Opinion
Perm, ville de
culture
Alexandre Latsa
©
Alexandre Latsa
Mercredi 5 octobre
2011
"Un autre
regard sur la Russie" par Alexandre
Latsa
Pour beaucoup de Français et
pour beaucoup d’européens de l’ouest, la
Russie reste un pays méconnu, voire
inquiétant et dont beaucoup doutent
de la capacité à devenir "moderne,
européen et stable", sur le modèle
imaginé par les démocraties
occidentales. La crise économique dans
les pays occidentaux à secoué ceux qui
avaient ces préjugés, et les
perspectives économiques paraissent
aujourd’hui plus attrayantes en Russie
que dans nombre de pays d’Europe de
l’ouest.
On commence à s’en rendre compte et
de plus, l’objectif primordial pour la
Russie de s’ouvrir sur le monde devient
de plus en plus lisible et crédible..
Pour autant, hormis Moscou et
Saint-Pétersbourg qui sont devenues des
villes touristiques, il reste de
nombreuses villes encore peu connues en
Russie, c’est le cas de Perm. Cette
ville compte un peu plus d’un million
d’habitants avec l’agglomération, elle
se trouve à environ 1.200 kilomètres à
l’est de Moscou, juste avant la chaine
de l’Oural. Beaucoup de français savent
que Michel Strogoff, membre du régiment
des courriers du Tsar et personnage créé
par Jules Verne, est passé à Perm avant
de franchir l’Oural et de poursuivre sa
route vers Irkoutsk. Pour beaucoup de
Français l’Oural reste assimilé à
la frontière symbolique de l’Europe,
puisque cette chaîne de montagnes
correspond à sa frontière géographique.
On se souvient des appels du général de
Gaulle qui souhaitait une Europe de
l’Atlantique à l’Oural. Pourtant, en y
regardant de plus près, on constate que
les villes russes qui sont
derrière l’Oural ne sont pas moins
russes ou moins européennes que celles
de la partie ouest du pays.
Mais revenons à Perm, ville fondée
par Pierre le Grand en 1723, bien que le
village de Perm soit mentionné dès le
milieu du 17ème siècle. La ville est
située au pied des monts Oural et elle
est traversée par une rivière assez
importante, la Kama. Plus loin vers le
sud, la Kama rejoint la Volga qui
poursuit sa route vers la mer Caspienne.
Dans l’histoire russe, l’Oural n’est pas
seulement la frontière géographique
entre l’Europe et l’Asie. C’est
également le point de départ de
l’expédition du cosaque Ermak, mandaté
par les Stroganoff pour lever une armée
afin de vaincre les Tatars, de l’autre
côté de l’Oural.
Cet évènement historique important,
daté de 1575, permettra de développer
plus tard la conquête de l’est, puis de
la Sibérie jusqu’au Pacifique. Si Perm
est relativement méconnue à l’étranger,
ce n’est pas le cas en Russie. Jusqu’à
très récemment, elle faisait partie de
ces "villes fermées" secrètes,
prestigieuses, interdites aux étrangers
et même aux russes, qui devaient
demander une autorisation pour y
pénétrer. A l’époque de l’URSS, il y
avait dans ces villes fermées soit des
bases militaires, soit des usines du
complexe militaro-industriel ou des
écoles secrètes. A Perm, cette époque a
laissé des traces, et la ville dispose
d’un équipement industriel et
culturel important, supérieur à celui de
ses voisines de l’Oural que sont
Ekaterinbourg ou Chelyabinsk.
L’économie de la ville bénéficie en
outre de la richesse du sous-sol de la
zone. La compagnie pétrolière Lukoil est
très présente à Perm, elle extrait et
transforme l’or noir de la région. Sans
doute grâce à son passé de ville fermée,
de ville militaire et industrielle, Perm
a conservé un système éducatif très
dense. Il comprend sept universités,
trois écoles militaires et également de
nombreux instituts de recherche
scientifique. Cette densité culturelle
se retrouve également dans l’amabilité
de ses habitants, que chaque visiteur de
la ville ne pourra que constater. Les
gens de Perm sont très ouverts,
plus calmes que les Moscovites, et
tournés vers l’incroyable beauté de la
nature dans l’Oural.
Au bord de la Kama, les quais sont
encore en cours de modernisation. En
ville, on retrouve le même mélange
architectural que dans d’autres villes
russes. Des bâtiments de style stalinien
restaurés ou en attente de restauration,
des maisons bien plus anciennes, et des
immeubles ultra modernes. Sur l’autre
rive, face au centre ville, les
nouvelles villas au bord de l’eau
témoignent bien du formidable boom
économique que la ville à connu ces
dernières années.
© Alexandre Latsa
Perm, ville
de culture
Mais on remarque aussi à Perm une
particularité dans la décoration de la
ville, visiblement orientée "art
moderne". Au centre, sur l’avenue
Lénine, juste devant l’hôtel Oural,
trône un énorme et magnifique ours en
bronze, symbole de Perm. L’ours fait
face à un bâtiment assez surprenant, de
type stalinien mais surplombé par de
drôles de personnages, rouges et sans
têtes à l’extérieur du bâtiment, et
dotés de têtes à l’intérieur. Il s’agit
du bâtiment du ministère de la culture
de la ville! Les personnages ne sont pas
seulement déroutants et inattendus, ils
contrastent avec l’austérité que dégage
habituellement un bâtiment administratif
de style soviétique traditionnel.
© Alexandre Latsa
Perm, ville
de culture
A Perm, le visiteur aura la
surprise de pouvoir trouver d’autres
monuments inattendus, qu’il s’agisse par
exemple d’une porte en bois à l’entrée
de la ville ou d’une grosse pomme verte
croquée devant la grande bibliothèque,
en plein centre ville.
Ces étonnants éléments d’art moderne
ne sont pas là par hasard, la ville a un
projet ambitieux: postuler et devenir
prochainement
capitale européenne de la culture.
© Alexandre Latsa
Perm, ville
de culture
En effet, en mars de cette année, une
délégation de la Région de Perm présidée
par Boris Milgram (vice-premier ministre
de la région de Perm) et Alexandre
Protasevitch (vice-ministre de la
culture de la région de Perm) a
participé aux audiences publiques du
programme "Capitale européenne de la
culture" organisées par la commission
européenne. Pendant mon voyage à Perm,
j’ai pu parler avec Alexandre
Protasevitch. C’est un esprit ouvert sur
l’Europe et qui fourmille d’idées pour
sa ville. C’est lui qui a soutenu la
mise en place dans les rues de cette
forme d’art moderne public.
Le spectacle est surprenant et
contraste fortement avec l’image que
l’on pourrait avoir d’une ville
universitaire et industrielle de
l’Oural. Je reviendrai à Perm, il y a
mille choses à découvrir dans cette
ville et dans les premiers contreforts
de l’Oural, et ne serait-ce que pour
repousser un peu plus les frontières de
la
vraie Europe. Les Permiens, comme me
l’a rappelé Alexandre Protasevitch, se
sentent Européens et à Perm on dit même
que l’Europe va non pas de l’Atlantique
à l’Oural mais de l’Oural à
l’Atlantique! Alors, pourquoi ne pas
faire de Perm, la "plus à l’est", pour
le moment, des capitales européennes de
la culture?
L’opinion de l’auteur ne coïncide
pas forcément avec la position de la
rédaction
Article publié sur RIA Novosti
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