Reportage
Le printemps arabe
: une révolution contestée
Balkanisation du monde arabe et
Palestine trahie (16e partie)
Ali El
Hadj Tahar
Mercredi 22 mai 2013
Les «islamistes»
ont la cote en Occident parce que leur
vision excommunicatrice crée
obligatoirement une surenchère
d’extrémisme et une fitna nationale et
régionale qui dopent la vente d’armes :
comme lors de la conquête de l’Amérique
lorsque les Blancs donnaient des armes
et de l’alcool aux tribus amérindiennes,
la stratégie de la Maison-Blanche est de
vendre des armes quitte à diviser des
peuples.
Les conflits
communautaires, religieux et ethniques
engendrent le terrorisme qui va créer le
réflexe d’autodéfense, puis une course
aux armements à l’échelle nationale et
régionale au profit des véritables
décideurs états-uniens, le lobby du
complexe militaro-industriel. Grâce au
terrorisme islamiste, le complexe
militaro-industriel a réussi à survivre
à la chute du communisme : la course aux
armements est même plus folle que lors
de la guerre froide. Le budget militaire
mondial est de plusieurs fois supérieur
à celui enregistré lors de la crise des
missiles de Cuba en 1962, pic de l’achat
des armes. Cinq pays accaparent 90% des
ventes d’armes sur le marché mondial. En
2010, les États-Unis détenaient 53,7%
des parts de ce marché d’exportation,
devant le Royaume-Uni (12,5%), la Russie
(8,2%), la France (6%) et Israël (5,3%).
Après la chute du communisme, la chute
du régime socialiste en Afghanistan en
1989 et la victoire des talibans, après
la fin de la guerre des Contras au
Nicaragua en 1990, après la fin de la
longue guerre d’Angola suite en 1989,
les conflits cessaient donc et les
commandes du Pentagone ont commencé à
baisser dangereusement, mettant en
danger le complexe militaro-industriel
états-unien. Mettre les clés sous le
paillasson et réduire au chômage des
milliers de travailleurs ? Alors est
venu l’attentat du World Trade Center
qui a relancé la course aux armements et
la vente des armes. Les pays du Golfe
serviront à alimenter la longue «guerre
au terrorisme» décrétée par Washington
en créant la fitna avec un wahhabisme à
la solde. Le terrorisme a fait des
millions de victimes parmi les musulmans
et quelques dizaines parmi les
Occidentaux, victimes collatérales d’une
crise créée pour les besoins de
l’Occident : s’il n’a pas appauvri par
des destructions, il oblige à dépenser
des milliards de dollars en armements au
lieu de les mettre dans des secteurs
utiles. L’après-guerre froide
nécessitait donc l’invention d’un nouvel
ennemi pour également justifier les
dépenses du Pentagone (500 milliards de
dollars/an sur un budget total de 1 000
milliards environ) et perpétuer le
fonctionnement du complexe
militaro-industriel américain, entre
autres «avantages» des guerres et des
conflits. Bénis soient l’Arabie Saoudite
et ce Qatar qui achètent des armes pour
attiser le feu et même doter les groupes
terroristes de leurs quotas respectifs.
C’est quoi la mort de 500 soldats
américains par rapport aux 1 295
milliards de dollars gagnés (entre 2001
et 2011) par les marchands d’armes qui
ont approvisionné le Pentagone durant la
guerre en Irak et en Afghanistan ? Le
prix Nobel d’économie, Joseph Stiglitz,
estime ces dépenses à 3 000 milliards de
dollars, et non pas à 1 295. La
Maison-Blanche a formé des milliers de
collaborateurs et de traîtres pour
perpétuer le mythe qu’elle aide à
instaurer la démocratie à travers le
monde alors que son but a toujours été
et reste de placer des dictateurs et des
valets qui permettent de piller les
richesses convoitées, outre les nouveaux
avantages offerts par les nouveaux pions
arabes. Aujourd’hui, les Etats-Unis
disposent d’une armée de traîtres, de
félons et d’agents dans le monde entier.
