Opinion
Révoltes arabes:
diplomatie 2.0 ?
Alexandre Latsa
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Alexandre Latsa
Mercredi 31 août
2011
"Un autre
regard sur la Russie" par Alexandre
Latsa
Alors que les évènements en Libye ont
visiblement définitivement basculé avec
la chute du leader libyen Mouammar
Kadhafi, tous les regards sont désormais
braqués sur la Syrie de Bachar el-Assad.
Durant les sept premiers mois de l’année
2011, face au printemps, puis à l’été
arabe, la diplomatie russe a souvent
semblé hésitante alors que de nombreux
observateurs s’attendaient à des
positions tranchées, dans la continuité
d'une certaine ligne diplomatique bien
éprouvée.
Bien au contraire, la Russie a eu une
position attentiste et prudente, dans
laquelle il n’a pas été facile de
discerner une quelconque ligne
directrice. L’affaire libyenne a même
provoqué un début de confusion dans la
diplomatie russe: en effet, le premier
ministre russe en mars dernier avait
assimilé l’opération militaire
occidentale en Libye a une croisade
alors que le président avait
déclaré dès le lendemain que le terme de
croisade était inadapté et inacceptable.
Nombre de spécialistes et observateurs,
à ce moment là, ont imaginé que c’était
le début des hostilités entre les deux
hommes en vue de l’élection
présidentielle russe de 2012, mais
également l’apparition au grand
jour de deux courants d’idées qui
pourraient s’affronter, au cœur du
pouvoir russe. Le jour suivant, le
porte-parole du Kremlin avait affirmé
que les propos du président Medvedev
n’étaient pas destinés au premier
ministre mais qu’il s’agissait d’une
réponse à une déclaration du guide
libyen qui avait aussi accusé les
occidentaux de mener une croisade contre
son pays.
Pour autant, l’absence d’utilisation
du droit de veto par la Russie, au
moment de la résolution 1973 de
l’ONU est un fait concret, qui a été
interprété comme un replacement
diplomatique de la Russie. Aujourd’hui,
alors que la Syrie, considérée comme
proche de Moscou, est face à une
situation chaotique, et que certains
leaders politiques ont déjà affirmé que
le pays est le suivant sur la liste, que
pourrait-il se passer ? Quelle pourrait
être la position de la Russie en cas de
vote d’une résolution de l’ONU contre le
régime syrien ? Plus globalement quelles
conclusions peut-on tirer des prises de
position diplomatiques russes récentes à
propos des évènements dans le
monde arabe?
Tout d’abord il faut écarter ce mythe
selon lequel il y aurait une liste
d’Etats autoritaires destinés à subir
des révolutions démocratiques
inévitables, certaines de renverser les
pouvoirs en place. Le mécanisme des
révolutions organisées (révolutions de
couleurs) qui ont eu lieu en Eurasie,
puis plus récemment en Tunisie ou en
Egypte par exemple, n’a pas réussi
partout. Un certain nombre d’états
politiquement et économiquement solides
n’ont pas succombé aux manifestations de
masse et aux désordres organisés, que
l’on pense à la Russie, à la
Biélorussie, à l’Iran, au
Venezuela ou encore à la Chine. Par
ailleurs, il faut remarquer que les
révolutions qui ont eu lieu en Tunisie
et en Egypte ont rapidement
débouché sur des problèmes économiques
importants et n’ont pas encore livré de
résultats clairs en matière de gains
démocratiques. Mais les évènements en
Libye ou en Syrie n’ont plus rien à voir
avec ces mécanismes de tentatives de
révoltes non violentes. Il s’agit de
rebellions organisées, militarisées (par
plusieurs puissances occidentales dans
le cas de la Libye), et basées sur
des oppositions tribales, ethniques, ou
religieuses. La diversité des situations
a fait que la Russie n’est pas le seul
Etat à faire preuve de prudence face aux
évènements qui secouent le monde arabe.
La Russie avait voté la résolution
1970 de l’ONU (embargo sur les armes).
Elle était opposée au vote de la
résolution 1973, mais s’est abstenue
plutôt que de faire veto. En agissant
ainsi, la Russie ne s’est pas du tout
isolée comme l’a très bien noté note
l’analyste Eugene Ivanov. Au contraire,
elle a rejoint un groupe
d’abstentionnistes, composé de la Chine,
de l’Allemagne, du Brésil mais également
de l’Inde. Une ligne BRIC élargie
à l’Allemagne, moteur de l’Europe. Cette
coïncidence entre les positions de la
Russie et de l’Allemagne est un fait
nouveau et intéressant, surtout au
moment ou la France s’alignait sur les
positions anglo-saxonnes et guerroyait
aux cotés de l’Angleterre, puis de
l’Otan.
Bien sur la personnalité du guide
Libyen, indéfendable sur la scène
internationale a surement incité les
états qui étaient opposés à
l’intervention militaire, comme la
Russie ou la Chine, à ne pas prendre
position plus fermement. Pour la Russie,
la perte financière potentielle sur
les contrats engagés avec le
gouvernement Kadhafi n’a visiblement pas
justifié de froisser une partie de la
communauté internationale avec laquelle
la Russie est en négociations sur des
sujets très sensibles, comme l’entrée
dans l’OMC ou le bouclier anti-missiles
en Europe. En outre les représentants de
l’opposition libyenne viennent
d’affirmer qu’ils
envisageaient de coopérer avec les
pays industrialisés, y compris la Russie
et la Chine, au nom de la renaissance et
du redressement de la Libye.
La Syrie est sans doute un autre cas
de figure. Pendant le mois d’août, la
Russie et la Chine se sont opposées au
vote de la résolution proposée par le
conseil des droits de l’homme. Mieux la
Russie est à l’origine d’une
nouvelle résolution, soutenue par le
groupe BRIC, ce qui montre qu’elle
entend ne pas être écartée du dossier
Syrien. Aujourd’hui la ligne officielle
russe est celle du soutien au pouvoir
Syrien. Ce soutien de la Russie à
la Syrie est interprété de diverses
manières. Fidélité à un allié de longue
date, ou désir d’éviter une
déstabilisation de la région, Liban et
Israël compris.
Pour autant, en Libye comme en Syrie,
la Russie a envoyé ses représentants
discuter des le début avec l’opposition.
Toujours pendant le mois d’août le
président russe a fermement incité le
leader Syrien à réformer le système
politique du pays, emboitant ainsi le
pas à la Turquie (un allié de longue
date de la Syrie et de la Russie) mais
aussi à ligue arabe, qui a également
fermement condamné la répression
excessive des manifestations. Cet
alignement sur les prises de position de
la ligue arabe montre que Moscou est
sorti du dogmatisme postsoviétique de
défense systématique des leaders
historiques, en étant prête à collaborer
avec une certaine ligne médiane et
modérée, représentée par la ligue
arabe.
Traduction de cette récente politique
pragmatique développée par les autorités
russes dans la région: La turbine de la
centrale nucléaire de Bouchehr
(construite par la Russie) en Iran a été
testée avec succès
mardi 23 août. Dans le même temps ou
presque, Téhéran a affirmé
soutenir l’initiative russe de
relance des négociations entre l'Iran et
les grandes puissances du groupe 5+1 sur
le programme nucléaire controversé de
Téhéran, négociations pourtant dans
l'impasse depuis de nombreux mois.
L’opinion de l’auteur ne coïncide
pas forcément avec la position de la
rédaction.
Article publié sur RIA Novosti
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