Opinion
Réflexion sur
l'appel du 13 juin de Moscou
Alexandre
Latsa
©
Alexandre Latsa
Mercredi19 juin
2013 Source:
RIA Novosti Cette semaine a été
riche en actualité russe et le moins
qu’on puisse dire est que si la Russie a
fait parler d’elle, il n’y a eu aucune
surprise pour les lecteurs réguliers de
RIA-Novosti. Les élites russes
actuelles, que l’on est libre
d’apprécier ou non, ont au moins cette
habitude de généralement faire ce qu’ils
disent.
La défense des croyants.
Mardi 12 juin la Douma russe (la
chambre basse du parlement russe) a
adopté un projet de loi visant à
lourdement sanctionner les offenses aux
croyants, via une amende allant jusqu’ à
500.000 roubles (12.500 euros) et un an
de prison aux personnes "menant une
action publique qui témoigne d'un
évident manque de respect envers la
société dans le but d'offenser les
sentiments religieux des croyants". La
loi comprend aussi un volet qui augmente
la peine de prison si l’offense est
commise au sein d’un lieu de culte et
enfin vise aussi la "profanation
intentionnelle de littérature religieuse
et d'objets de culte" ou encore le fait
"d'empêcher illégalement l'activité
religieuse".
Le terme d’offense (d’outrage peut on
dire)
aux croyants a sans aucun doute été
grandement inspiré des actions menées
par quelques groupuscules qui on s’en
souvient avaient l’été dernier entamé
une véritable
croisade contre les églises et les
croyants en Russie et en Ukraine,
continuant leurs activités
d’agents provocateurs aujourd’hui
principalement en France, en s’attaquant
d’ailleurs aux croyants Chrétiens comme
musulmans.
Cette défense des croyants devrait
être sous peu renforcée par un autre
projet de loi actuellement en cours
d’élaboration qui devrait viser à
neutraliser les menaces contre la
sécurité nationale liées à l'activité
des organisations religieuses en Russie.
Le projet prévoit notamment un
alourdissement des peines pour appels
publics à l'activité extrémiste,
incitation à la haine, organisation
d'une communauté extrémiste ou encore
organisation de l'activité d'une
organisation extrémiste.
Une conception religieuse de
la famille.
Les menaces et pressions de l’UE et
des divers lobbys n’y ont rien fait, la
Russie a confirmé qu’elle est un pays
souverain qui ne cède pas aux pressions.
La Douma a donc aussi voté ce Mardi 12
juin une loi instaurant des amendes
allant jusqu'à un million de roubles
pour "propagande des relations sexuelles
non-traditionnelles auprès de mineurs",
c'est-à-dire la propagande, y compris
par le biais d'Internet et des médias,
de "la pédophilie, de l'homosexualité,
de la bisexualité et du transsexualisme
auprès des mineurs".
La loi votée a en vu les
niveaux d’amendes être augmentés par
rapport aux projets initiaux, passant de
4.000 à 5.000 roubles d'amende (100 à
125 euros) pour les personnes physiques,
de 40.000 à 50.000 roubles (1.000 à
1.250 euros) pour les personnes
dépositaires de l'autorité publique et
de 800.000 à un million de roubles
(20.000 à 25.000 euros) pour les
personnes morales. La même propagande
menée dans les médias ou sur Internet
sera passible de sanctions encore plus
sévères. Les personnes physiques
risquent 50.000 à 100.000 roubles
d'amende (1.250 à 2.500 euros),
les personnes dépositaires de l'autorité
publique 100.000 à 200.000 roubles (2.
500 à 5.000 euros) et les personnes
morales un million de roubles (25.000
euros).
Ce dispositif légal s’inscrit sans
aucun doute dans le cadre plus large du
renouveau démographique russe entamé
depuis 2005 et qui inclut un projet de
conception de la politique familiale
allant jusqu'à 2025, qui affirme que "la
famille traditionnelle est la base de la
souveraineté d’une nation" et dont les
grands traits sont
définis ici.
L’ingérence
Washington-Bruxelles-Berlin mais le
soutien des patriotes français?