Si les harkis d’autrefois étaient
contraints par la misère à rejoindre
l’armée française contre leur propre
peuple, ceux d’aujourd’hui ne demandent
parfois qu’un visa à l’Amérique. Dans le
monde musulman, ces harkis ont la
caractéristique d’être des «islamistes»,
comme l’ont montré les nombreux agents
impliqués dans le «printemps arabe». En
Syrie, ces félons disent ouvertement que
la lutte contre le «régime» syrien passe
avant la lutte contre Israël et les
terroristes blessés se font même soigner
dans les hôpitaux israéliens, en plus de
recevoir des armes et des instructeurs
de l’Etat hébreu. D’autres avancent même
qu’Israël est un allié, tout comme
l’Amérique et l’Occident en général,
pour instaurer une «démocratie» qu’ils
disaient kofril y a à peine une décennie
de cela…
Balkanisation du
monde arabe et Grand Israël
Ainsi, les chars
et les avions de l’OTAN se chargeront de
les placer : avides de pouvoir, ils font
de l’excommunication et de la violence
des outils de déstabilisation des
«régimes» en place, tout en ayant la
certitude de n’être pas meilleurs. Ils
usent de stratagèmes, se disant les
ennemis d’Israël dont ils sont en fait
les meilleurs alliés, se disant les
ennemis de l’Amérique dont ils se
révèlent les plus grands vassaux. Les
wahhabites d’Arabie Saoudite n’ont-ils
pas acheté pour des dizaines de
milliards de dollars d’armements en 2012
pour plaire à Washington et soutenir
l’industrie de guerre états-unienne ? Ce
sont ces émirats archaïques qui veulent
servir de modèle pour les autres pays
arabes, désormais acculés à suivre ou à
résister pour survivre. Le «printemps
arabe» a donc révélé la collusion des
Etats occidentaux avec le terrorisme
«islamiste». En Tunisie et en Libye,
plusieurs terroristes ont pu occuper des
postes importants au sein des nouveaux
pouvoirs : le Tunisien Rached Ghannouchi
(encore classé terroriste au Canada), le
Libyen d’Abou Abdallah Al Salek, dit
Abdelhakim Belhadj, est devenu le
commandant militaire de la ville de
Tripoli, puis au mois de février 2012,
il a conduit un commando de 700
djihadistes vers la Syrie où il est le
chef réel de l’Armée syrienne libre. Les
terroristes libyens Ismaïl Al-Salabi et
Abu Sofiane Qoumou ont été désignés
comme commandants militaires de Benghazi
et de Derna. Fondateur du Groupe
islamique combattant, Abdelhakim Belhadj
possédait au moins deux camps
d’entraînement secrets en Afghanistan et
a commis de nombreux crimes en Irak.
L’ancien Premier ministre espagnol, José
Maria Aznar, a dit qu’il était suspecté
dans les attentats du 11 mars 2004 à
Madrid. Il était impossible d’avoir
recours aux «islamistes modérés» sans
récompenser les terroristes avérés qui
les ont soutenus. Le «printemps arabe»
affaiblit l’Iran et ce qu’on appelle
«l’arc chiite», qui comprend aussi
l’Irak, la Syrie et le Hezbollah de
Nasrallah. Évidemment que l’arc chiite
n’existe pas : en réalité, cet axe est
plutôt l’axe de la résistance face à
Israël, raison essentielle pour le
diaboliser et le taxer de chiisme bien
que les chiites ne commandent ni en Irak
ni en Syrie et que le Hezbollah libanais
comprend aussi des sunnites. L’Iran est
dans leur viseur, les Etats-Unis l’ayant
désigné comme leur ennemi mortel, sous
prétexte d’une «lutte contre la
propagation du chiisme», une lutte qui
vise à diaboliser Téhéran pour maintenir
une tension permanente dans la région.
