Tribune
François Hollande
affirme une vision cohérente
à l'égard
de la Russie
Alexandre Latsa
Marc
Villard avec François Hollande - ©
Photo site officiel de Marc Villard
Dimanche 10 juin
2012
"Un autre
regard sur la Russie" par Alexandre
Latsa
Cette année, les élections
législatives en France concernent aussi
les Français de l’étranger. La Russie
fait partie de la
11ième circonscription de
l’étranger. Voici l'entretien avec Marc
Villard, candidat PS à la députation des
Français de l’étranger.
Alexandre Latsa - Marc
Villard bonjour, et tout d’abord
félicitation pour vos résultats obtenus
lors du premier tour des élections
législatives. Pourriez-vous expliquer
aux lecteurs francophones de RIA Novosti
les raisons qui vous motivent à vouloir
devenir député des français de
l’étranger pour la 11ième
circonscription?
Marc Villard - Ma
candidature à ces élections est dans la
ligne d’un engagement de longue date
auprès de nos concitoyens. Cela a
commencé il y a une vingtaine d’années à
la Chambre de Commerce et d’Industrie
Française au Vietnam, dont je suis
devenu président une première fois en
1998, pour défendre et accompagner les
entreprises françaises. En 2000, je me
suis présenté à l’Assemblée des Français
de l’Etranger (à l’époque Conseil
Supérieur des Français de l’Etranger) en
vue de poursuivre cet engagement auprès
des entreprises en l’élargissant à la
représentation de nos concitoyens dans
tous les domaines qui touchent à leur
expatriation. L’exercice de ce mandat
d’élu, mon travail à la présidence de la
Commission des Finances et Affaires
économiques m’ont convaincu que la
représentation à l’Assemblée Nationale
serait un atout certain pour la défense
de nos compatriotes et je me suis donc
lancé dans la course législative !
Vous résidez actuellement au
Vietnam mais la 11ième circonscription
regroupe 49 pays de la zone Asie, Russie
et Océanie. Quels sont vos liens avec le
plus vaste pays de cette immense
circonscription qu’est la Russie et avec
la communauté française de Russie qui
avoisine les 7.000 âmes ?
Je l’ai expliqué par ailleurs, je
n’envisage pas, si je suis élu,
d’exercer mon mandat de façon solitaire
! Je m’appuierai, au contraire, sur des
"relais de terrain", en premier lieu sur
les conseillers à l’AFE qui ont toute
légitimité pour représenter les Français
établis hors de France les ayant élus.
Depuis six ans, je travaille très
régulièrement avec Cédric Etlicher,
l’élu AFE de la circonscription,
puisqu’il est membre de la Commission
des Affaires économiques, que je
préside. Nous échangeons beaucoup, sur
de nombreux sujets, étant donné que nous
résidons tous les 2 dans une région
"émergente".
Enfin, dès que j’ai fait acte de
candidature en 2011, j'ai eu le soutien
de Cédric qui n’a pas manqué de
m'adresser ses analyses sur l'évolution
de la situation en Russie. Tout comme
pour les autres pays de la
circonscription, je suis avec attention
ce qui se passe et je me tiens informé.
Un récent voyage à Moscou m'a d’ailleurs
permis de prendre la mesure de
quelques-uns des problèmes auxquels le
futur député sera confronté, en
particulier ceux liés à l’enseignement…
A ce propos, je sais déjà ce qui
m’attend : revoir différentes décisions
du gouvernement Fillon, comme, par
exemple, la mesure Worth-Fillon du
plafond d’emplois empêchant les
établissements, dont le lycée français
de Moscou, de recruter davantage de
professeurs titulaires, ce qui remet en
cause la pérennité de la qualité de
l’enseignement. Se pose également la
question de l’extension du lycée et de
son financement. Il conviendra de
revenir sur les dispositions de la loi
de finance de 2011 interdisant à l’AEFE
d’emprunter pour permettre son
indispensable expansion. Vous voyez, je
suis déjà impliqué dans mon action à
court terme...
Autre exemple: s'imposera de
travailler à la mise en place rapide
d’une convention de Sécurité Sociale
avec la Russie pour que nos compatriotes
ayant cotisé dans ce pays, puissent par
exemple, en consolidant leur pension
française et leur pension russe, jouir
d'une retraite à l’issue de leur
carrière.
