Tribune
Syrie : révolution
ou coup d'état ?
Alexandre Latsa
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Alexandre Latsa
Mercredi 22 août
2012
"Un autre
regard sur la Russie" par Alexandre
Latsa
Source:
RIA Novosti
Alors que l’affaire Pussy Riot n’en
finit pas de faire parler d’elle, la
condamnation des 3 anarchistes masquées
éclipserait presque la terrible guerre
civile qui est en train de se jouer en
Syrie. Alors que le printemps arabe de
2011 frappe nombre de pays au proche et
moyen orient, la Syrie n’est pas non
plus épargnée. Dès le début 2011, comme
en Tunisie, un jeune Syrien du nom
d’Hasan Ali Akleh s’immole par le feu.
Dès le mois d’avril 2011, la
situation se complique sensiblement, des
clashs violents opposent les
manifestants à l’armée Syrienne. Malgré
de nombreux gestes et mesures de l’état
Syrien à cette période pour tenter de
résorber les tensions sociales (baisse
des taxes sur les produits alimentaires,
embauche de fonctionnaires, non
instauration de la TVA ou encore
création de fonds sociaux pour aider les
plus démunis…), la tension continue
d’augmenter et les manifestations
gagnent en intensité dans tout le pays.
La Syrie connait durant ce printemps
2011 son printemps arabe.
Dès l’été 2011 des soldats
démissionnaires créent l’Armée Syrienne
Libre (ASL), et les affrontements avec
l’armée Syrienne deviennent meurtriers.
A cette époque se crée également une
hypothétique structure d’opposition :
les comités locaux de coordination pour
l'avenir politique de la Syrie, qui
aboutiront à la création en octobre 2011
en Turquie du Conseil National Syrien
(CNS), majoritairement sous domination
des frères musulmans.
Le conseil National Syrien deviendra
rapidement (dès novembre 2011) la
branche politique de l’ASL, et il
installe sa base
en Turquie. Dès le début de l’année
2012 Le CNS propose aux occidentaux de
lancer une campagne de frappes aériennes
préventives et verse des
salaires aux combattants Syriens qui
affrontent l’armée régulière Syrienne.
2012 marquera une intensification des
violences et le début d’une guerre
civile et politique en Syrie. En avril
2012, l’ONU met en place une mission
destinée à faire cesser les hostilités,
le plan Annan, qui n’aboutira pas. Dans
le même temps sur le plan diplomatique
et depuis le début de la contestation en
Syrie, la Russie et la Chine ont,
chacune, opposé trois vétos aux
tentatives de l’ONU de faire pression
sur Damas. Bien sur le Main-Stream
médiatique ne retient que le veto Russe,
suspectant la Russie de soutenir encore
une fois un dictateur, comme ce fut le
cas en Libye. En réalité la position
diplomatique russe est beaucoup plus
subtile que cela et surtout elle semble
prendre en compte certains équilibres
géostratégiques régionaux essentiels.
Les Russes et les Chinois forment au
sein des BRICS une sorte de tandem
diplomatique. Ils opposent à une vision
interventionniste dans les affaires du
monde, leur vision, basée sur la non
ingérence et la souveraineté nationale.
Il s’agit d’un affrontement entre deux
conceptions du monde : l’une unipolaire
et l’autre multipolaire. Pour la Chine,
et la Russie, les expériences Afghanes,
Irakiennes et Libyennes sont loin d’être
des réussites, au contraire, les
interventions militaires occidentales
n’ont fait que contribuer à la
destruction des états visés. C’est le
cas de l’Afghanistan (absolument pas
pacifié), de l’Irak (scindé de facto en
trois) et de la Libye, désormais sous
contrôle d’islamistes radicaux dont les
supplétifs
affluent pour se battre en Syrie,
déstabilisant un état voisin.
En outre ni Russes ni Chinois ne
souhaitent voir se réitérer l’option
Libyenne ou leur non opposition aux
sanctions contre le régime Libyen a
abouti à une intervention militaire, non
pas cantonnée à empêcher un massacre a
Benghazi, mais à une guerre ouverte pour
renverser Kadhafi. Comme le
précise Pascal Boniface : " à ce
moment Russes et Chinois mais également
les autres grandes nations du Sud ont
estimé qu'ils avaient été trahis d'où la
persistance de leur refus d'une nouvelle
décision du Conseil de sécurité".
