Reportage
Le printemps arabe
: une révolution contestée
L'islamisme à la solde des USA et des
marchands de canons (15e partie)
Ali El
Hadj Tahar
Mardi 21 mai 2013
Aujourd’hui, les
Arabes peuvent méditer la déclaration de
Bernard-Henry Levy au sujet de sa visite
en Libye en mars 2011, en plein
événements contre Kadhafi. «C'est en
tant que juif que j'ai participé à cette
aventure politique, que j'ai contribué à
définir des fronts militants, que j'ai
contribué à élaborer pour mon pays et
pour un autre pays une stratégie et des
tactiques», a-t-il déclaré, concluant :
«J’ai porté en étendard ma fidélité à
mon nom et ma fidélité au sionisme et à
Israël.»
BHL dit bien qu’il
a «contribué à définir des fronts
militants», sans préciser qu’il s’agit
de «fronts» «islamistes». Pour rappel,
il voulait créer un groupe terroriste en
Irak, il y a quelques années. Malgré
cela, beaucoup «d’experts» persistent
encore à dire que les Etats-Unis et
l’Occident veulent la démocratie dans le
monde arabe ! Malgré tous les morts
qu’il y a en Syrie, ils croient encore
que l’Occident leur veut du bien alors
qu’il vient de transformer de nombreuses
villes libyennes en ruine après avoir
transformé l’Irak et l’Afghanistan en
décombres et cimetières. Beaucoup
d’experts disent que les Américains ne
peuvent pas soutenir Al-Qaïda et en même
temps la combattre alors que des
centaines de preuves, notamment en Libye
et en Syrie, attestent le contraire
d’une manière irréfutable. Pendant
qu’Al-Qaradaoui d’Al-Jazeera faisait sa
fatwa contre la Syrie et que le chef
d’Al-Qaïda, Ayman Al-Zawahiri, exhortait
ses troupes à aller y faire le djihad,
Hillary Clinton demandait aux rebelles
de ne pas déposer les armes. Les
Américains ont formé et armé les
formations djihadistes wahhabites en
Syrie avant de classer An-Nousra dans la
catégorie «groupe terroriste » afin de
leurrer les crédules. L’investissement
long et silencieux des Etats-Unis et de
l’Arabie Saoudite dans la promotion du
terrorisme wahhabite international a
donné ses fruits, auxquels vient
s’ajouter la promotion qatarie et des
autres pays du Golfe, qui font croire
que les uns soutiennent l’islamisme
modéré et les autres l’islamisme non
modéré comme s’il y avait deux Islam
alors qu’il y a un seul, l’Islam juste.
Mohamed Abdelwahhab (1703-1792) a
inventé une idéologie fasciste qui fait
actuellement office de «religion» à La
Mecque même et qui fait tache d’huile
avec la bénédiction américano-sioniste !
Les Etats-Unis savent que les
«islamistes» et les Frères musulmans
sont fondamentalement antidémocratiques
et c’est pour cela qu’ils les
soutiennent. D’ailleurs, on voit déjà
les conséquences de leur gouvernance en
Tunisie et en Égypte. Ils savent aussi
que les islamistes c’est l’économie de
bazar, au meilleur des cas un
libéralisme sauvage qui arrange
l’Occident. Les Américains n’ignorent
pas que la seule chose que savent faire
les Frères musulmans et les autres
salafistes et wahhabites est de
distribuer des couvertures lors des
séismes, des cartons de victuailles les
jours de Ramadan, faire l’aumône et puis
rien : en matière d’économie, chacun
pour soi et Dieu pour tous, disent-ils.
Libéraux dans le sang, le capitalisme le
plus sauvage est leur allié stratégique,
l’important pour eux est de donner la
zakat et la sadaqa sans se soucier du
reste et sans que quiconque vienne leur
demander des comptes. C’est la raison
essentielle pour laquelle les Américains
les préfèrent au pouvoir : il ne faut
pas voir le cas Erdogan, dont
l’exception ne fera jamais une règle
d’autant qu’il profite d’un système laïc
et d’une adhésion à l’OTAN qui lui
bénéficient sur tous les plans, y
compris économique, pour le moment. Les
«printemps arabes» vont obliger les pays
musulmans à se couler dans le modèle
ultralibéral dont l’islamisme est le
meilleur allié.
