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TLAXCALA

La stratégie de sortie du conflit des responsables militaires et politiques israéliens était prête dès le deuxième jour de la guerre.

Le différend entre le Premier ministre, la ministre des Affaires étrangères et le ministre de la Sécurité intérieure a trouvé sa traduction dans la faiblesse des préparatifs guerriers.

Olmert est persuadé que c’est sa décision d’élargir l’offensive terrestre qui a fait pencher la balance du côté israélien au Conseil de sécurité de l’Onu.

Aluf Ben et Akiva Eldar 

in Ha’Aretz, 01.10.2006

repris in Al-Quds al-Arabiyy, 02.10.2006

La deuxième guerre du Liban diffère des précédents conflits impliquant Israël en ceci que ce pays jouissait d’un vaste soutien international, qui lui a permis de prolonger les combats, sans avoir à redouter que des immixtions politiques viennent entraver l’action de ses avions et de ses blindés.

Néanmoins, l’armée israélienne n’est pas parvenue à trancher militairement le sort de cette guerre, ni à définir une issue convenable. D’où le besoin d’une intense activité politique, qui a conduit à l’adoption de la résolution 1701 du Conseil de sécurité de l’Onu… Toutefois, Israël s’est vu contraint, dans le cadre de cette campagne politique, d’en rabattre sur la plupart des objectifs qu’il s’était fixés depuis le début du conflit, notamment sur le premier d’entre eux : la libération de deux soldats israéliens, dont la capture par le Hezbollah, le 12 juillet, avait mis le feu aux poudres – le second objectif non-atteint par Israël étant le désarmement complet du Hezbollah.

En lieu et place de ces exigences, Israël a réclamé le déploiement d’une puissante force internationale, en vue d’aider à maintenir le calme et d’empêcher un afflux d’armement à destination du Hezbollah. Ce fut là, en l’occurrence, un virage stratégique dans la politique israélienne – constante depuis de longues années – fondée sur deux principes : a) « Nous nous défendons par nos propres moyens » et b) « Il faut sauvegarder coûte que coûte la liberté de manœuvre de l’armée israélienne »…

Ha’Aretz a procédé à une enquête exhaustive au cours des semaines écoulées, passant en revue à cette occasion le processus de prise de décisions, grâce à l’analyse des conversations entre de hauts responsables du ministère des Affaires étrangères, du cabinet du Premier ministre et de l’appareil de la défense, ainsi qu’avec des ambassadeurs étrangers en Israël et divers diplomates israéliens en poste en Amérique et auprès du siège de l’Onu. Cette enquête montre qu’un retournement s’est produit dans la position israélienne, dix jours après le début du conflit ; c’est en effet à cette période qu’un accord s’est fait, au niveau de directions politique et militaire israéliennes, sur la « stratégie de sortie ».

La décision en a été prise en pleine guerre et elle n’a donc pas suscité d’intérêt particulier, ni sur le plan politique, ni sur le plan médiatique. Avant d’y parvenir, une divergence de vues a persisté entre la ministre des Affaires étrangères, Mme Tsipi Livni, qui en tenait pour l’arrêt de la guerre dès le lendemain de son déclenchement, et Olmert, qui préférait donner [toujours] plus de temps à l’armée.

Olmert prétend que c’est sa décision controversée d’élargir l’offensive en passant à la phase terrestre qui aurait fait pencher la balance du côté israélien au Conseil de sécurité de l’Onu, conduisant à l’adoption d’une résolution favorable à Israël [la résolution 1701, ndt].

Mais, au Conseil de sécurité, on voit les choses bien autrement : aucun des diplomates étrangers que nous avons interrogés dans le cadre de la préparation de cet article n’a indiqué avoir vu le moindre rapport de cause à effet entre la décision d’élargir l’offensive israélienne, et notamment de passer à la phase de l’offensive terrestre, et la nature de la résolution finalement adoptée…

13 juillet 2006 (deuxième jour de la guerre) : le ministère israélien des Affaires étrangères commence à préciser une « stratégie de sortie » du conflit

Au soir du mercredi 13 juillet, le gouvernement israélien a tenu une réunion spéciale, afin de déterminer la riposte israélienne à l’enlèvement de deux soldats israéliens et au tir de roquettes Katiouchas sur le Nord d’Israël [postérieur aux premiers bombardements israéliens sur le Liban, ce que ne dit pas Ha’Aretz ! ndt].

