Opinion
Et la démographie
dans tout ça ?
Alexandre Latsa
© Alexandre Latsa
Mercredi 15 juin 2011
"Un autre regard sur la Russie" par
Alexandre Latsa En
décembre dernier, j'écrivais dans une
tribune intitulée :"La
démographie russe objet de tous les
fantasmes" que contrairement à
l'idée globalement véhiculée par le
mainstream médiatique, la Russie n'est
pas en train de disparaître, en tout cas
pas plus que de nombreux pays d’Europe.
Ces dernières années il a en effet
été très fréquent de lire çà et là que
la crise démographique russe était telle
que le pays pourrait ne pas s'en
remettre et que la disparition pure et
simple de la population russe était en
cours. La Russie, nous disait-on,
perdait à un rythme de croisière
approximativement 800 à 900.000
habitants par an et devait voir sa
population tomber à 100 millions
d'habitants vers 2050. L'ONU prédisait
même en
2008 que la population de la Russie
devrait tomber à 132 millions en 2025 et
116 millions en 2050. Plusieurs éléments
permettent néanmoins de penser que cela
ne se produira pas.
A la chute de l'URSS, l'effondrement
de la natalité et l'explosion de la
mortalité ont créé un creux
démographique sans précédent pendant 25
ans, soit une génération. Dès 1992 la
mortalité dépasse la natalité. En 1999,
avec 1.214.689 naissances et 2.144.316
décès, la perte nette de population est
de 929.627 habitants. Le taux de
fécondité cette année-là est de 1,17
enfant par femme alors qu'il était de
2,01 enfants par femme en 1989.
Dès les années 2000, le nombre de
naissances va doucement remonter, mais
la mortalité reste élevée, empêchant
toute hausse de la population, malgré
l’immigration. En 2005, 1.457.376
naissances ont lieu en Russie et
2.303.935 décès, soit une perte
naturelle de population de 846.559
habitants. L'année 2005 est la 5ème
année de stabilisation économique en
Russie, ainsi que le début du second
mandat de Vladimir Poutine. C'est aussi
l'année de lancement du plan
démographique et aussi d'un programme
d'aide à la natalité. Les mamans se
voient désormais attribuer des aides
financières et matérielles destinées à
les inciter à faire des enfants dans de
meilleures conditions.
Les résultats seront très positifs.
En 2010, 1.788.948 bébés verront le jour
en Russie, et avec 2.028.516 décès la
perte nette de population est de 240.000
habitants. Ces chiffres sont en outre
pénalisés par l'exceptionnelle canicule
de l'été 2010 qui a entraîné une
surmortalité de près de 50.000
personnes. Sans cet évènement climatique
la baisse naturelle de la population
aurait pu être de "seulement" 200.000
habitants. Le
recensement d’octobre 2010 a permis
en outre de réévaluer à la hausse la
population de la fédération de Russie,
puisque selon les décomptes, la
population au 01 janvier 2011 se
monterait officiellement à 142,9
millions d'habitants, soit 1 million de
plus que ce qui était estimé jusque là.
Pour l’année 2011 les chiffres
de janvier à avril sont disponibles.
Ils confirment la tendance entamée
depuis 2 ans à savoir que la natalité
devrait rester élevée (l’année devrait
voir plus de 1,7 million de naissances),
tandis que la mortalité est en baisse.
Ainsi, pour la première fois depuis 1998
le nombre de décès devrait passer sous
les 2 millions. Rappelons que la baisse
du nombre de décès est la seconde étape
du plan démographique, la première étant
la hausse du nombre de naissances. La
baisse naturelle de population devrait
donc pour cette année s’établir autour
de 200.000 habitants, contre 290.000 en
2009 et 240.000 en 2010. En 2009
l'immigration a en outre permis à la
population russe d'augmenter de 25.000
habitants et de "seulement" diminuer de
50.000 habitants en 2010.
DDepuis 2008 la population russe est
donc globalement en voie de
stabilisation. Le taux de fécondité pour
2010 est approximativement estimé à 1,54
enfant / femme ce qui correspond à peu
près au taux médian au sein de l’union
européenne, et est supérieur à celui de
nombreux pays comme par exemple
l’Allemagne ou l’Italie dont on
n’annonce pourtant pas la disparition
programmée pour le milieu du siècle.
Symbole de cette prise de conscience que
la Russie existera encore dans le futur,
le bulletin démographique
2010 révisé de l’ONU prend en compte
ces nouvelles évaluations et projette
dans sa variante "moyenne" une
population en Russie de 139 million en
2025 et 126,2 millions d’habitants en
2050. Ces nouvelles estimations de l’ONU
sont plus en phase avec le scénario
démographique prévu par l’institut russe
de statistiques
Rosstat qui dans son scénario
démographique médian pour le pays
envisage une population de 140 millions
d’habitants en 2025 et 139 millions
en 2030. Mais ces estimations paraissent
prudentes dans la mesure où l’impact de
l’immigration est sans doute encore
largement sous estimé en Russie et le
sera sans doute dans les années à venir.
Que devrait-il se passer? Dans les
prochaines années le nombre de femmes en
âge de procréer va lentement diminuer,
effet de structure de la pyramide des
âges russe. Il y avait en 2010 par
exemple 2,56 millions de femmes de 22
ans, 2,23 millions de femmes de 20 ans,
1,84 million de femmes de 18 ans et 1.68
million de femmes de 17 ans. Seul un
taux de fécondité à la hausse pourrait
compenser la baisse logique du nombre de
naissances, due au plus faible nombre de
jeunes mamans russes en âge de procréer.
La hausse souhaitée du taux de fécondité
à 1,6 ou 1,7 enfant par femme, couplée à
la réduction de la mortalité en cours
(amélioration des infrastructures et
changement de génération) devrait donc
théoriquement permettre de réduire le
gap entre le nombre des naissances, qui
ne devrait plus trop augmenter
désormais, et le nombre de décès qui lui
devrait sérieusement diminuer. Mais
seule une immigration
d’approximativement 200 à 250.000
personnes / an devrait pouvoir empêcher
la population de numériquement
décroître. Ces chiffres sur l’apport
migratoire sont également ceux fixés
pour le scénario démographique de
l’institut statistique Rosstat, dans sa
version basse, pour arriver à cette
population de 139 millions d’habitants
en 2030.
Article publié sur RIA Novosti
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