Opinion
La diplomatie
économique:
seul avenir pour les relations Russo-européennes
?
Alexandre
Latsa
©
Alexandre Latsa
Mercredi 17 avril
2013
Source:
RIA Novosti
La visite du président russe en Europe
la semaine dernière n’a pas seulement
été d’une importance capitale, elle a
aussi été très lourde de symboles dans
le cadre des relations tortueuses entre
la Russie et l’Europe.
La visite de Vladimir Poutine en
Allemagne a consacré la relation entre
les deux pays qui semble se limiter à
une fraiche mais fructueuse diplomatie
économique. Angela Merkel a haussé le
ton sur les ONG puisque notamment deux
fondations politiques allemandes:
Friedrich-Ebert (proche du SPD) et
Konrad-Adenauer (proche de la CDU) ont
été perquisitionnées en Russie. Celle-ci
a donc ouvertement pris à partie le
président russe sur ce sujet sensible,
comme elle l’avait fait pour les Pussy
Riot (sans obtenir l’effet escompté) ce
qui devrait visiblement être aussi le
cas dans ce dossier des ONG allemandes,
dossier pour lequel on peut douter
qu’elle ait trouvé une oreille réceptive
en Vladimir Poutine. La polémique sur
les Pussy Riot et les ONG fait suite à
un échange un peu sec entre les deux
leaders à propos de Chypre, lorsque
Vladimir Poutine avait
qualifié le plan Merkel "d’injuste,
non professionnel et dangereux".
On s’étonne toujours de voir
l’Allemagne donner des leçons de
démocratie à ses voisins et peu de gens
savent par exemple que la CDU est le
parrain politique de partis
d’opposition en Ukraine visant à
accélérer et pousser le processus
d’adhésion de l’Ukraine à l’UE et à la
communauté euro-atlantique, au passage
en
coopération directe avec des
fondations oranges américaines comme
l’IRI (républicains) et le NDI
(démocrates). Pour ce qui est des ONG,
on pourrait demander à la chancelière
allemande ce qu’elle dirait si un Etat
étranger, disons la Chine ou la Russie,
soutenait financièrement et
logistiquement des associations (par
exemple Golos) pour se mêler des
processus politiques intérieurs de
l’Allemagne (voir par exemple
ici,
la et
la). On ne peut que s’étonner du
reste que les sponsors de Golos (Usaid,
Ned, Iri..) soient les mêmes que ceux du
parti Ukrainien précité Udar.
Mais la chancelière Merkel, qui est
en précampagne sait parfaitement qu’elle
soit se démarquer de son opposition de
centre gauche (SPD) qui est beaucoup
moins regardante sur les droits de
l’homme, le principal opposant à Angela
Merkel, Peer Steinbrück ayant récemment
affirmé que "Les critères
occidentaux de la démocratie n’étaient
pas immédiatement transposables à la
Russie" ou encore que la Russie est un
"partenaire incontournable et qu’il
convenait de ne pas l'humilier".
Un minimum alors que le commerce
entre les deux pays a atteint en 2012 un
record de 80 milliards de dollars et que
la grande dépendance énergétique
européenne devrait augmenter via
l’Allemagne avec le renforcement du
gazoduc
North Stream.
En Hollande, l'atmosphère de la
visite du président Russe a été on ne
peut plus fraiche, et le terme de simple
diplomatie économique semble là aussi
plus qu’adéquat. Les Pays-Bas sont le
premier partenaire économique
européen pour la Russie puisque le
niveau des échanges entre les deux pays
a en 2012 atteint 82,7 milliards de
dollars. Pour autant, là encore, le
président russe a été accueilli par des
questions sur les inspections des locaux
d’ONG ou sur les droits des homosexuels,
et par une manifestation de collectifs
pour la défense des droits sexuels des
minorités. On essaye d’imaginer ce que
diraient les autorités hollandaises si
elles étaient accueillies à Moscou par
des manifestations de russes hostiles
aux lois libertaires qui existent en
Hollande et permettent par exemple
l’existence d’un
parti pédophile souhaitant légaliser
la pornographie enfantine et la
zoophilie.
Doit-on imaginer que les Pays-Bas
puissent prétendre sur certains points,
et dont celui-là, être un modèle pour le
monde? Il faut quand même avouer que sur
ce dernier point on est très loin, sur
le plan des atteintes aux libertés
individuelles, de la loi russe contestée
interdisant non pas d’être homosexuel,
mais d’en faire la promotion
publiquement./p>
PPendant ces déplacements russes en
Europe occidentale qui ont été fructueux
au moins sur le plan économique, la
Serbie a elle fait un pas de plus vers
le bloc russo-centré et
l’union eurasiatique (comme annoncé
il y a 6 mois dans ma tribune
"l’Union Eurasiatique entre deux
mondes"), en rejetant
l’injonction bruxelloise d'accepter
sans discussion l’indépendance du
Kosovo. Le pays est ainsi cette semaine
devenu le premier état européen et non
issu de l’ex-bloc soviétique, à devenir
membre
observateur de l’OTSC.
Dans le même temps, en parallèle de
ce fort rapprochement politique, la
Russie a consenti
un prêt de 500 millions de dollars à
la petite Serbie, confirmé un
accord militaire renforcé, étendu le
régime de
libre échange entre les deux pays,
et surtout confirmé prendre en charge le
financement du tronçon South Stream
qui passera par la Serbie.
Je rappelle que South Stream est un
gazoduc russe qui passera sous la Mer
Noire en direction de l'Europe, en
complément du gazoduc orth Stream qui
relie la Russie à l'Allemagne en passant
sous la Mer Baltique. Ce nouveau tube
permettra surtout à la Russie de ne pas
dépendre uniquement de l’Allemagne pour
l’alimentation énergétique de l’Europe,
comme elle dépendait autrefois
uniquement de l’Ukraine.
LLes relations
Russie-UE sont donc visiblement
cantonnées à une diplomatie économique
stable et sans trop de surprises,
maintenue surtout par le haut niveau
d’interdépendance économique. La
question de la morale, si elle
n’interfère pas trop à ce jour dans les
relations, reste pourtant le principal
point de désaccord.
La Russie, de son côté, cherche
toujours à augmenter son niveau
d’intégration politique avec ses
voisins proches mais aussi avec le
bloc orthodoxe.
Une politique dont il conviendra de
voir, dans un avenir proche, si elle est
payante.
Alexandre Latsa est un journaliste
français qui vit en Russie et anime le
site DISSONANCE, destiné à donner un
"autre regard sur la Russie".
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