Opinion
Le terrorisme, de
Boston à Moscou en passant par Damas
Alexandre
Latsa
©
Alexandre Latsa
Mercredi 24 avril
2013
Source:
RIA Novosti
Depuis la fin de l’URSS, l’un des mythes
fondateurs de la politique étrangère
euro-américaine envers la Russie se base
sur la situation dans le Caucase. Dès
1994, l’état russe fait face à une
rébellion armée qui prône l’indépendance
et fera rapidement appel à des cohortes
de mercenaires étrangers pour mener
cette soi-disant guerre d’indépendance
de Tchétchénie. Rapidement, le conflit
se
transformera en une guerre
religieuse sous la pression notamment de
ces mercenaires islamistes qui tenteront
d’étendre le conflit à tout le Caucase
pour y instaurer un califat régional.
Dès le début des opérations
militaires russes dans le Caucase visant
à rétablir l’ordre et empêcher une
partition du pays grâce à une aide
extérieure, la Russie a subi une
pression médiatique, morale et politique
sans précédent. Le Main Stream
médiatique occidental n’a jamais cessé
de nous présenter les combattant
islamistes du Caucase comme des soldats
de la liberté, luttant pour une
hypothétique indépendance ou encore pour
la survie de cultures menacées, qui
comme on peut le constater en 2013, bien
longtemps après, n'ont jamais été
menacées. La Russie, qui fait face au
terrorisme de l’internationale
Djihadiste et ses
soutiens principaux à l’étranger
(que ce soit au sein de pays du golfe,
de la Turquie ou de certaines puissances
occidentales) n’a que trop rarement
bénéficié de la compassion ou du
soutien des pays occidentaux.
L’Amérique dans cette pression à
l’encontre de la Russie, porte une
responsabilité très importante en tant
que leader économique, politique et
moral de la communauté des états
occidentaux.
A titre d’exemple, le principal site
de propagande antirusse du Caucase qui
prend la défense de terroristes tel que
Dokou Umarov (dont le mouvement est
classé comme terroriste par l’ONU)
et qui justifie les attentats contre
l’état russe aurait vraisemblablement
été
fondé par entre autre le département
d’état américain. Eric Draitser
rappelait récemment que de nombreuses
ONG opèrent dans le Caucase via un
soutien financier américain direct et
soutiennent officiellement le
séparatisme dans cette région, devenant
ainsi indirectement (involontairement?)
les complices des terroristes qui
opèrent dans cette région du globe.
Dans l'affaire de Boston, on a
évidemment beaucoup parlé des deux
frères Tsarnaïev, et la presse vient de
révéler que la Russie avait
demandé au FBI d’enquêter sur l’un
d’entre eux, leur mère assurant même
qu’ils étaient sous contrôle étroit des
services américains. On ne peut que
s’étonner que nos commentateurs
nationaux, si prompts à
accuser le FSB de tous les complots
possibles et imaginables lorsque
surviennent des attentas en Russie se
refusent à l’évocation de théories
identiques en ce qui concerne la
situation en Amérique.
A un an des olympiades de Sotchi la
situation dans le Caucase semble
pourtant bien
plus calme que l’on ne pouvait le
croire et ce malgré l’instabilité
soutenue au Daguestan. C’est dans ce
contexte que les attentats de Boston
sont sans doute le plus grand service
que les terroristes pouvaient rendre à
la Russie. En l’espace de quelques
jours, les terroristes du Caucase ne
sont plus, et ne seront sans doute
jamais plus, présentés comme des
combattants de la liberté mais comme ce
qu’ils sont: des criminels. Le FBI du
reste est déjà en train de chercher de
potentielles pistes pour voir si les
deux frères Tsarnaïev n’étaient pas en
lien avec l’émir du Caucase
Dokou Umarov ce qui, si cela
s’avérait vrai, confirmerait totalement
les affirmations et donc la position de
la Russie sur le Caucase.
Mais le changement lexical n’est sans
doute pas suffisant, il devrait aussi
s’accompagner d’un changement de
politique puisque pendant que les
citoyens américains pleurent leurs
proches tués ou meurtris, le département
d’état américain vient d’annoncer
la hausse de l’aide militaire à la
rébellion Syrienne, dont les éléments
les plus radicaux pourtant de poster
une vidéo à destination du président
Obama pour lui rappeler qu’ils sont tous
des "Oussama Bin-Laden".
Aymeric Chauprade
rappelle que "l’État profond
américain est allié de l’islamisme
depuis les années 70 et a soutenu et
utilisé celui-ci partout où il pouvait
déstabiliser l’Europe, la Russie, la
Chine… Dans les années 90, la CIA
soutient l’islamisme tchétchène et les
musulmans les plus radicaux dans le
Caucase, comme elle soutient les
Djihadistes en Bosnie, au Kosovo, en
Libye, dans le Sahel, en Syrie". Il
rappelle également que "Au début des
années 2000, Dhokhar et Tamerlan sont
accueillis à bras ouverts avec le statut
de réfugié politique aux États-Unis. On
s’émerveille sur ces bons immigrés qui
veulent devenir de bons américains. On
leur accorde des bourses".
On aimerait désormais que les bonnes
conclusions soient tirées par les
stratèges américains. Comme le
suggère
Gordon Hahn, expert du Centre
d'études stratégiques et
internationales: "Même si l'attentat
de Boston n'est pas lié à la région et
que l'inspiration est d'ordre
idéologique, il est temps de renforcer
la coopération avec la Russie et
d'écouter Poutine".
Le peuple américain vient donc de
découvrir à toute petite échelle ce que
les Syriens vivent tous les jours depuis
prés de deux ans et ce que les russes
continuent de subir depuis la fin des
années 90. Curieusement (?) les acteurs
qui ont le plus contribué à la guerre
contre l’Etat russe et facilité
l’Islamisation du Caucase (et donc
indirectement le terrorisme) sont les
mêmes qui sont à la pointe de la lutte
contre l’État Syrien aujourd’hui. Une
guerre en Syrie qui pourrait et
devrait du reste entrainer une explosion
du terrorisme dans de nombreux pays si
les combattants de plus de 50
nationalités y combattant déjà
décidaient de rentrer mener le Jihad
dans leurs pays respectifs et adoptifs,
en
France notamment.
Les victimes civiles américaines,
russes ou syriennes sont les victimes
d’un seul et même fléau et d’une
politique étrangère incohérente du
"deux poids deux mesures" qui non
seulement empêche l’établissement de
relations internationales saines mais
permet aussi directement au terrorisme
de proliférer.
Alexandre Latsa est un journaliste
français qui vit en Russie et anime le
site DISSONANCE, destiné à donner un
"autre regard sur la Russie".
©© 2013
RIA Novosti
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