Beaucoup de Français de
Russie se plaignent de l’image du pays
dans lequel ils vivent qui est donné par
les médias français. Quelle est votre
opinion à ce sujet ?
De façon générale, les Français à
l’étranger développent assez logiquement
un attachement au pays dans lequel ils
résident. J'en veux pour preuve le
nombre important d'entre eux s'y
établissant de façon définitive. Sur le
« terrain », ils sont aussi mieux placés
pour en avoir une connaissance précise
et en voir leurs aspects choquants,
mais, aussi, ce qui est fortement
apprécié, en fait leur attrait et qui
gagnerait, éventuellement, dans une
démarche d'ouverture et d'enrichissement
réciproque, à être transféré et adapté
en France.
Les médias n’apportent pas toujours
ces nuances, et cette tendance à mettre
en avant surtout le côté négatif se
retrouve également dans la manière de
traiter de ce qui se passe en France.
Est-ce que ces critiques
existent aussi dans les autres pays de
la circonscription que vous parcourez?
Bien sûr !
La Russie est parfois
dénoncée comme étant un état
autoritaire. Lors de la visite en France
de Vladimir Poutine vendredi dernier,
des intellectuels français
(Bernard-Henri Lévy, Daniel Cohn-Bendit,
Bernard Kouchner, André Glucksmann…) ont
notamment adressé une lettre ouverte au
président russe. Quelle est votre regard
sur le pouvoir politique russe
d’aujourd’hui et notamment la figure de
Vladimir Poutine?
Il est difficile de rester insensible
aux rapports de l’OSCE, notamment pour
ce qui concerne les irrégularités qui
ont pu entacher les scrutins en Russie
ou aux importantes manifestations qui
ont marqué le pays suite aux dernières
élections. Cependant, ce sujet, à ce
jour, reste surtout une question de
politique intérieure, sur laquelle mon
opinion compte moins que celle des
citoyens russes.
Quoi qu’il en soit, il me paraît
toutefois essentiel qu’un dialogue
constructif soit maintenu entre deux
pays membres du Conseil de Sécurité de
l’ONU, acteurs majeurs de la sécurité
internationale et qui sont également
deux partenaires économiques. A ce
titre, je me félicite de la concertation
engagée entre François Hollande et son
homologue russe.
Depuis l’année croisée
France-Russie en 2010, un réel déblocage
semble avoir eu lieu entre nos deux
pays, déblocage symboliquement magnifié
par la vente des BPC Mistrals. Comment
l’expliquez-vous alors que Nicolas
Sarkozy semblait au contraire très
critique envers la Russie lors de son
élection en 2007? Celui-ci avait
notamment et rapidement réintégré la
France dans le commandement intégré de
l’Otan. N’y a-t-il pas la une très
lourde contradiction politique et
géopolitique?
Tant en politique étrangère qu'en
politique intérieure, fortes et
multiples ont été les contradictions
ayant jalonné le quinquennat de Nicolas
Sarkozy et je vois dans ce comportement
le résultat d'une absence totale de
vision globale à long terme.
François Hollande affirme une vision
cohérente à l’égard de la Russie, qui
consiste à ne pas laisser les
divergences – bien réelles – s'accentuer
et compromettre le dialogue avec un
partenaire aussi crucial. C’est en
mettant tous les problèmes sur la table
que des points d’accord émergeront sur
les sujets brûlants de sécurité
internationale, mais également, à plus
long terme sur les coopérations
possibles et souhaitées entre les deux
pays. Sur ce deuxième point, il s’agit
de sortir d’une logique purement
opportuniste et économiste, au gré des
contrats des uns et des autres, et
d’établir des échanges plus poussés, en
matière scientifique notamment.
Pensez-vous à ce titre que la
France a toute sa place dans l’Otan?
Quelle est votre opinion au sujet du
projet de bouclier anti-missile qui
crispe tant la Russie?
La première ambition de la France
devrait être la construction d’une
Europe de la défense permettant au
continent d’acquérir une véritable
autonomie dans la garantie de sa
sécurité. Cela passe par un dialogue
approfondi entre l'ensemble de ses
partenaires en particulier avec
l’Allemagne. Une meilleure cohérence en
termes de stratégie industrielle pour la
défense est tout aussi essentielle à
mettre en œuvre.