Les vertus
impérialistes de «l’islamisme»
Sachant que les
islamistes n’ont pas les compétences
pour développer leurs pays respectifs,
et qu’ils finiront dans l’économie de
bazar ou le bradage de leurs richesses
comme le font le Qatar et les pays du
Golfe, les Etats-Unis les encouragent
dans l’erreur qui permettra de piller
leurs richesses et leur fourguer des
marchandises tant qu’ils auront du
pétrole ou des richesses minières pour
payer, jusqu’au jour où ils seront bons
pour la poubelle ou la recolonisation.
L’Occident continue d’imposer son
imaginaire, un imaginaire standard, et
il n’a pas trouvé meilleur véhicule que
l’islamisme pour imposer sa pernicieuse
et néanmoins destructrice logique. Car
c’est «l’islamisme» qui se fond le mieux
dans la mondialisation, dans la
globalisation des néoconservateurs
sionistes, c’est le système idéologique
qui accepte le plus la destruction des
valeurs nationales souhaitées par le
néolibéralisme, y compris les valeurs
plus ancestrales et les plus conformes à
l’Islam. Ce n’est pas pour rien que la
culture américaine occupe la presque
totalité des chaînes de télévision des
pays du Golfe et celles d’Arabie
Saoudite en particulier : il ne s’agit
pas uniquement de légitimer la culture
mondialiste et libérale, à travers ses
modèles cinématographiques et ses icones
sportives et culturelles, ne laissant
aucune place aux produits africains,
asiatiques ou même arabes, syriens ou
égyptiens. C’est grâce à ces médias
arabes pro-impérialistes que la croisade
contre la Libye et la Syrie devient un
djihad : c’est grâce à ces chaînes qu’a
été validée l’idée traîtresse et lâche
et éminemment contraire à l’Islam que
l’on peut recourir à des Non-Musulmans
pour se débarrasser d’un «tyran»
musulman, et que le djihad en terre
musulmane est valide ! C’est grâce à Al
Jazeera et consorts qu’il est devenu
normal de faire une «révolution» en mode
coopération technique et même par
mercenaires chrétiens interposés. Les
Américains savent aussi que les
«islamistes» sont des traîtres et c’est
pour cela qu’ils les choisissent. Pour
conserver leur pouvoir à Khartoum, les
«islamistes» soudanais n’ont-ils pas
cédé la partie la plus riche de leur
pays au Sud-Soudan dominé par les
chrétiens ? Ils ont divisé leur pays
pour rester au pouvoir au nom de
l’idéologie wahhabiste qui ne fait
qu’aggraver la situation du pays.
Pourquoi les despotes soudanais ont-ils
été épargnés par le «printemps arabe» si
ce n’est parce qu’ils font l’affaire de
l’Oncle Sam et du Qatar ? En outre,
derrière les Frères musulmans tunisiens,
égyptiens et aussi en Libye, les
États-Unis ont pris soin de mettre des
généraux à leur solde. Ils disent
préférer le «modèle turc», mais ils
imposent le modèle pakistanais de Zia
Ul-Haq. Le modèle pakistanais, c’est
quoi ? C’est la propagation du
terrorisme en Afghanistan : c’est lui
qui a permis de détruire l’Afghanistan
socialiste et d’affaiblir l’URSS, tout
en offrant des milliards de dollars aux
fabricants et marchands de canons
américains. Des Zia Ul-Haq arabes
permettront de démultiplier les recettes
du complexe militaro-industriel.
L’implication des pays «printaniers »
dans la guerre contre la Syrie montre
que ce but a été atteint par les
Etats-Unis, qui ont aussi permis la
prolifération du terrorisme au Sahel,
une autre source de profits pour Boeing,
General Motors, Lockheed, Northrop
Grumman… L’un des grands vainqueurs des
«printemps arabe» est le terrorisme qui
a ressuscité Al-Qaïda et requinqué les
groupes djihadistes : l’un des buts
essentiels des «révolutions arabes» a
été de créer des régimes qui non
seulement arment, financent et
renforcent le terrorisme, mais aussi
envoient leurs propres enfants tuer et
se faire tuer dans des pays musulmans.
