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Opinion
La Tunisie et les...
«défonceurs» de la révolution
Ali Ben Mabrouk
Mercredi 16 mars 2011
Tim Sébastien, l’animateur du «The
Doha Debate» était parmi nous la semaine dernière pour animer un
débat autour d’une très bonne question: «Les révolutions dans le
monde arabe vont-elles donner naissance à de nouveaux
dictateurs?» Par Ali Ben Mabrouk
Ce que Tim Sébastien voulait savoir en posant ce genre de
dilemme était de connaître à quel stade le monde arabe est-il
arrivé et s’il est suffisamment prêt pour appliquer la
démocratie dans la gestion de sa politique sociale.
La loi de la moitié non satisfaite
Ce concept qui dit que le peuple doit être maître de ses
décisions, libre de toute contrainte et œuvrant pour le bien de
la majorité. Seules les élections libres et sans bavures
apparentes peuvent assurer ce régime démocratique. Il n’en
demeure pas moins que, dans chaque élection, il y aurait
toujours une moitié moins un qui ne serait pas satisfaite du
scrutin final. Ceux qui vont perdre vont crier automatiquement
au scandale et prétendre que les élections ont été manipulées.
En Tunisie, ce problème ne se posait pas du temps de
l’ex-président déchu, les élections se déroulaient comme par
enchantement sans accrocs ni anicroches. Car seuls ceux qui vont
voter pour Ben Ali auront le droit d’accéder aux urnes,
moyennant une carte d’électeur délivrée sur le tri à ceux qui
vouent une totale confiance en la politique aveugle de
l’ex-parti au pouvoir, le Rassemblement constitutionnel
démocratique (Rcd). C’est pour cette raison que le taux de
réussite aux élections dépassait toujours les 90%.
Aujourd’hui, ceux qui décident du sort de la Tunisie sont les
syndicalistes, les avocats, les magistrats et les activistes des
partis d’extrême gauche. Tous ces bels esprits se sont
autoproclamés défenseurs des acquis de la révolution. Ils
agissent au nom de la société civile et tirent leur légitimité
du fait qu’ils ont tout misé – quand la bataille était déjà
largement gagnée – pour aider à la réussite de cette révolution
qui a redonné à la Tunisie toute sa fierté et sa dignité.
Le rôle ambigu de l’Ugtt et des
«défenseurs» de la révolution
Toutes les décisions et nominations décidées par le
gouvernement provisoire ont fait l’objet d’une critique acerbe
de leur part. L’ex-Premier ministre Mohamed Ghannouchi en a
souffert le martyre avant de rendre le tablier. Il a commis
l’erreur irréparable de montrer sa faiblesse en acceptant de
limoger certains des membres de son gouvernement, car depuis,
l’Union générale tunisienne du travail (Ugtt) ne l’a plus
épargné jusqu’à ce qu’il ait décidé de se retirer. Il a aussi
précipité sa chute en montrant les trésors cachés au palais de
Sidi Dhrif. La vue de tant de richesse accaparée illicitement
par l’ancien président déchu a manifestement dérangé les
Tunisiens de tous bords. Ces derniers ne pouvait plus supporter
l’idée d’être dirigés, fut-provisoirement, par un homme qui fut,
dix ans durant, le collaborateur soumis et zélé de Ben Ali.
Il est évident que la nomination de Béji Caid Essebsi comme
Premier ministre – qui a, dit-on, commencé par susurrer quelques
paroles menaçantes à l’oreille de Abdessalem Jerad, le patron de
la puissante centrale syndicale, pour le mettre aussitôt en
place – est venue à point pour sauver la Tunisie du gouffre où
elle allait s’enliser.
On peut imaginer la teneur de ces paroles tenues par le nouveau
Premier ministre qui n’est pas homme à mâcher ses mots vis-à-vis
de ses interlocuteurs les plus récalcitrants.
Dorénavant l’Ugtt doit redoubler d’attention et bien réfléchir
avant de déclencher de nouvelles grèves. D’ailleurs, celle
initiée par les agents de la Transtu, ces derniers jours, ne
devrait pas faire l’affaire du secrétaire général de l’Ugtt,
aujourd’hui sur un siège éjectable.
On est en droit de se demander quelles sont les vraies raisons
qui ont poussé les agents de la Transtu à observer, depuis
vendredi, cette grève qui paralyse l’activité économique à
Tunis, vu qu’un grand nombre de travailleurs utilisent le bus
jaune pour se rendre à leur poste de travail. En faisant limoger
le Pdg de leur entreprise que vont-ils gagner? En plus du
plaisir de faire entendre encore une fois la fameuse injonction
«Dégage!», que va apporter cette grève aux transporteurs?
Qui veut vraiment sauver la révolution?
Chaque fois que l’un des membres du Comité pour la défense
des acquis de la révolution apparaît à la télé ou à la radio, il
affirme qu’il agit au nom de la société civile. Il oublie de
mentionner que la société civile est composée de l’ensemble des
organisations non-gouvernementales qui œuvrent à trouver des
solutions aux problèmes de la société. Le but essentiel de ces
Ong est d’aider, avec le peu de moyens dont elles disposent, le
gouvernement dans sa tâche primordiale qui consiste à fournir du
travail à chaque demandeur d’emploi.
Les grèves, les sit-ins, les slogans hostiles à la bonne marche
du gouvernement et l’acharnement contre la Commission nationale
d’enquête sur les faits de corruption et de malversation ne vont
pas résoudre les problèmes sociaux et encore moins sauver la
révolution qui a été déclenchée – faut-il le rappeler – par ceux
qui aspirent au travail et à la dignité, car sans emploi stable
aucun Tunisien ne peut se sentir fier d’appartenir à cette
nation. Une nation qui a enfanté des héros et des martyrs comme
Mohamed Bouazizi et d’autres qui ont sacrifié leur vie pour que
la Tunisie demeure un havre de paix et de prospérité. Et non
pour qu’elle devienne une arène pour de vaines querelles
politiciennes.
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Publié le 16 mars 2011
avec l'aimable autorisation de Kapitalis
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