En gardant cette ambition comme ligne
de mire, la France conserve sa place
dans l’OTAN, a minima, pour gérer les
dossiers du ressort de l’Alliance. Je
pense, évidemment, à l’Afghanistan. À
l’avenir, le but est bien que l’Europe
se constitue en acteur cohérent, qui
traite d’égal à égal avec son allié
américain.
Sur le projet de bouclier
antimissile, j’approuve pleinement la
position de notre Président, lequel a
répété au sommet de l’OTAN l'urgence à
rassurer la Russie sur ce dispositif. Le
dialogue impérativement maintenu, aucun
pays ne doit se sentir menacé par cet
outil de défense et non d’attaque.
J'accorde également toute ma confiance à
François Hollande pour faire en sorte de
rééquilibrer la place de l’Europe dans
la gestion du bouclier par rapport aux
Etats-Unis.
Les Français de l’étranger
ont majoritairement voté à droite,
puisque Nicolas Sarkozy a obtenu 53.05%
des voix à la présidentielle au sein des
Français de l’étranger, contre 46.95%
pour François Hollande. Au sein de la
11ième circonscription le gap est encore
plus fort, Nicolas Sarkozy ayant obtenu
57,55% contre 42,45% pour François
Hollande. Comment l’expliquez-vous ?
Les Français de l’étranger ont
toujours voté plus à droite que leurs
compatriotes en France. Avec le temps,
une plus grande diversité sociale chez
les expatriés fait que la gauche,
aujourd'hui, gagne des points chez les
Français établis hors de France et dans
cette avancée, je constate que François
Hollande a obtenu un meilleur score en
2012 que notre présidentiable en 2007.
Qu’est ce qui concrètement
vous différentie d’avec votre adversaire
du second tour, Thierry Mariani?
Au-delà de nos divergences politiques
fondamentales, ma connaissance
approfondie acquise au cours des ans, de
la réalité de l’expatriation de mon
engagement réel à défendre nos
concitoyens dans le cadre de l'exercice
de mes deux mandats à l’Assemblée des
Français de l’Etranger. J’ajouterai, et
c’est une nuance essentielle, que si
Thierry Mariani est élu, il siègera,
selon toute vraisemblance, dans
l’opposition, ce qui n’est pas la
position la plus favorable pour porter
et défendre nos compatriotes, alors que,
moi, je serai dans la majorité
présidentielle, avec l’écoute du
gouvernement et de ministres me
connaissant et m'accordant toute leur
confiance pour avoir travaillé dans le
même sens qu'eux de longues années
durant.
Quelle est votre opinion, de
façon plus générale, sur la fin du
"système Sarkozy"?
Nous avons assisté à une fin de règne
typique, où la course aux voix l’a
emporté sur le souci de préserver la
cohésion sociale ! Désastreux et
pathétique.
Qu’est ce que les Français de
l’étranger et de Russie peuvent et
doivent selon vous attendre de leur
député de l’étranger, en général, mais
surtout s’il s’appelle Marc Villard?
La première chose que les Français de
l’étranger doivent attendre de leur
député, c’est qu’il fasse entendre leur
voix au sein du débat national. Que,
désormais, lors de tout projet ou toute
proposition de loi en discussion à
l’Assemblée, les députés des Français de
l’Etranger pourront et devront
s’exprimer pour que soit prise en compte
leur spécificité. Qu'ils comptent sur
moi, s’ils m'accordent leur confiance,
pour le faire au sein de la majorité
présidentielle avec force, mais, aussi,
sans perdre mon sens critique, chaque
fois que nécessaire!
Alexandre
Latsa est un journaliste
français qui vit en Russie et anime le
site DISSONANCE, destiné à donner un
"autre regard sur la Russie". Il
collabore également avec l'Institut de
Relations Internationales et Stratégique
(IRIS), l'institut Eurasia-Riviesta, et
participe à diverses autres
publications.
Article publié sur
RIA Novosti
© 2012
RIA Novosti
Publié le 13 juin 2012
Le sommaire d'Alexandre Latsa
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