Un terroriste disait sur la chaîne
tunisienne que la fermeture de
l’ambassade de Syrie à Tunis lui a donné
un argument supplémentaire pour aller
faire du djihad dans ce pays. La guerre
contre la Syrie par le biais de 40 pays
interposés est l’illustration de la
nouvelle donne créée par les
«révolutions arabes» et qui présage de
conflits plus dramatiques pour les
musulmans et plus enrichissants pour le
complexe militaro- industriel américain
et occidental. Considérant les armements
que l’Algérie devra acheter pour contrer
le terrorisme après l’attaque de
Tiguentourine et la présence de quatre
groupes terroristes à ses frontières,
l’on imagine les gains escomptés par les
entreprises occidentales uniquement en
Afrique du Nord et au Sahel.
Peu
importe la couleur du chat s'il attrape
la souris
«D'abord nous
devons en finir avec les régimes
terroristes, à commencer par les trois
grands : Iran, Irak et Syrie. Puis nous
nous occuperons de l'Arabie Saoudite.
(…) Nous ne voulons de stabilité ni en
Irak, ni en Syrie, ni au Liban, ni en
Iran ou en Arabie Saoudite. Nous voulons
que les choses changent. La question
n'est pas de savoir s'il faut
déstabiliser mais comment le faire. The
war against the terror masters (Guerre
contre les maîtres de la terreur),
septembre 2002, de Michael Ledeen,
membre du groupe des néoconservateurs de
George Bush. L’Occident ne cherche pas
la stabilité dans le monde arabe,
d’ailleurs il n’y a pas un Occident mais
plusieurs : l’Occident ce sont des
intérêts contradictoires de lobbies
d’armements, d’hydrocarbures, de
l’industrie, unis uniquement autour de
la stabilité et de la sécurité d’Israël,
le seul paramètre vraiment dominant à
Washington, comme autrefois l’était la
lutte contre le communisme. Aujourd’hui,
la lutte contre le terrorisme n’est
qu’un fonds de commerce, et il se trouve
que des pays membres de l’OTAN comme
l’Italie et l’Allemagne sont moins
chauds que les autres à en faire un
cheval de Troie pour leurs conquêtes
impérialistes. Autrefois, le communisme
était l’ennemi, un vrai, pour tous les
membres de l’OTAN. Lors du «printemps
arabe», les Etats-Unis ont misé sur ceux
qu’ils appellent «islamistes modérés»
mais ils ont soutenu les opposants de
toutes les couleurs, sans distinction,
appliquant à la lettre la phrase du
communiste Den Xiao Ping : «Peu importe
qu'un chat soit blanc ou noir, s'il
attrape la souris, c'est un bon chat.»
Ainsi, quelque parti qui aurait pris le
pouvoir dans les pays de la «révolution»
était le bienvenu car ils l’ont
parrainé, et ce, en Égypte, en Tunisie,
en Libye et en Syrie. Si en Égypte et en
Tunisie, les élections ont amené le
parti des Frères musulmans et celui d’Ennahdha
au pouvoir, en Libye c’est celui de
Mahmoud Jibril, leur allié numéro 1, qui
a remporté la mise. La composition de
l’opposition syrienne parrainée par
Washington et Doha est un large spectre
allant de la droite à la gauche mais
dominé par les islamistes des
différentes facettes. Depuis la fin du
XIXe siècle, l’impérialisme américain a
pu s’imposer en divisant les nations,
donc grâce au soutien de toutes les
tendances centrifuges, identitaires,
autonomistes, sécessionnistes que ce
soit en Amérique latine, en Asie ou en
Afrique et au Proche et Moyen-Orient.
Aujourd’hui, il se base sur les
wahhabites, perpétuant une tradition
anglaise qu’ils ont vérifiée par
l’accord signé à bord du bateau Quincy
entre Roosevelt et le roi d’Arabie
Saoudite, en 1945. En effet, la secte
«islamiste» est le meilleur allié de
l’impérialisme américain et du sionisme,
et ce, depuis la création des
wahhabites, soutien des Al Saoud placés
par les Anglais à la tête de l’Arabie
Saoudite (en 1915, en 1925 et 1927). Le
mouvement des Frères musulmans a été
créé en Égypte pour jouer le rôle
d’agent anticommuniste,
anti-progressiste et antidémocratique et
s’est allié aux Britanniques dès 1920.
A. E. T.
(A suivre)
Partie
14/18
Partie
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Article publié sur
Le Soir d'Algérie
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