L’ambiance était dramatique, et il était évident pour tous les participants que la riposte serait puissante et que la patience devant les provocations du Hezbollah n’était plus de mise, d’autant qu’elles intervenaient après le kidnapping de Gilad Shalit et les tirs de roquettes [artisanales, palestiniennes, ndt] Qassâm sur le Sud d’Israël…

La ministre des Affaires étrangères, Tsipi Livni, est arrivée au conseil des ministres extraordinaire après une discussion interne à son ministère au sujet de l’affaire Shalit et de la crise dans le Sud [comprendre : dans la bande de Gaza, ndt] – discussion interne brutalement interrompue lorsque le directeur général du ministère se vit remettre un document urgent l’informant de ce qui venait de se produire dans le Nord [à la frontière avec le Liban, ndt].

« Il était évident pour tout le monde que nous passions d’une discussion pragmatique à une discussion stratégique" » nous explique un des participants à cette discussion, ajoutant que l’hystérie médiatique entretenue autour de la restitution de Shalit aurait (de son point de vue) suscité la « jalousie » de Nasrallah, ce qui l’aurait encouragé à procéder à ses enlèvements de soldats israéliens dans le Nord…

« Il vaudrait mieux supprimer l’entrée « Restitution des kidnappés » de notre dictionnaire : ça n’est pas réaliste… » a dit Livni aux autres ministres, en leur recommandant de se focaliser sur la mise en application de la résolution 1559.

Après la séance, le « groupe des 7 » s’est réuni sous la présidence d’Olmert afin de valider la destruction du stock de missiles à longue portée [du Hezbollah]. Livni est ressortie avec l’impression que l’armée avait besoin [tout au plus] d’une nuit supplémentaire, ou d’un peu plus de temps [seulement] pour parachever l’opération, et que l’on serait fixé sur ce point dans l’après-midi.

Le lendemain matin, 13 juillet, tandis que cent dix fusées Katioucha s’abattaient sur le Nord d’Israël et que l’aviation israélienne pilonnait cent objectifs au Liban, le ministère des Affaires étrangères commença à comprendre que l’armée était entrée en guerre sans se fixer un scénario de sortie réaliste, et nous sommes les premiers à révéler ici qu’il a été décidé dès ce moment-là de rechercher une issue diplomatique.

Le directeur général du ministère, Abramovitch, a chargé son adjoint politique Yossi Gal de diriger une équipe secrète afin de cristalliser une « stratégie de sortie » de la crise. Gal a recruté l’adjoint de la ministre, Tal Bakkar, qui était auparavant expert juridique à la délégation d’Israël à l’Onu, ainsi que l’avocat Daniel Reizner, spécialiste en droit international, qui a occupé précédemment un poste éminent à la section des affaires militaires du ministère, et participé aux négociations de paix avec les Palestiniens et avec les Syriens. Appartenaient également à cette équipe Nimrod Barkan, directeur des études politiques, Jacob Haddas, adjoint au directeur général chargé du Moyen-Orient et Odeid Yosif, du cabinet du directeur général du ministère.

C’est ce même jour que se sont cristallisées les idées fondatrices du cessez-le-feu finalement obtenu [bien plus tard… ndt]. L’hypothèse de l’ « équipe Gal » était que l’opération militaire n’aboutirait pas à la libération des deux soldats israéliens enlevés, ni au désarmement du Hezbollah, et que l’armée ne réoccuperait pas durablement, à nouveau, le Liban. La solution qui commençait à se faire jour consistait en une puissante force internationale, en soutien à l’armée libanaise, afin de l’aider à écraser le Hezbollah…

Le 14 juillet, l’équipe proposa à Livni un premier projet contenant les principes d’une « stratégie de sortie ». Le dimanche suivant (16 juillet), tandis que les médias traitaient essentiellement du missile ayant provoqué huit morts en tombant sur la gare de marchandises d’Haïfa, l’équipe présenta un projet plus détaillé comportant un premier jet de la résolution à soumettre au Conseil de sécurité de l’Onu [on en voit l’origine ! ndt]. Le document comportait notamment l’affirmation que les opérations militaires pourraient peut-être entraîner un certain affaiblissement du Hezbollah, mais qu’il fallait impérativement parvenir à des accords politiques afin de pérenniser durablement les acquis militaires. Les rédacteurs du document mettaient en garde contre le fait que si Israël ne prenait pas l’initiative [politique], cela risquerait d’amener la communauté internationale à rechercher – et à obtenir – des accords avec le Liban qui ne prendraient nullement en compte les préoccupations israéliennes.

