Tribune
La fin du monde,
non,
mais la fin du monde unipolaire, oui
Alexandre
Latsa
©
Alexandre Latsa
Mercredi 26 décembre
2012
"Un autre
regard sur la Russie" par Alexandre
Latsa
Source:
RIA Novosti
La fin du monde n’a finalement pas (encore?)
eu lieu et on peut dire que l’année 2012
ne s’est pas seulement écoulée sous le
signe
du pouvoir, mais aussi sous le signe
de la confirmation et de l’accélération
des grandes tendances économiques et
politiques qui se manifestent depuis le
début de ce siècle.
Le début du déclin américain, le
déclassement de l’Europe, la montée en
puissance d’une Chine qui devrait
accéder au statut de première puissance
du globe.
Il y a aussi et surtout l’émergence
de puissances régionales qui, fédérées,
sont susceptibles d’être les moteurs de
l’économie de demain. Symbole de ce
grand rééquilibrage, la visite en cette
fin d’année du président russe en Inde,
les deux pays ayant reconnu le droit au
nucléaire civil pour l’Iran. On peut
aussi mentionner la visite du président
Brésilien en Russie, le Brésil qui
appuie désormais la position russe en
Syrie, confortant l’apparition d’une
nouvelle diplomatie des BRIC qui va sans
doute faire entendre sa voix de plus en
plus souvent dans le futur. Il y a donc
les BRICS bien sur mais aussi les "Onze
prochains" (N-11) que sont Bangladesh,
Egypte, Iran, Nigeria, Pakistan,
Philippines, Vietnam, Mexique,
Indonésie, Turquie et Corée du Sud, les
quatre derniers étant connus sous
l’acronyme MIST.
L’émergence de cette architecture
multipolaire se confirme dans un monde
qui semble plus
chaotique et instable que jamais,
que l’on pense à l’effondrement
économique en cours d’un Occident qui
fait face a la pire crise financière de
son histoire moderne, ou aux terribles
tensions qui ravagent le monde musulman,
tensions dont l’épicentre se situe
aujourd’hui sans aucun doute en Syrie.
Ce pays, berceau des civilisations les
plus anciennes, se détruit
malheureusement peu à peu sous nos yeux,
depuis deux ans.
Il est finalement sans doute de plus
en plus difficile de prévoir ce qui va
se passer et de plus, le discernement
n’a jamais semblé autant manquer aux
analystes. Il est très intéressant et
souvent amusant de revenir en arrière,
et de comparer l’évolution du monde réel
avec les prévisions de certains
spécialistes autoproclamés qui se sont
exprimés dans les tribunes les plus lues
du Mainstream médiatique.
Sur ce sujet, la revue
Foreign Policy a récemment publié un
best-off des prévisions politiques les
plus ridicules de ces derniers mois.
Certaines concernant la géopolitique
sont hilarantes. On retiendra les
prévisions délirantes de Xan Smiley dans
The Economist qui assurait en
novembre 2011 que non seulement le
président Assad ne finirait pas l’année
2012 ou encore que le printemps arabe
permettrait l’apparition de régimes
plutôt démocratiques. Sur la Russie
c’est sans doute la très libérale Masha
Gessen qui mérite la palme d’or, elle
qui
écrivait avec en décembre 2011 que
Vladimir Poutine ne passerait pas le
printemps 2012 et surtout pas l’élection
présidentielle. Elle écrivait aussi que
le régime russe allait être emporté par
la
révolution démocratique née l’hiver
dernier. Quand à Gordon Chang, après
avoir reconnu que sa prédiction
d’effondrement du parti communiste
chinois en 2011 n’avait pas eu lieu, il
affirmait le 29 décembre 2011 que
celui-ci ne survivrait pas à 2012,
entrainant la Chine dans le chaos.
Enfin, l’institut de recherche pour la
paix d’Oslo envisageait de son côté en
octobre 2011 que le prix Nobel de la
paix serait attribué à Gene Sharp (le
théoricien des révolutions de couleurs),
à l’association russe Mémorial ou à la
radio russe d’opposition Echo de Moscou…
Il est difficile de ne pas sourire en
relisant ces prédictions pleines de
naïveté et/ou d’idéologisme.
Même si j'ai l'air de prêcher pour ma
paroisse, je dois dire que l'on ne
trouve pas de "délires" de ce genre dans
les colonnes de RIA Novosti. Les
tribunes de
Fedor Lioukanov, par exemple,
s'imposent en matière de relations
internationales, tandis que les analyses
économiques continues de l’économiste
solitaire
Jacques Sapir semblent se confirmer
de semaine en semaine. Il est difficile
de trouver de grossières erreurs dans
les pages de RIA-Novosti et ce travail
est de plus en plus remarqué. Récemment,
le correspondant d’un très célèbre
groupe de médias français me confiait
discrètement: "Maintenant je lis tout le
temps RIA-Novosti en français, c’est
vraiment du super boulot".
Bien sur personne n’est en mesure
prévoir les événements de 2013, la
futurologie est une science bien risquée
et les choses vont sans doute bien trop
vite, mais une chose est certaine,
l’époque si elle est risquée, est
passionnante.
Il est d’usage de présenter ses vœux
à cette période de l’année et je le fais
avec plaisir, en remerciant les lecteurs
de RIA-Novosti, qui cette année ont été
plus nombreux à me lire et à m’écrire.
Merci du fond du cœur et rendez vous en
2013!
Alexandre Latsa
est
un journaliste français qui vit en
Russie et anime le site DISSONANCE,
destiné à donner un "autre regard sur la
Russie".
© 2012
RIA Novosti
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