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Opinion
"Made in Russia"
Alexandre Latsa
© Alexandre Latsa
Mercredi 19 janvier 2011
"Un autre regard sur la Russie" par
Alexandre Latsa
L’image du "made in Russia" change rapidement, décennie après
décennie. Jusqu’à la fin de l’époque soviétique, la presse
internationale voyait Moscou comme une ville bâtie autour du
Kremlin et de la Lubianka, et l’URSS comme la patrie de
l’idéologie marxiste, de la guerre froide, de l’industrie lourde
et de la conquête spatiale.
Pendant les dix années qui ont suivi la désintégration de
l’Union soviétique, avec la ruine de l’industrie et
l’appauvrissement de la population, le made in Russia a toujours
fait penser à des stéréotypes négatifs et dangereux: les mafias
internationales, les oligarques richissimes, l’argent facile,
les trafics en tous genres, l’exportation de vodka ou d’armes de
guerre.
Pendant que le Japon vendait Toyota et Sony, l’Amérique
Coca-cola, Microsoft et General-Motors, l’Allemagne Mercedes ou
Bosch, la France avait toujours ses produits de luxe, Chanel,
Vuitton ou Hermès, la Russie elle n’offrait pas de modèles
pour faire rêver les consommateurs de la planète.
Pire sans doute, la jeunesse russe et la nouvelle bourgeoisie
ne rêvaient que des produits importés de l’étranger. Les années
1990 ont tout de même apporté en Occident une surprise de
taille, à propos du made in Russia. Les marxistes disaient
depuis longtemps que le modèle soviétique préparait en secret un
prototype "d’homme nouveau", mais ce sont les femmes russes qui
sont devenues brusquement les produits d’exportation les plus
prestigieux de la Russie. Sur les courts de tennis du monde
entier ou dans tous les défilés de mode de la planète, elles ont
imposé le modèle de beauté russe et donné une image éclatante du
pays.
La décennie suivante, à partir de l’an 2000, a de nouveau
profondément modifié l’image de la Russie à l’étranger, de même
que l’image du made in Russia. La Lubianka et les tennis women
ont été presque oubliées et pour la presse occidentale, la
Russie est devenue la patrie de la marque Gazprom. Beaucoup
d’analyses critiques se sont focalisées sur les exportations
russes de gaz et de pétrole pour en tirer deux conclusions:
l’explosion fulgurante du prix du baril serait la raison
principale de la bonne santé économique du pays, et la Russie
serait menacée par la "maladie
hollandaise". Ces analyses ne tiennent pas compte des
progrès réalisés par d’autres secteurs de l’économie. La Russie
est devenue le 3ème exportateur mondial de céréales, et de
nombreux projets industriels sont en cours de réalisation, comme
le système russe
Glonass (système GPS par satellites).
La Russie qui était lourdement endettée au début des années
2000, a fini l’année 2010 avec presque 500 milliards de dollars
de réserves de change, malgré la crise financière, et après
avoir connu un fort taux de croissance du PIB pendant la
décennie, d’une moyenne annuelle de 6 %. Contrairement à de
nombreux pays occidentaux, la Russie n’est plus obligée
d’emprunter de l’argent à l’étranger pour payer ses
fonctionnaires. Dire que ces réussites sont uniquement dues au
pétrole est inexact. La méthode de management de l’économie,
pragmatique et réactive, y est certainement également pour
beaucoup. C’est un modèle made in Russia qui a fait ses
preuves, mais curieusement, ce n’est pas encore un produit
d’exportation.
En Russie, en même temps que le redressement économique, la
décennie a vu renaitre un engouement certain pour les produits
made in Russia. Une petite révolution est en cours dans les
esprits des consommateurs russes, et
le Cheburashka a tenu une place importante dans cette
évolution. Cette peluche qui ressemble à un ourson, conçue au
temps de l’URSS, est devenue un véritable symbole national en
Russie. Elle a ouvert la voie à ce qu’on appelle en Europe
occidentale les produits ethniques. La société Russe
Bosco,
qui habille notamment les équipes de sport du pays, ainsi qu’une
clientèle relativement huppée, ne s’est pas trompée et a fait du
cheburaska un véritable symbole identitaire. D’autres exemples
existent, par exemple le succès des produits vestimentaires de
jeunes designers Russes jouant très habilement sur des symboles,
motifs et designs nationaux, que l’on pense par exemple à
Antonina Shapovalova ou bien encore à
Denis
Simachev.
Après une décennie de reprise en main,
la ré-industrialisation,
la modernisation et
l’innovation sont redevenues des priorités nationales. Dans
le domaine industriel, des nombreux chantiers sont lancés, que
l’on pense par exemple au développement envisagé des
nanotechnologies. On a aussi beaucoup parlé du projet de
voiture électrique hybride russe à un prix défiant toute
concurrence. Des informaticiens préparent un
système d’exploitation russe et un nouvel
iPhone 4g, à terme entièrement fabriqué en Russie, sera mis
sur le marché dans quelques mois. Ce sera par ailleurs le
premier téléphone avec une fonction GPS qui utilisera le système
de satellites Glonass. Alors que l’année croisée franco-russe
vient de se terminer, on peut citer également le rachat par le
français
Jacques Von-Polier, de la société de montres
Raketa, dont
l’usine est la plus ancienne du pays mais également la dernière
usine de montres produites en Russie.
Il très important que désormais les Russes ne conçoivent plus
le made in Russia comme quelque chose de dépassé ou d’has-been
mais bel et bien comme quelque chose de moderne et que l’on peut
être fier de porter. Egalement, le développement de marques et
produits made in Russia contribuera à l’affirmation de la Russie
à la place qui est la sienne: au sein des économies développées
de ce monde. Il y a de la créativité dans l’air et on peut
raisonnablement penser que le made in Russia a de l’avenir.
Alexandre Latsa, 33 ans, est un blogueur
français qui vit en Russie. Diplômé en langue slave, il anime le
blog DISSONANCE, destiné à donner un "autre regard sur la
Russie".
Article publié sur RIA Novosti
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