Opinion
Rostov la douce
Alexandre Latsa
©
Alexandre Latsa
Mercredi 21
septembre
2011
"Un autre
regard sur la Russie" par Alexandre
Latsa
Des lecteurs m’ont
demandé à quoi ressemblent les villages
et les petites villes russes. J’ai donc
décidé de passer beaucoup de temps à
explorer la Russie des petites villes
pendant les prochains mois. Celles de
l’Anneau d’or peut être, mais surtout
des villes beaucoup moins touristiques
et plus éloignées de la capitale, comme
par exemple
Blagovechtchensk en Extrême-Orient
ou je me rendrais bientôt. Ces voyages
donneront lieu à des tribunes et bien
sûr à des reportages photographiques sur
la Russie d’aujourd’hui, qui seront
transférés sur mon site. (J’ai du reste
déjà
commencé à le faire.)
Récemment, je suis
allé visiter
Rostov Velikii, dans l’oblast de
Iaroslavl. C’est à environ 200
kilomètres au nord est de Moscou. Cette
toute petite ville (moins de 35.000
habitants) n’est pas la plus
caractéristique des petites villes
russes car elle est un lieu touristique
célèbre et on y voit
donc à longueur d’année une quantité de
touristes, étrangers bien sûr mais
surtout russes.
Le transport en
Marshutka depuis Moscou (ces
micro-autobus qui sillonnent la capitale
ou relient les villes entre elles) est
une solution économique et vraiment
déroutante, comme parfaitement illustrée
ici. La route (Iaroslavskoe Chossee
puis la route M8) qui va de Moscou à
Iaroslavl en passant par Rostov est de
relativement bonne qualité, bien que
très chargée. Cela démontre bien que le
problème des
routes de Russie n’est peut être
plus un problème si récurrent. Les
quelques 200 kms en Marshutka rappellent
cependant à quel point si les routes ne
sont donc pas toutes mauvaises, les
mentalités au volant en Russie laissent
parfois à désirer. La douzaine de
passagers pourtant tous russes n’a du
reste pas supporté les accélérations,
les embardées et les multiples coups de
volant de notre chauffeur (qui
conduisait en tongs). Un des passagers,
Nikolaï, qui partait en week-end chez
lui à Iaroslavl a en effet simplement
régurgité son diner du soir sur sa
voisine, qu’il ne connaissait du reste
pas encore. Ne me demandez pas comment,
mais sitôt l’information transmise au
chauffeur, celui-ci a pilé, arrêtant
l’autobus sur la bande d’arrêt d’urgence
de la route afin de nettoyer tout ça, ce
qu’il réussit à faire en un temps
record, et d’une façon que je n’arrive
toujours pas
à m’expliquer. L’arrivée à Rostov
3 heures et demi plus tard, dans la
nuit, marque tout de suite une rupture
avec la bruyante capitale. On voit dans
la nuit que la ville est déserte, peu
illuminée et calme.
"Qu’y a-t-il à voir à
Rostov?" vont me demander beaucoup de
lecteurs pas ou peu familiarisés avec
les quelques petites villes touristiques
russes autour de Moscou, dont celles de
l’anneau d’or. Tout d’abord la ville est
située au bord d’un lac qui porte le nom
de lac noir. Il est très profond et très
sombre à cause du tapis de boue de
plusieurs mètres qui tapisse le fond. A
cause de ce caprice de la géologie, il
est théoriquement formellement interdit
de s’y baigner. La ville est l’une des
plus anciennes de Russie, puisqu’elle
est déjà citée dans de vieux textes
russes datant du 9ème siècle. Avant même
l’arrivée des premières tribus slaves,
la région de Rostov, autour du lac,
était occupée par un peuple
Finno-ougrien, les
Mériens. Cet héritage Finno-ougrien
se retrouve notamment
dans les incroyables motifs colorés
(voir
ici et
la) autour des fenêtres des maisons
en bois. Des types de motifs que l’on
retrouve aussi dans le grand nord russe
en
Carélie ou l’héritage Finno-ougrien
est encore plus marqué.