Sans tension, pas de vente d’armes. Doha
et Riyad sont devenus les piliers de ce
qu’ils appellent «l’arc sunnite», cette
invention moyenâgeuse de l’Arabie
Saoudite qui engloberait les pays de la
péninsule ainsi que l’Égypte, la
Jordanie, le Liban et la Palestine
occupée. La Syrie et l’Irak sont accusés
d’avoir trahi et de faire partie de
«l’arc chiite», alors que la Syrie est
un État moderne où même les chrétiens
ont leurs droits, l’Irak est en train de
chercher un équilibre politique entre
sunnites et chiites, tandis qu’en Iran
vivent près de 20 000 juifs, ce qui
montre la tolérance de ces pays par
rapport au modèle saoudo-qatari. Le but
est donc de ramener Damas au sein de
«l’arc sunnite» par la force ! Cet «arc
sunnite» sous contrôle saoudo-qatari
imposera à tout le monde musulman le
diktat wahhabite et de la compromission
avec Israël. Riyad et Doha joignent donc
leurs forces pour des «révolutions»
wahhabites bénies par les pays
occidentaux qui font tout pour l’accès
des islamistes au pouvoir, à l’image de
Abdel-Jalil, Ghannouchi, Morsi…
L’islamisme amène le poison de la fitna
Zbigniew
Brzezinski disait : «Le véritable
intérêt vital pour l’Amérique est
d’assurer que le Golfe demeure une
source sûre et stable
d’approvisionnement en pétrole, vendu à
un prix raisonnable à l’Occident
industrialisé.» Et peu importe si une
dictature éclairée ou une dictature
sanguinaire est au pouvoir dans ces pays
marionnettes. Une autre caractéristique
des «révolutions colorées» en Eurasie
comme dans le monde arabe, c’est que le
pouvoir n’a pas été donné aux jeunes
«révolutionnaires» qui ont manifesté sur
le terrain mais à des hommes politiques
qui ont récolté la mise. Dans le monde
arabe, ce sont même des gérontocrates
qui ont bénéficié du «printemps» : Béji
Caïd Essebsi, le Premier ministre
tunisien, a 85 ans, sans oublier Rached
Ghannouchi, Moncef Marzouki, Morsi,
Abdel-Jalil, Mahmoud Jibril, outre les
vieux généraux proches de l’OTAN qui
tiennent le vrai gouvernail de ces pays
désormais… Aujourd’hui, le monde arabe
appelle révolutions les
contre-révolutions qui le mènent à la
régression – dite féconde et espérée par
des théoriciens américains et français.
Le monde arabe n’a pas conscience des
enjeux de l’histoire comme il n’a pas
conscience des voies justes et des voies
dangereuses qui mènent aux périls et aux
impasses. Il ignore la signification du
terme fascisme et ne sait même pas que
l’islamisme amène le poison de la fitna,
qui tue à petit feu les germes même de
l’intelligence et du savoir. En ôtant
les libertés à l’homme, il supprime
toute forme de justice ; et sans
justice, il n’y a pas de paix ni de
prospérité. Les islamistes vivent à la
marge de l’histoire, ils veulent vivre
le passé au lieu d’assumer le présent.
Le Qatar et l’Arabie Saoudite sont les
véhicules qu’ils chevauchent pour
arriver à leurs fins. Parmi les
conséquences gravissimes du «printemps»,
le fait que la Ligue arabe déjà
moribonde et inutile ait été transformée
en une secte de la compromission au
dollar, une simple chambre
d’enregistrement de la Maison-Blanche,
et l’Organisation de la coopération
islamique en une coquille vide, dans
l’attente qu’elles n’implosent si elles
ne continuent dans la trahison. Les deux
organisations sont devenues des chambres
d’exclusion des gouvernements
progressistes. Ouvertement, «la Ligue
arabe envisage de multiplier ses aides
en armements aux rebelles en Syrie et
les pays membres de la Ligue continuent
leur livraison d'armes aux opposants
syriens», selon Sergueï Lavrov, le
ministre russe des AE. Le «printemps
arabe» n’aurait jamais eu lieu si, en
2011, Doha n’avait pas convaincu
l’Autorité palestinienne de lui céder
son tour de présidence au sein de la
Ligue en contrepartie de 400 millions de
dollars. C’est là un autre indice de la
préméditation de ce «printemps » où
toutes les notes convergent comme dans
une partition beethovenienne. C’est
cette présidence qui permet à Doha de
multiplier ses coups de gueule et
menaces, faire et défaire des
«révolutions ». Pour 2012, les Comores,
eux aussi, ont accepté de céder la
présidence du sommet de la Ligue arabe à
un Qatar friand de tribunes des nations,
ayant compris leur utilité pour ourdir
des complots au profit de l’Oncle Sam.
En contrepartie, le président de la
République comorien, M. Ikililou,
espérait ramener des valises de dollars
comme en a eu le chef de l’Autorité
palestinienne en 2011. Le 31 mars 2011,
l’île de Mayotte, qui appartient donc à
un membre de leur Ligue, a été annexée à
la France qui en a officiellement fait
son 101e département, mais les Arabes et
leur Ligue ne s’en sont pas offusqués,
occupés qu’ils étaient à détruire la
Syrie ! Les Comores ont été amputées de
Mayotte lorsqu’ils ont accédé à
l’indépendance (6 juillet 1975) ; l’OUA
a souvent vivement dénoncé cette
amputation tandis que la Ligue arabe
n’en a jamais dit mot alors que l’ONU
reconnaît l’appartenance de Mayotte aux
Comores.
A. E. T.
(A suivre)
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Le Soir d'Algérie
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