Tribune
L'Union
eurasiatique entre deux mondes
Alexandre Latsa
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Alexandre Latsa
Mercredi 27
septembre
2012
"Un autre
regard sur la Russie" par Alexandre
Latsa
Source:
RIA Novosti
Plusieurs événements récents, passés
relativement inaperçus pourraient
pourtant avoir des conséquences
importantes pour l’avenir du continent
européen. Le premier est la décision
politique de la Bulgarie de
renoncer à poursuivre les
négociations d’entrée dans l’Euro. Le
plus pauvre des pays de l’UE a pourtant
enregistré une croissance positive en
2011 (1,7%) et sa croissance devrait
être sensiblement équivalente en 2012
également. Comme le ministre des
finances bulgare l’a clairement résumé:
"Je ne vois actuellement aucun
bénéfice à entrer dans la zone euro,
seulement des coûts (…) C'est trop
risqué pour nous et il n'est pas évident
de savoir quelles sont les règles et ce
qu'elles seront dans un an ou deux".
Même tonalité dans les propos récents
du ministre des finances polonais qui
semble renvoyer à plus tard la
perspective d'une entrée dans la zone
euro en affirmant que: "Je
n'aimerais pas emménager dans une maison
où des éléments architecturaux,
c'est-à-dire des éléments essentiels de
la rénovation, n'ont pas été réalisés ;
où le danger existe qu'un mur nous tombe
dessus". Dans le Nord de l’Europe,
la Lettonie et la Lituanie ont
également sensiblement différé leurs
calendriers d’adhésion à la monnaie
unique, ce qui traduit bien leur
inquiétude face à la crise que connait
l’UE.
Dans les Balkans, en Serbie, un
récent sondage a
confirmé les tendances qui se sont
dégagées lors de la dernière élection
présidentielle. Les mouvances
patriotiques et conservatrices auraient
la confiance en cas d’élections
anticipées de près de 62% des électeurs,
un score jamais atteint depuis la guerre
de 1999 et la fin de règne de Slobodan
Milosevic.
Enfin en Ukraine, un
récent sondage donne une nette
avance au candidat Ianoukovitch,
l’actuel président du pays. Le pays, qui
vient d’annoncer ne pas être en mesure
de payer la
dette énergétique accumulée dans les
années 90, lorsque le consortium du pays
était dirigé par la flamboyante et très
orange Youlia Timoshenko. La plupart des
analystes pensent que pour Kiev, le
rapprochement avec Moscou, dans un futur
très proche, est inévitable.
Ces développements qui auraient
semblé impossibles il y a seulement 2
ans, sont à intégrer dans une évolution
planétaire accélérée et qui voit
l’effritement progressif de l’influence
de l’Occident sur notre monde. Même
l’ONU semble perdre de sa superbe et de
son unilatérale autorité. Il ne faut
sans doute pas sous estimer les
conséquences du grand sommet des non
alignés qui a réuni 120 pays à Téhéran
en août 2012. Ce sommet, organisé par le
très controversé président iranien
Mahmoud Ahmadinejad, a permis à l’Iran
de rappeler au monde sa considérable
influence non seulement sur tout
l’espace Chiite (de Kaboul à Damas via
Bagdad), mais pas seulement. Les
prémisses d’une modification des
alliances régionales se sont peut être
dessinées, pendant ce sommet. Le
président égyptien orsi était à
Téhéran, et ce alors qu’il n'y avait
plus eu de relations diplomatiques entre
les deux pays depuis 1979.
Durant le sommet l'ayatollah Khamenei
à lui très fermement dénoncé le Conseil
de sécurité de l'ONU, qui a condamné
Téhéran à de nombreuses reprises depuis
2006. Mais malgré tout ce sommet aura
été un succès et le message au monde
occidental est très clair : une guerre
va sans doute s’accentuer au sein du
monde musulman entre les blocs saoudiens
et iraniens, et il n’est pas certain que
les nouveaux pouvoirs issus du printemps
arabe fassent docilement allégeance à
Ryad ou au Qatar comme le souhaitaient
ou le pensaient sans doute de nombreux
stratèges occidentaux.
Mais surtout, l’alliance occidentale
n’est plus en mesure de régler seule les
conflits régionaux.
IIl semblerait que les occidentaux
aient bien compris le message, et la
réponse de Washington ne s’est
d’ailleurs pas faite attendre puisque
sur la centaine de personnes qui devait
accompagner le président iranien à New
York pour sa dernière visite de
président à la 67ieme session de l’ONU
de cette semaine, de nombreux officiels
Iraniens se sont tout simplement vus
refuser leur visa pour les
Etats-Unis. Des restrictions par
ailleurs similaires à celles qui
frappent toujours un certain nombre
d’officiels
biélorusses ou
russes quand ils demandent un visa
pour un pays de l’Union Européenne.
Cette pression politique occidentale
est non seulement totalement insensée
mais surtout totalement inefficace
puisque pendant que l’Iran se sent très
vraisemblablement de moins en moins
acculée, la Russie, elle, avance ses
pions, et ceux de l’Union Douanière, à
l’ouest via
la Bulgarie,
la Serbie,
la République Serbe de Bosnie ou
encore
la Moldavie. Ce faisant, la Russie
mêle ainsi adroitement énergie et
orthodoxie pour créer une route
orthodoxe du gaz au cœur de l’Europe.
Alors que le monde se désoccidentalise
et que la question de la place de la
Russie
entre Ouest et Est est plus que
jamais d’actualité, il est peut être
grand temps d’observer à quel point la
Russie d’aujourd’hui semble être en
train de créer un réel pont continental
des civilisations entre un bloc
orthodoxe et un bloc musulman d’Asie
centrale. Un pont des civilisations que
finalement
l’Union Européenne vacillante et en
perte considérable d’influence (même au
cœur de l’Europe) n’aura pas été capable
de bâtir avec
la Turquie.
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