Rostov Velikii est
aujourd’hui un centre touristique mais
également un important lieu de
pèlerinage. La ville est enroulée autour
d’un magnifique
Kremlin central qui date de la fin
du 17ème siècle et comprend 5 églises et
2 cathédrales dont la cathédrale de
l’assomption avec son
beffroi et ses 13 immenses cloches. Le
Kremlin vaut vraiment la visite, tant
pour la beauté des églises que pour
l’incroyable atmosphère qui y règne.
Pouvoir se poser un moment dans un petit
café orthodoxe ou des sœurs servent du
Kvas et des pirojkis
maison est un moment inoubliable. Le
monastère Spaso-Yakovlevsky est la
seconde merveille à voir à Rostov. Le
monastère est situé un peu à l’extérieur
de la ville et accessible à pied ou en
bateau. Le plus agréable est de le
rejoindre en taxi-bateau, dont un
certain nombre sont parqués au bord du
lac et attendent les clients. Pour 3 ou
4 euros il est possible de se faire
déposer devant le monastère après une
ballade autour de l’ile centrale du lac.
Le monastère a été fondé au 14ème
siècle, c’est aussi l’endroit ou sont
célébrés les mariages de cette petite
ville. La ferveur et la simplicité des
croyants qui viennent prier et se
recueillir est très émouvante, surtout
pour un français dont le pays est
aujourd’hui reloativement dénué de toute
spiritualité. Les fidèles orthodoxes se
signent à genoux devant le tombeau de
Dimitri de Rostov.
Un week-end à Rostov,
si proche de Moscou, c’est une
impression de sortir du temps, accentuée
par de petits détails. Par exemple
croiser au bord du lac une famille de
gitans tout droit sortis d’un film de
Kusturica, le fils à vélo et le père à
cheval, pendant que la mère attache
tranquillement sa sympathique chèvre
devant l’embarcadère! On passe le temps
à observer les gens qui marchent le long
du lac, tantôt des locaux, tantôt des
touristes en groupes suivant leurs
guides. Quand la nuit tombe Rostov prend
une autre dimension, les maisons en bois
sont peu éclairées et le côté petite
ville russe d’autrefois
se fait encore plus sentir. Je ne
m’explique pas pourquoi la ville est
littéralement occupée par des milliers
de corbeaux noirs dont la présence n’est
pourtant pas dérangeante. "Vous avez
bien fait de venir l’été" m’a dit la
dame qui tenait l’hôtel ou je me suis
arrêté, "l’hiver après 16 heures il n’y
a plus personne dans les rues". Il faut
signaler que le
manoir Pleshanov, à Rostov Velikii,
peut servir de point de ralliement. Le
restaurant bar est ouvert 7 jours/7, 24
heures/24, tout comme l’ensemble
sauna/piscine du manoir. La gastronomie
des restaurants de la ville mériterait
une tribune à elle seule, avec surtout
le menu du
restaurant du dit manoir qui fait 63
pages comme dans certains restaurants de
province en France. On y trouve un grand
nombre de plats traditionnels russes,
mais aussi toutes sortes de fondues ou
encore de la cuisine européenne et
asiatique. La cuisine proposée est l’une
des meilleures, sinon la meilleure que
j’ai pu goûter en Russie.
Un week-end
ensoleillé à Rostov suffit pour
décompresser totalement de Moscou.
Pour les touristes étrangers, la ville
est facilement accessible depuis la
capitale. (A ceux qui ne veulent pas
conduire ni se faire de frayeurs, je
conseille le train plutôt que la
marschutka). C’est un bon endroit pour
respirer l’ambiance d’un petit morceau
de Russie hors du temps.
Article publié sur RIA Novosti
Le sommaire d'Alexandre Latsa
Les dernières mises à jour
|