'Aasace ou
Patrick Le Hyaric, L'Humanité) (12)
- d'un acte d'autodéfense « stupide » (Bernard-Henri
Lévy) ou d'une « riposte mal contrôlée »
(Dominique Quinio, La Croix) à « la voie du pire »
(Michel Lepinay, Paris Normandie) (13)
voire, mais très rarement, d'une action qui vise non seulement à
étouffer le peuple palestinien de Gaza (Patrick Le Hyaric,
L'Humanité), mais à « rendre impossible un État
palestinien » (Chantal Didier, L'Est Républicain) (14).
En général, pourtant, la condamnation dénonce un raid «
injustifiable, tant sur le plan moral que juridique.
(Patrick Fluckiger, L'Alsace), « une faute politique, morale
et historique » (Jacques Guyon, La Charente Libre).
Mais la plupart des commentaires (quand ils ne se bornent pas à
s'alarmer de la « spirale de la violence » et à en appeler à la
paix (15),
s'inquiètent d'abord des intérêts de l'Etat israélien : de
l'altération de son « image » et son isolement éventuel.
(6) Une mauvaise image
Toute guerre est « également » une guerre d'images, note Gilles
Paris dans Le Monde du 1er juin. : « Pour Israël, le prix de cet
assaut risque d'être une nouvelle fois coûteux. Il confirme une
incapacité à se mouvoir dans la guerre d'images qu'est également
le conflit israélo-palestinien, que ce soit en termes d'anecdote,
lorsque l'un de ses critiques les plus virulents, Noam Chomsky,
est empêché de se rendre à Ramallah, ou dans des drames tels que
l'assaut du 31 mai ».
Une simple « anecdote » ? Le terme est pour le moins
tendancieux. Mais on peut faire pire... Quand BHL parle, l'AFP
se précipite et, le jour même publie une dépêche qui nous
apprend que « BHL juge "stupide" l'assaut meurtrier israélien
». « Stupide » seulement, puisque cet assaut constitue une
grosse erreur de communication : « Les images (du raid) vont
faire le tour du monde. Elles sont plus dévastatrices pour ce
pays (Israël) qu'une défaite militaire ».
(7) Un déplorable isolement
Autre constat : l'isolement d'Israël. Autre évaluation implicite
: cet isolement est néfaste, parce qu'il est néfaste pour Israël
: « L'interception meurtrière de la flottille humanitaire au
large de Gaza aggrave durablement l'isolement diplomatique
d'Israël (...) Après la remise en cause de son arsenal nucléaire
par la conférence d'examen du TNP, la semaine dernière, Israël
est dangereusement isolé. » (Pierre
Rousselin, Le Figaro)
« Il faudra attendre pour savoir qui a tiré le premier »
: ainsi commence, comme si cette question était décisive, La
République des Pyrénées, l'éditorial de Jean-Marcel
Bouguereau qui se corrige aussitôt par cette déploration à sens
unique : « Mais au fond peu importe, car le mal
est fait. Israël est plus isolé que jamais, le monde
entier proteste. » Le « mal », c'est le tort porté à Israël.
***
Ainsi, par delà la diversité indéniable des informations et des
commentaires, leur plus grande pente reste la même : la majorité
des médias s'est surtout préoccupée, non du sort des
assaillis ou du droit des palestiniens, mais de l'isolement
international du gouvernement israélien. Et plus des
conséquences géopolitiques, pour lui-même, de la politique de ce
gouvernement que des conditions d'une paix juste et durable au
Moyen-Orient.
Notes
(1)
Ainsi que de I-télé et BFM TV et France Inter. Pour les
principales télévisions, voir notre
article précédent.
Une fois n'est pas coutume, nous n'avons évoqué que
partiellement la presse imprimée nationale.
(2)
Dernier exemple : dans Le Monde
du mercredi 2 juin, un article intitulé « Israël isolé après
l'assaut contre la flottille pour Gaza » est illustré par une
photo manifestement appropriée à son contenu légendée comme suit
: « Photo fournie par l'armée israélienne montrant le matériel
saisi à bord du "Mavi-Marmara" après l'assaut du 31 mai ».