Mais des saboteurs veillèrent à ce que la restitution des deux soldats enlevés restât le premier point du document, ainsi que de toutes ses annexes.

Les autres principes énoncés dans le document étaient les suivants :

1 – Adoption d’une nouvelle résolution « fondatrice » au Conseil de sécurité, se substituant à la résolution 1559 ;

2 – Déploiement de l’armée libanaise dans le Sud du Liban, en appui d’une force internationale de rétablissement de la paix (notons, à ce sujet, dans ce document, une hésitation entre l’envoi d’une nouvelle force opérant sous mandat international et le simple renforcement de la Finul déjà présente au Liban depuis 1978 ; les membres de l’équipe ont procédé à l’analyse de tous les types de missions internationales de maintien de la paix, à la recherche d’un modèle applicable au cas du Liban…) ;

3 – La force internationale jouit de prérogatives exécutoires, sous l’empire du chapitre 7 de la Charte de l’Onu, et elle est investie du pouvoir d’ouvrir le feu si cela est exigé par l’accomplissement de sa mission ;

4 – La région située entre le fleuve Litani et la frontière israélienne sera une zone non-militarisée ;

5 – Le désarmement du Hezbollah sera réalisé selon un plan mis au point en concertation avec le réseau des observateurs internationaux ;

6 – Israël et le Liban mettent sur pied un service conjoint de coordination politique et sécuritaire ;

7 – La communauté internationale apporte au Liban une assistance en fonction des avancées dans la mise en application de la résolution 1559 [en particulier en ce qui concerne le désarmement du Hezbollah] ;

8 – L’Onu impose un blocus sur les armes à destination des milices et de toutes les forces non-gouvernementales présentes au Liban.

L’équipe a proposé qu’Israël œuvre à faire avancer son initiative par l’intermédiaire de Washington et de Paris, sans que cette initiative « porte des empreintes digitales israéliennes », afin d’éviter l’apparition d’une opposition internationale contre elle. Mais, auparavant, il avait été demandé aux responsables du ministère israélien des Affaires étrangères de « vendre » ce projet, en Israël même, en particulier au Premier ministre et aux chefs de l’armée…

19 juillet : entre Olmert et Tsipi Livni, la rupture est consommée…

Tsipi Livni a commencé à sentir qu’il y avait quelque chose qui ne tournait pas rond, dès le 13 juillet au soir. Durant sa présence dans les nouveaux studios de la télévision israélienne, elle avait commencé en effet à entendre parler d’une opération de longue haleine et de cibles supplémentaires. Sa conviction était qu’il fallait que l’action politique entre en scène dès le bombardement réussi [sic] des stocks de missiles à longue portée du Hezbollah. Mais Olmert avait une vision différente : il estimait que l’armée avait besoin de quelques journées supplémentaires afin de détruire plus d’objectifs.

Le lendemain matin, soit le vendredi 14 juillet, Olmert a convié le « Conseil des 7 » [conseil des ministres restreint, dit « de sécurité », ndt] à passer à une nouvelle phase de l’opération militaire : le bombardement des banlieues Sud de Beyrouth, notamment des bureaux des dirigeants du Hezbollah et du domicile privé d’Hassan Nasrallah. On dit alors aux participants à cette réunion que cette opération entraînerait des tirs de roquettes sur Haïfa. Livni et le ministre de la Sécurité intérieure Avi Dichter s’y sont opposés, mais l’opération reçut néanmoins l’aval de la majorité, et la guerre fut par conséquent élargie.

Le dimanche 16 juillet, Livni a rencontré Olmert, et elle lui a exposé l’idée de l’ « issue politique », mise au point par son équipe. Olmert ne fut pas emballé. Il voulait donner plus de temps à l’armée. C’est à ce moment-là qu’apparut la rupture entre Olmert et sa chargée d’affaires – cette rupture qui ne s’est toujours pas refermée. Livni comprit qu’elle n’avait pas la majorité et que la guerre bénéficiait d’un énorme soutien tant politique que populaire. Elle décida de décliner toutes les demandes d’interviews et elle réduisit considérablement ses apparitions publiques, tout en poursuivant ses efforts auprès d’Olmert afin de le convaincre de se rallier à l’opération politique.

