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Opinion
Polémiques
vestimentaires
Alexandre Latsa
© Alexandre Latsa
Mercredi 26 janvier 2011
"Un autre regard sur la Russie" par
Alexandre Latsa
Dans le petit futé 2006-2007, un paragraphe intitulé Moscou
en 25 mots clefs décrit la devouchka (entendez la jeune femme
russe) comme "une créature très apprêtée" et affirme que
"l’occidental en simple visite touristique fait souvent pâle
figure, particulièrement l’hiver où il a du mal à s’adapter aux
possibles changements de température". Le paragraphe se termine
de la façon suivante: "il vous sera bien difficile en face de
défendre la réputation d’élégance dont la France doit porter le
terrible fardeau". Je précise que la tribune du petit futé était
rédigée par une femme, et donc sans doute à destination des
lectrices femmes en grande majorité puisque ces dernières ont
bien évidemment à cœur ce sujet de l’élégance.
Cette guerre des élégances entre Françaises et Russes n’est
pas nouvelle. En 1842 lorsque le secrétaire d’ambassade à Paris
Victor de Balabine prend son poste, celui-ci remarque la
compétition des genres, entre femmes françaises et femmes
russes, et la
décrit de façon très intéressante dans son journal. Il y
note que: "si les Françaises, dans leur accoutrement de
promenade, à la fois simple et élégant, ont sur elles un
avantage marqué (…) En revanche, le soir dans un salon et au
bal, les nôtres l’emportent par leurs toilettes d’abord,
toujours fraîches et de bon goût, ensuite par un certain bel
air, une certaine tenue un peu raide peut-être, mais qui leur
donne un je ne sais quoi de distingué et de grande dame".
Cette affirmation sur la supériorité de l’élégance russe
devient une évidence pour quiconque, femme ou homme, voyage en
Russie ou à Moscou de nos jours. La Russie n’a du point de vue
de l’élégance des femmes aucun concurrent sérieux et
certainement pas la France, ou depuis bien longtemps et pour
diverses raisons pratiques, nos concitoyennes nous ont affirmé
qu’un look moderne et neutre (entendez là jean large, basket et
blouson sport) était le plus adapté à la vie urbaine, bien que
vraiment peu sexy. Les hommes français qui viennent à Moscou
sont donc généralement très agréablement surpris d’y découvrir
une gent féminine très apprêtée, comme dirait notre
commentatrice du petit futé. Quand aux femmes françaises, elles
découvrent généralement avec stupéfaction et souvent une pointe
de jalousie, que les Moscovites savent rester très élégantes,
malgré le fait que les distances à parcourir à pied y soient
souvent longues ou encore que l’architecture urbaine soit moins
propice à la marche que dans les villes françaises.
Cette élégance marquée à travers les saisons, étonne
également souvent l’étranger de passage en Russie. L’hiver,
l’élégance féminine est animale, en fourrure et talons hauts,
les femmes moscovites, avec leur comportement digne, le regard
droit et clair ont indéniablement une classe et un style à part.
La généralisation de la fourrure ne souffre pas en Russie de
cette mode récente, soi disant écologique mais surtout très
bourgeoise bohème, portée et propagée par notre égérie Brigitte
Bardot, et qui veut qu’on ne porte pas de fourrures au nom du
droits des animaux. L’été, le déshabillé excessif russe n’a sans
doute non plus aucun égal, la beauté extra-terrestre des femmes
Russes est aussi grande que les minijupes sont petites. Les
étrangers sont d’ailleurs souvent estomaqués de voir à quel
point les femmes russes sont libres de choisir leurs vêtements
sans aucune crainte. C’est vrai que la légèreté vestimentaire
russe n’a pas d’équivalent en Europe de l’ouest et surtout pas
en France. L’explosion de l’insécurité et des incivilités dans
les villes françaises est en effet sans doute la raison
principale du choix de nombre de femmes à l’ouest de ne plus
opter pour des looks sexy ou aguicheurs, mais au contraire très
neutres et discrets.
A contrario en Russie, l’absence d’incivilités dans la rue à
l’égard des femmes dévêtues permet je dois dire tous les excès,
généralement pour le plus grand bonheur des yeux masculins.
Cette équation féminine russe est sans doute un des raisons
principales du succès des femmes russes auprès des hommes du
monde entier, mais pour autant, cette mode vestimentaire
estivale n’est pas approuvée par toute l’opinion en Russie.
Récemment l’une des principales têtes pensantes de l’Eglise
orthodoxe, l'archiprêtre Vsevolod Tchapline, a exigé
l’instauration d’un dress-code pour les femmes en Russie,
estimant que "certaines d’entre elles confondent la rue avec un
club de strip-tease". Ce pamphlet contre les spécialités Russes
modernes que sont le micro-short ou la mini-jupe pourrait faire
sourire si l’homme d’église n’avait rajouté que "la minijupe
provoquerait des conflits interethniques et la violence et des
crimes de la part de Caucasiens, mais aussi de Russes". Cette
analyse des conséquences d’un tel code vestimentaire est à
mettre en lien avec l’idée de création d’un "code des
Moscovites", annoncé par le président du comité chargé des liens
interethniques l’année dernière, qui visait à réguler le
comportement des non Moscovites, en vue de leur bonne
intégration dans la capitale. Le code prévoyait notamment
l’interdiction de marcher dans la ville en tenue traditionnelle.
Cette volonté de l’église d’influer sur les comportements est
à comprendre dans une double logique. Tout d’abord tenter de
sauver une structure familiale garante d’une démographie en
bonne santé et qui est aujourd’hui gangrénée par la tentation,
les avortements et les divorces. Mais surtout désamorcer les
tensions pouvant résulter de la cohabitation à Moscou de
nombreux peuples aux habitudes et mœurs très différentes.
L’archiprêtre l’avait
annoncé en décembre dernier, l’église orthodoxe va désormais
interférer dans la politique et se poser en garant de la
cohabitation et de l’harmonie entre les communautés. Comme je
l’avais écrit dans une précédente tribune, le maintien du
fragile
modèle multiculturel russe est en effet menacé par la
confrontation des mondes modernes et traditionnels.
Bien entendu, cette phrase de l’archiprêtre a provoqué un
tollé dans les milieux laïcs, féministes ou libéraux, mais en
revanche elle a immédiatement trouvé le soutien du clergé
musulman de Russie, des représentants des autorités juives du
pays, ou encore du président de la Tchétchénie, Ramzan Kadyrov.
Quoi qu’on puisse donc penser, individuellement, d’une telle
initiative contre les excès de la mini jupe, on doit admettre
que ses objectifs sont nobles, et se féliciter quand à la
concorde religieuse qu’elle à permis d’établir sur le sujet.
Alexandre Latsa, 33 ans, est un blogueur
français qui vit en Russie. Diplômé en langue slave, il anime le
blog DISSONANCE, destiné à donner un "autre regard sur la
Russie".
Article publié sur RIA Novosti
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