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Opinion
Vladivostok, une
ville au bout du monde
Alexandre Latsa
© Alexandre Latsa
Mercredi 8 décembre 2010
"Un autre regard sur la Russie" par Alexandre Latsa
La Russie a bien changé, depuis le chaos des années 1990,
mais il est difficile de trouver des traces de ce changement
dans les médias des pays occidentaux. On y trouve le plus
souvent des reportages catastrophistes et des commentaires
méfiants ou simplement hostiles à la Russie en général et à son
système politique en particulier.
Dans un éditorial de juin 2009, les fondateurs du journal
français Le courrier de Russie ont résumé ce déficit d’image à
leur manière: "Quand nous nous rendons en France, même en
ignorant les questions stupides sur le temps qu'il fait à Moscou
ou le rationnement dans les magasins, nous constatons que nous
faisons figure de zombies et il n'est pas difficile de
comprendre pourquoi. Pas un journal, pas une chronique, pas un
magazine, pas une émission de télévision en France qui ne parle
de la Russie sans souligner atteintes aux droits de l'homme,
misère de la population ou argent trop facile et viols, meurtres
et pillages en tous genres".
Plus récemment, le premier ministre russe Vladimir Poutine a
affirmé que: "De nombreux clichés ont été hérités du passé, de
la guerre froide. Ces clichés, tels des mouches, planent
au-dessus de l'Europe et du monde entier, ils bourdonnent aux
oreilles et effraient les gens. Pourtant, la réalité est autre".
C’est dire si le problème d’objectivité concernant la Russie
est devenu préoccupant. On constate que les méfiances héritées
de la guerre froide et de la débâcle économique des années 1990
ont fait naître un certain nombre de clichés que tout le monde
connaît, comme par exemple l’alcoolisme, la misère, la mafia, la
corruption ou encore la prostitution. On ne peut que constater
aussi que les reportages sur la Russie ont souvent tendance à
noircir le tableau de toutes les manières possibles.
Pourtant, les choses ont vraiment énormément changé et la
Russie d’aujourd’hui n’a absolument plus rien à voir avec la
Russie des années 1990. Bien sûr personne ne peut affirmer que
la corruption, la prostitution ou l’alcoolisme n’existent plus,
ou que le pays ne rencontre plus de problèmes sociaux et
économiques. Mais ils sont réellement en voie de se résorber. Et
ces dernières années ont été marquées par une amélioration
significative de la situation générale, que l’on pense à la
hausse du niveau de vie, à l’émergence d’une solide classe
moyenne, à la baisse de la pauvreté ou encore aux énormes
progrès réalisés dans le domaine de la santé ou de la
démographie.
Autre exemple qui traduit ce défaut d’objectivité, pendant
les incendies de forêt qui ont frappé la Russie l’été dernier,
certains reporters ou journalistes occidentaux ont
transformé les reportages sur cette catastrophe climatique en
critique de ce qu’ils appellent "le système Poutine", comme si
le premier ministre portait sur ses épaules la responsabilité de
tous les évènements tragiques qui surviennent dans le pays.
Il y a aussi cette légende selon laquelle Moscou aurait
drainé tous les bénéfices de la croissance économique de la
dernière décennie, pendant que les autres villes de Russie
seraient restées dans la misère et la désorganisation.
J’ai ramené des images bien différentes de mon voyage en
Extrême-Orient le mois dernier, voyage qui m’a mené à
Vladivostok. Avec son port militaire et son statut de ville
fermée pendant la période soviétique, cette ville a longtemps
gardé un certain mystère, qui fascinait probablement les
journalistes étrangers en quête de réalité dissimulée.
Aujourd’hui, à 8 heures de vol de Moscou, la ville est
atteignable en low cost russe, en Boeing-777 neuf, pour moins de
150 euros. Bien que située à 9.300 km en train de Moscou et bien
plus proche des grandes capitales asiatiques, Vladivostok est
totalement russe. La surprise est grande d’arriver dans une
ville relativement moderne, toute en montées et descentes comme
San Francisco, et où il est possible de trouver autant des
magasins de vins français que des caves à cigares, ou encore de
déguster des huitres de l’Extrême-Orient qui sont par ailleurs
délicieuses. La différence avec la capitale est assez facile à
ressentir, Vladivostok est une ville douce, comme l’est le
rythme de la région, en phase avec une nature incroyable, et
bien loin de l’ambiance fiévreuse de la capitale. L’activité
économique intense est cependant constatable à travers les
nombreux chantiers liés à la préparation du sommet de l’APEC en
2012. A cette occasion les infrastructures de la ville, mais
également du Kraï vont être totalement modernisées, que ce soit
les routes, les hôpitaux, l’aéroport, les hôtels ou encore les
ponts. C’est d’ailleurs une société française qui se charge d’un
projet unique: la construction du plus long pont à câbles du
monde, pour relier la ville à une île, sur laquelle sera
construit un campus universitaire moderne.
Lorsque j’ai déménagé en Russie, mes amis étaient sceptiques
quand à mon choix. Je précise que mes amis d’enfance ont pour la
plupart grandi au bord de l’océan Atlantique, dans une ville ou
les seules activités disponibles étaient les sports de mer, surf
en tête. Il est vrai que la Russie ne leur apparaissait pas
comme l’endroit idéal pour sa pratique. Quelle ne fut pas ma
surprise de découvrir qu’il était pourtant possible de surfer
dans l’Extrême-Orient russe, que des Russes surfaient
régulièrement sur place et que l’un des plus grand surfer du
monde, Tom Curren, avait récemment fait un voyage sur place,
domptant les vagues à Vladivostok, Nakhodka et
Ioujno-Sakhalinsk. Je repense à la phrase du premier ministre
russe Vladimir Poutine à la suite du choix de la Russie pour
organiser la Coupe du monde de football 2018: "Venez pour la
Coupe proprement dite et regardez la Russie, promenez-vous dans
les villes, parlez avec les gens et ressentez le pays".
Effectivement, la seule façon de ressentir la Russie est de
s’y rendre, hors des sentiers battus, et de découvrir les
incroyables atouts dont le pays dispose, même les plus
inattendus.
Alexandre Latsa, 33 ans, est un blogueur
français qui vit en Russie. Diplômé en langue slave, il anime le
blog DISSONANCE, destiné à donner un "autre regard sur la
Russie".
Article publié sur RIA Novosti
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