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IRIS

La défaite d'Al-Qaïda ?
Ali Laïdi


Ali Laïdi - Photo IRIS

2 juin 2008

Retour à la réalité pour Al-Qaïda. Depuis quelques semaines, la nébuleuse terroriste de Ben Laden enregistre de sévères revers sur le terrain. Des échecs qui pourraient durement frapper la transnationale du terrorisme. Certes, il serait présomptueux d’annoncer sa défaite mais il se pourrait qu’Al-Qaïda soit à un tournant stratégique. La cause de sa faiblesse : oublier que le terrorisme est aussi un acte politique. C’est en Irak que se joue une partie de son avenir.

Depuis quelques mois, Al-Qaïda y est affaiblie par ses options militaires. La stratégie initiée en 2003 par Abou-Moussab Al-Zarqaoui, (tué en 2006), aboutit à une impasse. En faisant du chiite sa première cible, Zarqaoui s’est trompé d’ennemi. Il a brouillé le message d’Al-Qaïda qui a toujours désigné l’Occident comme la principale cause des malheurs des Arabes. Après de longues tractations, Ben Laden et Ayman Al Zawahiri, ont été obligés de le désigner comme leur représentant en Irak. Aujourd’hui, ils paient cette erreur.

Car les deux leaders d’Al-Qaïda n’ont jamais fait des chiites leurs pires ennemis. Au contraire, lorsqu’il était réfugié au Soudan entre 1991 et 1996, Ben Laden n’a cessé de rencontrer le gratin de l’islamisme mondial à travers les conférences arabo-musulmanes organisées par le Soudanais Hassan Tourabi, qualifié à l’époque de Pape noir de l’islam. Les leaders chiites n’étaient pas les derniers à fréquenter ces grands raouts de « l’islamintern ». C’est au cours de ces cinq années au Soudan que le milliardaire saoudien a commencé à tisser sa toile.

Autre preuve du soutien d’Al-Qaïda aux chiites : à l’été 2006, en pleine guerre libano-israelienne, le numéro deux d’Al-Qaïda, Ayman Al-Zawahiri, appelait tous les musulmans à soutenir les chiites du Hezbollah en prise avec Tsahal. Quelques jours plus tard, certaines grandes voix du sunnisme saoudien se prononçaient contre le soutien au Hezbollah. Zarqaoui a donc forcé la main de Ben Laden pour obtenir son label en Irak. Et sa stratégie a déstabilisé voir délégitimé la présence d’Al-Qaïda dans l’ex-Mésopotamie.

Les Américains ont parfaitement compris où se situait le point faible d’Al-Qaïda. D’où leur revirement stratégique. Depuis quelques mois, l’armée américaine ne fait pas seulement la guerre, elle fait aussi de la politique. Elle applique enfin les concepts de la guerre asymétrique qu’un penseur militaire des années 60 a théorisés. Ce stratège est un officier…français. Ancien d’Indochine et d’Algérie, David Galula a rédigé deux ouvrages en anglais lors de son exil aux Etats-Unis. Son livre majeur, « Contre-insurrection », rédigé en 1963 est publié pour la première fois en français cette année . Ce sont les enseignements du lieutenant-colonel Godula que l’armée Américaine a appliqué sur le terrain et plus particulièrement ce principe fondamental dans la lutte insurrectionnelle. « Les interactions entre les opérations politiques et militaires deviennent si fortes qu’on ne peut plus nettement les séparer ; au contraire, toute opération militaire doit être planifiée en prenant en compte ses effets politiques, et vice versa. »

Après avoir tenté d’exclure les sunnites (minoritaires) du pouvoir en Irak, l’US Army a décidé d’en faire des alliés, tout en gardant le contact avec les chiites mêmes radicaux. Les Américains ont profité de la colère de la population confrontée à la violence inouïe des insurgés pour les diviser, et réarmer les plus remontés contre l’extrémisme des hommes d’Al-Qaïda. Faire de la politique pour les Américains, c’est revenir à un objectif simple mais primordial dans ce genre de conflit : protéger la population. Comme le général Petraeus, commandant des troupes en Irak, l’écrit dans la préface du livre de David Godula, « …toutes les actions de contre-insurrection doivent avoir pour but la protection de la population indigène. » Résultat de cette nouvelle stratégie : les rangs d’Al-Qaïda se vident.

Sans projet, Al-Qaïda se décompose. Comme les GIA en Algérie dans les années 90, Al-Qaïda paie son inconséquence politique : la violence aveugle ne peut pas être son unique réponse à la présence étrangère en Irak. D’où le fossé qui ne cesse de se creuser entre elle et la population. Or, aucun mouvement d’insurrection ne peut réussir s’il n’a pas son appui. Ben Laden le sait et c’est pour cette raison qu’il a dénoncé les GIA en Algérie.

Nous aurions tort de nous réjouir trop rapidement des déboires d’Al-Qaïda en Irak. Car cet échec devrait entraîner la mise en place d’une nouvelle stratégie. Cette fois-ci axée sur l’ennemi lointain, ce qu’on nomme dans le jargon jihadiste, la tête du serpent. Autrement dit les pays occidentaux. Les ressources humaines et financières des groupes terroristes, accaparées aujourd’hui par l’Irak, pourraient très rapidement se redéployer en Europe et aux Etats-Unis. Al-Qaïda fera tout alors pour que la violence due à la discorde (fitna) entre les musulmans se retourne contre des cibles occidentales. En invitant dernièrement ses sympathisants à frapper l’Europe, Ben Laden tente ainsi de définir une nouvelle stratégie pour faire oublier l’échec irakien.

 

Ali Laïdi, chercheur à l'IRIS

Diplômé de l'Ecole de journalisme de Paris, Ali Laïdi a travaillé pour différents médias (Le Figaro, Le Nouvel Observateur, L'Express, TF1, France Télévision notamment) où il a couvert les questions relatives au terrorisme islamique et à la guerre économique. Il a enseigné en majeure de journalisme à Sciences-po Paris (2001-2004).

Auteur de nombreux articles dans des revues spécialisées (dont Politique internationale), Ali Laïdi est également l'auteur de plusieurs ouvrages : « Retour de Flamme » (Calmann-Lévy, 2006), « Les secrets de la guerre économique » (Seuil, 2004), « Le Jihad en Europe » (Seuil, 2002) et co-auteur d'un ouvrage collectif « Guerre secrète contre Al-Qaïda », (Ellipses, 2003).



Source : IRIS
http://www.iris-france.org/...


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