Malgré les
appels de l'Union européenne et de
la
chancelière allemande Angela Merkel
souhaitant que la Russie s’abstienne
d'adopter cette loi qui serait
"susceptible de renforcer les
discriminations et les violences contre
les personnes LGBT" (imagine-t-on la
Russie appeler l’UE ou l’Allemagne à ne
pas adopter de lois nationales?), la loi
a été votée par une majorité écrasante
des voix puisque ce sont les 436 députés
présents (sur 450) qui ont voté pour, un
seul député s’abstenant.
Immédiatement, la diplomatie
américaine à réagi, l’ambassadeur
américain en Russie
exprimant publiquement ses
préoccupations en affirmant que "La
discrimination et l'intolérance ne sont
pas conformes à l'esprit d'une société
démocratique". A ce titre et
contrairement aux pressions americaines
et euro-bruxelloises, une délégation
française représentative des
manifestations contre le mariage pour
tous qui ont secoué l’hexagone était à
Moscou la semaine dernière, pour
témoigner devant la Douma russe du
soutien du peuple français au modèle de
société conservateur qui est en train de
s’établir en Russie.
L’intellectuel et analyste français
Aymeric Chauprade a pu à ce titre lancer
de Moscou un vibrant "appel
du 13 juin" qui non traduit bien ce
que pense sans aucun doute une très
grande partie de la population
française.
L’homosexualité n’est pas
acceptée par la société russe.
La loi a soi-disant beaucoup choqué
en France et en Europe, ou les lobbys
homosexuels sont très influents dans les
sphères étatiques, politiques et
médiatiques, mais elle semble pourtant
tout à fait conforme aux attentes du
peuple russe. Deux sondages des centres
Levada et Vtsiom donnent en effet à peu
près la même image de l’opinion des
russes au sujet de l’homosexualité.
Seulement
16% des sondés pensent que
l’homosexualité est une orientation
sexuelle comme une autre,
88% des russes soutiennent ce projet
de loi et
42% des personnes interrogées
estiment pour leur part que
l'orientation sexuelle non
traditionnelle doit être sanctionnée au
pénal contre 19% en 2007, une hausse
assez importante en seulement cinq ans.
Pourtant dans le monde un tel
dispositif légal aurait sans doute le
soutien d’une bonne partie de la
population, et sans doute même de la
majorité de la population, les relations
entre la foi, l’état et divers pans de
la société étant ouvertement troublés
par les évènements récents. Je rappelle
que l’actuelle Douma russe est composée
de 238 députés du parti
centriste/conservateur Russie-Unie, de
92 députés communistes, de 64 députés du
parti de centre gauche Russie Juste
(dont est issue l’auteur de la loi Elena
Mizoulina, par ailleurs ancienne cadre
de Iabloko, le principal parti libéral
d’opposition anti-poutine) et enfin de
56 députés nationalistes du parti LDPR.
Les quatre piliers de la
Russie de demain: Patriotisme, Eurasisme,
Etat et Religion
Ces deux lois s’inscrivent dans le
cadre du
nouveau modèle de société qui est en
train de se constituer en Russie et dont
j’avais en décembre dernier énuméré les
quatre piliers fondateurs:
Patriotisme, Eurasisme, Etat et
Religion.
Deux jours plus tôt, le président
Russe
affirmait en effet de nouveau que:
"l'approfondissement de l'intégration
eurasiatique dans le cadre de l'Union
douanière et de l'Espace économique
unique, et la création d'une Union
économique eurasiatique constituent des
priorités essentielles de la politique
extérieure de Moscou".
Le lendemain du vote de ces lois
précitées, il a
pris la tête d’un nouveau parti
politique, le Front populaire panrusse,
destiné à devenir une plateforme de
gouvernance plus large que Russie-Unie,
permettant de fédérer de nombreux partis
(notamment de
l’opposition patriotique) et de
travailler à "renforcer la
souveraineté de la nation et des
intérêts communs dans un environnement
international compliqué".
La Russie semble donc inexorablement
renforcer son statut de
modèle alternatif.
Alexandre Latsa est un journaliste
français qui vit en Russie et anime le
site DISSONANCE, destiné à donner un
"autre regard sur la Russie".
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