Ce même soir, Odi Segal apprend aux infos de la 2ème chaîne israélienne que le ministère des Affaires étrangères étudiait la possibilité de déploiement d’une force internationale au Liban. L’idée qu’Israël puisse s’appuyer sur une telle force était alors considérée comme hautement improbable. La réplique d’Olmert ne se fit pas attendre : le mardi 18 juillet, il a rencontré un groupe de responsables du ministère des Affaires étrangères désireux d’être nommés à des postes diplomatiques [hors administration centrale]. Ceux-ci ayant mentionné l’hypothèse d’une force internationale, Olmert répondit qu’il s’agissait certes là d’un titre excellent, pour les journaux, mais que notre expérience montrait que cette idée était une idée sans contenu réel, la force internationale d’interposition existant déjà au Liban, mais n’y faisant strictement rien…

Mais Livni tint bon sur ses positions et poursuivit ses tentatives, et elle persévéra à chercher à rencontrer Olmert, qui la fuyait en invoquant les prétextes les plus divers… Le cabinet du Premier ministre demanda à l’appareil de la défense de préparer une doctrine sur la force internationale. Amos Gilaad participa aux discussions sur l’appareil de défense et exprima son point de vue selon lequel le fait d’éloigner le Hezbollah du Sud Liban et d’introduire une force internationale effective représentaient une excellente issue de la guerre. Quand, au cours d’une des premières discussions, avait été évoqué le risque que cela crée un précédent qui finirait peut-être par devoir être extrapolé aux territoires [palestiniens occupés], Amos Gilaad répliqua qu’il n’y avait « rien de tel à redouter ».

En ces journées, le sentiment était, à Tel Aviv, que le monde était du côté des Israéliens et qu’il s’agissait-là d’une première dans l’histoire des guerres d’Israël… Le 16 juillet, le sommet du G8, réuni à Saint-Pétersbourg, décida de faire siens les buts de guerre d’Israël, et il demanda avec insistance que les deux soldats israéliens capturés soient relâchés sans délai et que soit appliquée la résolution 1559. Les dirigeants des pays du G8 prônèrent le déploiement de l’armée libanaise dans le Sud et décidèrent d’étudier entre eux l’envoi d’une force multinationale dans la région.

Quant à la responsabilité de la crise, elle fut rejetée sur… le Hezbollah [ !…] Parallèlement à cela, l’armée israélienne commença elle aussi à prendre en compte l’idée de l’envoi d’une force internationale, considérant que cela représentait une base excellente en vue de nouvelles dispositions sécuritaires au Liban. L’adjoint au chef de l’état major, le commandant Moshé Kaplinsky, faisait partie des premiers partisans de cette intervention étrangère. L’armée israélienne estimait qu’il faudrait envoyer 8 000 hommes au Liban ; de même, on tâta le pouls de l’Otan, afin de savoir  à quel point cette organisation était prête à envoyer une telle force. Cette idée [d’une force d’interposition de l’Otan, ndt] fut rejetée, en raison de « l’opposition de la France, désireuse de diriger elle-même ces forces internationales ».

Le dimanche 23 juillet, tandis que l’armée israélienne élargissait ses incursions terrestres, et après la chute de 200 roquettes sur le Nord d’Israël au cours du week-end, Olmert a rencontré Livni, et il l’a informée qu’il avait décidé d’adopter le plan d’intervention internationale. Le document du ministère des Affaires étrangères intitulé « Changer les règles du jeu, au Liban » fut adopté comme fondement de la position israélienne. Mais l’accord d’Olmert ne mettait nullement un terme au fossé qui s’était creusé entre lui et Livni, et il n’a pas résolu leur divergence fondamentale autour de la question du moment propice pour mettre fin à la guerre. Olmert, ainsi que l’armée, désiraient disposer d’un délai supplémentaire. Livni, pensait, quant à elle, que la prolongation des combats ne servait absolument à rien. Depuis cette date, et jusqu’à la fin de la guerre, c’est une équipe de ministres, placée sous la direction de Torpovitch, et avec la participation du conseiller politique Torjman, du cabinet du Premier ministre, qui supervisera la communication politique : elle comportait notamment le chef du conseil de la sécurité nationale, Ilan Mizrahi, le directeur général du ministère des Affaires étrangères Abramovitch, ainsi qu’Amos Gilaad.