(3)
Par Jean-Marie Hosatte, à Jérusalem.
(4)
Voir « « Rumeurs sur des rumeurs » dans notre article précédent.
(5)
Un remarquable Raphaël Enthoven qui explique d'abord qu'il est
trop tôt pour prendre position, et qu'il y a une guerre des
images de part et d'autre. Si Gaza a souffert du blocus
israélien, il ne faudrait pas oublier les villages israéliens
qui subissent les tirs de roquette palestiniens. Et quand
Kouchner a dénoncé l'action israélienne, comme une « incident,
il a réagi de façon trop hâtive. Enfin, lorsque Roland Dumas
précise que le Hamas a été élu, Enthoven qui, quelques minutes
plus tôt, s'indignait que Dumas renvoie les arguments
d'autodéfense d'Elizabeth Lévy aux arguments de Hitler invoquant
les Sudètes, lui réplique aussitôt : « Hitler aussi a été élu. »
(6)
« Le tollé est général. Une fois de
plus Israël a choisi la voie du pire. Comme au Liban envahi à
l'été 2006, comme à l'hiver 2008-2009 si meurtrier à Gaza. »
(Michel Lepinay, Paris Normandie).
(7)
La suite s'inspire en partie des observations et remarques
transmises par Kamel Makhloufi.
(8)
Quoiqu'il renvoie aussi à l'univers de la « piraterie »...
(9)
« Les militants pro-palestiniens étaient ils-armés ? » (iTélé,
1er Juin 2010, 11h.32) ; « militants turcs pro-palestiniens »
(BFM TV, 1er Juin 2010, 11:35, 12:01) ; « les militants
pro-palestiniens » (France 2, 1er
Juin 2010, 13:06)...
(10)
iTélé parle de « prison de Be'er Sheva » à 12:31 et de « centre
de détention » à 15:33, et enfin « centre de rétention » à
19:33.
(11)
Voir notre
article précédent.
(12)
Dérapage ? Hubert Coudurier : « (...)
le poids relatif des Palestiniens, qui
avait culminé lors des accords d'Oslo, a singulièrement décru,
autorisant tous les dérapages ,
dont l'arraisonnement de ce
convoi humanitaire fournit le dernier et triste exemple ».
Terrorisme d'État ? Jean-Claude Kiefer : «
Mais quelle image Israël donne-t-il ! Ce
pays qui gagnait toutes les sympathies bascule à son tour dans
ce qu'il faut bien appeler le "terrorisme d'État" (...) »
; Patrick Le Hyaric : « Ces
méthodes confinent à l'extrémisme d'État, au terrorisme d'État.
».
(13)
Riposte mal contrôlée ? Dominique Quinio, «
Mais l'intervention des commandos
israéliens est allée au-delà de l'accostage attendu. (...) Pour
une armée aussi entraînée que Tsahal,
la riposte
semble avoir été mal contrôlée.
». Voie du pire ? Michel Lepinay, «
Une fois de plus Israël a choisi la
voie du pire. Comme au Liban envahi à l'été 2006, comme à
l'hiver 2008-2009 si meurtrier à Gaza
».
(14)
Patrick Le Hyaric : « (...) Par cet
acte barbare et sanglant, les dirigeants israéliens signifient
bien qu'ils veulent que le blocus de Gaza soit total. Autrement
dit, ils souhaitent étouffer ce peuple aux mains nues. »,(Patrick
Le Hyaric, L'Humanité).
Chantal Didier, : « Tout à sa
volonté de rendre impossible un État palestinien, Tel Aviv prend
le risque de s'aliéner jusqu'à ses amis. »
(15)
Voir l' éditorial « ontologique » de Didier Pobel (Le
Dauphiné Libéré) dans
notre article précédent.
Publié le 20 juin 2010
Le dossier la «Flottille de la Liberté»
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