La Syrie Baasiste de Bashar-El-Assad
est un état musulman laïc et
autoritaire. Contestable comme beaucoup
d’autres dans la région, ce régime
politique présente néanmoins
d’indéniables points forts. La minorité
Chiite Alaouite à laquelle appartient le
président a su jusqu’à présent imposer
une cohabitation pacifique entre toutes
les religions en réprimant d’une main de
fer les extrémistes islamiques, et
protégeant les nombreuses minorités
présentes dans le pays, à savoir 30 à
35% de la population. Les 65 ou 70%
restants sont des musulmans sunnites au
sein desquels existe une minorité
extrémiste des frères musulmans, qui a
pris le contrôle politique de la
résistance Syrienne. Cette tendance ne
représente pourtant pas la majorité des
sunnites, ni même celle des opposants au
régime Assad.
Dès lors on peut se demander pourquoi
cette ASL bénéficie d’un tel soutien à
l’étranger et d’une telle complaisance
médiatique malgré des scènes abominables
d’égorgements, de tortures et de
massacres de partisans (civils ou
militaires) de l’état Syrien qui ont
fait le tour de la planète. On sait
désormais parfaitement que la Syrie est
devenue la terre sainte des Djihadistes
du monde entier (voir ici) et que ces
groupes armés d’opposition sont
majoritairement financés et aidés par la
Turquie, le Qatar et l’Arabie Saoudite
d’une part, et par des états occidentaux
(Angleterre, Allemagne, Amérique)
d’autre part.
Par conséquent la Syrie est
actuellement victime d’une agression de
l’étranger, organisée par une bien
étrange coalition de dictatures
Islamistes, de pays occidentaux et du
principal allié de l’Otan dans le monde
musulman, la Turquie. Curieusement (?)
ces états ne semblent pas du tout
concernés par la situation au Bahreïn,
ou une minorité Sunnite qui détient le
pouvoir est fortement contestée par la
majorité Chiite, et ou le pouvoir
n’hésite pas à faire
ouvrir le feu sur la foule désarmée,
ce qui n’est à ce jour jamais arrivée en
Syrie.
Deux poids
deux mesures ?
Le front militaire est accompagné par
une guerre médiatique intense. La
bataille de Damas qui a éclaté en
juillet 2012 a été présentée comme une
sorte de coup de poignard planté dans le
dos du régime et devait nous a-t-on dit
accélérer la fin de ce régime. Il n’en a
rien été, l’armée Syrienne à rétabli la
paix dans la capitale en moins de 15
jours, et ces jours ci, les terrasses
des restaurants à Mezzés de la capitale
sont de nouveau pleines. Quand à la
bataille d’Alep, présentée comme la
bataille décisive pour faire chuter le
régime, elle est plausiblement en passe
d’être remportée par l’Armée Syrienne,
dont moins de 15% des effectifs sont
intervenus pour tenter de reprendre le
contrôle de cette ville stratégique. En
parallèle, de
faux reportages ont été visiblement
tournés dans des studios au Qatar, afin
d’accentuer la guerre médiatique et
psychologique contre l’état Syrien et
démoraliser ses troupes. La Russie a été
prise à partie dans cette guerre
médiatique contre la Syrie, puisque par
deux fois des officiels russes (l’ambassadeur
russe en France, puis le
vice ministre russe des affaires
étrangères) se sont fait attribuer des
propos qu’ils n’avaient pas tenus,
appelant au départ de Bashar El Assad.
On peut dès lors se demander si
l’intérêt de nations telles que la
France est bien de prendre parti dans ce
conflit, comme le prônent certains
"intellectuels français". Si cette
agression étrangère contre l’état Syrien
aboutissait, elle aurait pour
conséquence la destruction du dernier
régime laïque de la région et on peut
difficilement imaginer que la prise de
pouvoir des groupes radicaux qui
combattent aujourd’hui en Syrie soient
favorables à la paix et la stabilité
dans la région. Plus largement,
l’effondrement de la Syrie Baasiste
ouvrirait vraisemblablement la route à
une pression accentuée sur l’Iran dont
on peut se demander à quoi elle
aboutirait.
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