La décision prise le 22 juillet ne l’avait pas été indépendamment des développements internationaux : Rice était en effet en train de voler vers la région afin de finaliser un cessez-le-feu et un nouveau règlement politique au Liban.

29 – 30 juillet : des Fermes de Shebaa à Kafr Qana :

Dick Johns, ambassadeur des Etats-Unis en Israël, avait représenté son pays à Beyrouth à l’époque de l’opération « Raisins de la Colère », ce qui lui avait permis de prendre connaissance des arcanes de la politique communautaire au Liban, et notamment des manœuvres de Nasrallah, ainsi que de la dynamique des bombardements israéliens, causant des milliers de personnes déplacées. Deux jours après le déclenchement de la guerre, il rédigea des principes en vue du règlement de la crise, pouvant servir de base à une résolution de l’Onu, et comportant, notamment, l’envoi d’une force internationale. Mais, les premiers jours, Washington se focalisa sur le sauvetage du gouvernement Siniora. Washington voulait aussi permettre à Israël de détruire si possible le Hezbollah et ses alliés, sans porter atteinte à l’infrastructure civile libanaise, tant il était conscient des effets dévastateur qu’aurait sa destruction, même partielle, sur le gouvernement Siniora. De son côté, Siniora convainquit Rice que le plus grand succès qu’il pouvait enregistrer serait l’évacuation des Fermes de Shebaa [occupées par Israël], situées aux pieds du Mont Hermon. Il proposa donc qu’Israël se retire de cette région et qu’il la remette aux forces de l’Onu dans l’attente que son statut juridique [= sa nationalité] soit établi. Siniora dit à Rice qu’il priverait, de cette manière, le Hezbollah de l’un de ses principaux prétextes de son activité militaire, ce qui ne pourrait que faciliter sa transformation en organisation politique non-armée.

Cette proposition emballa Rice, qui tenta de la vendre à Olmert, lequel la rejeta, au motif que cela aurait représenté un dangereux précédent dès lors qu’une telle initiative serait intervenue après l’agression du Hezbollah contre la souveraineté israélienne. Rice comprit immédiatement qu’elle devrait retourner bredouille auprès de Siniora…

Le différend autour des Fermes de Shebaa n’a pas entravé un progrès indéniable dans la mise au point d’un projet d’accords mutuels mis au point par Rice en fonction des positions respectives du Liban et d’Israël. Mais, au plus fort de ces échanges de vues, se produisit la catastrophe : le bombardement de Kafr Qana…

Les Libanais prièrent Rice de ne pas revenir à Beyrouth, et c’est ainsi qu’a achoppé son plan en vue d’un cessez-le-feu. Aujourd’hui, Olmert affirme que la catastrophe [comprendre : le massacre] de Kafr Qana a repoussé la fin de la guerre d’au moins dix jours.

30 juillet : les Français prennent la direction des opérations…

L’effondrement du projet de cessez-le-feu américain eut pour effet de mettre le projet français de résolution à faire adopter par le Conseil de sécurité en exergue de l’ordre du jour du moment. Israël n’était pas enthousiasmé par le projet français initial, qui prévoyait l’arrêt des tirs, un échange de prisonniers et la remise des Fermes de Shebaa à une tutelle internationale. A Jérusalem, la conviction prévalait que les Français se faisaient les porte-parole de la position libanaise, face à une position israélienne soutenue par les EEtats-Unis Washington et Paris jouissaient alors d’un même pouvoir de paralysie mutuelle. Chacun des deux partenaires [ou plutôt : chacun des deux protagonistes] était en mesure de mettre sur la table une proposition à soumettre aux voix, tout en sachant pertinemment que sa contrepartie éprouverait une difficulté certaine à lui opposer son veto, même s’il n’était pas d’accord sur tous ses points, dans le détail…

Sur ces entrefaites se déroulaient des pourparlers entre l’équipe de Torpovitch et trois responsables états-uniens : le directeur du service Moyen-Orient du ministère des Affaires étrangères, David Welsh ; l’éminent juriste Jonathan Schwartz et l’ambassadeur Johns. Contrairement à la position française, Israël insistait sur la nécessité de citer nommément le Hezbollah dans la résolution de l’Onu en tant que responsable de la crise, afin de donner du poids à l’exigence que ce mouvement soit désarmé.

Au début, les Français ont tenté d’équilibrer la formulation de la résolution au moyen de critiques à l’adresse des réactions israéliennes démesurées, mais cette expression disparut, finalement, du projet de résolution définitif.

On assista alors en Israël à une discussion acharnée autour de la question des prérogatives de la force internationale : celle-ci serait-elle placée sous l’égide du chapitre 7 ou sous celle du chapitre 6 [de la Charte de l’Onu] ? Dans l’armée, les avis sur ce point étaient tout aussi partagés ; d’aucuns voulaient une force « avec des dents [pour mordre] », tandis que d’autres redoutaient que cela n’entrave l’armée israélienne dans le cadre de sa riposte au terrorisme en provenance du Liban… De même, le Liban s’opposa à l’envoi d’une force internationale sous l’empire du chapitre 7, préférant apparaître comme celui qui aurait invité l’Onu à envoyer une force multinationale sur son territoire afin d’y renforcer les forces armées [régulières] s’y trouvant déjà [la Finul et l’armée libanaise, ndt]. La solution médiane arrangeant tout le monde fut trouvée : on utilisa les formulations du chapitre 7 sans le mentionner de manière explicite…

Les tractations autour du projet de résolution se poursuivirent encore toute une semaine et ce, pendant que les responsables israéliens hésitaient à faire pénétrer trois régiments au Liban afin de « nettoyer » [sic] la région située au Sud du fleuve Litani et de l’ « épurer » [re-sic], dans le cadre des efforts entrepris afin de faire cesser les tirs de roquettes Katioucha sur le Nord d’Israël. Amir Péretz poussa à cette opération, tandis qu’Olmert était plus hésitant. Mais il finit par donner son feu vert, le mercredi 9 août, tout en demandant à ce que cette offensive soit ajournée, afin de donner une chance supplémentaire aux démarches politiques.

La journée décisive du 12 août

A son réveil, au matin du 12 août, Livni a appris que le projet amendé par le Conseil de sécurité était en retrait sur les termes des accords auxquels elle était parvenue avec Welsh la veille au soir. La conclusion qu’on en tira, en Israël, fut qu’elle ne pouvait accepter la nouvelle mouture. Olmert a confié que c’est ce matin-là qu’il a pris la décision d’élargir les opérations militaires afin de faire pression pour obtenir une amélioration de la résolution en voie de finalisation à l’Onu. Aujourd’hui, Olmert se répand, disant qu’il n’a jamais douté un seul instant que l’extension de l’incursion terrestre a été l’élément qui a fait pencher le plateau de la balance en faveur d’Israël au Conseil de sécurité, étant donné que cette incursion a poussé les Etats-Unis à user de toute leur influence afin que la résolution correspondît en tous points aux desiderata d’Israël.

Les Français comprirent alors qu’ils ne disposaient plus d’aucune marge de manœuvre. Les paragraphes de la résolution furent donc modifiés de manière à ce qu’Israël soit en mesure de prétendre avoir atteint tous ses objectifs : renforcement de la Finul ; surveillance des ports et de la frontière terrestre libano-syrienne ; retrait de l’armée israélienne du Liban en contrepartie du déploiement conjoint de l’armée libanaise et de la force internationale…

Le vendredi 13 août, à neuf heures du soir, la formulation définitive était au point. Elle fut alors soumise au vote du Conseil de sécurité, le lendemain, à trois heures du matin.

Et c’est ainsi que la Résolution 1701 du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies fut adoptée, à l’unanimité…

 

Traduit de l’arabe par Marcel Charbonnier, membre de Tlaxcala, le réseau de traducteurs pour la diversité linguistique (www.tlaxcala.es). Cette traduction est en Copyleft : elle est libre de reproduction, à condition d'en respecter l'intégrité et d'en mentionner sources et auteurs.

 

 


Source : Silvia Cattori


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