Carnets du diplo
Guerre d'Irak, cinq ans déjà
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Alain Gresh
16 mars 2008
Il y a cinq ans, les Etats-Unis se lançaient à l’assaut de
l’Irak. Plusieurs centaines de milliers de civils irakiens tués
(et 4000 soldats américains) plus tard, il apparaît de plus en
plus que cette guerre aura été une des plus grandes catastrophes
que le Proche-Orient ait connue depuis cinquante ans. Et ses
conséquences seront sans doute bien plus durables que celles que
la guerre du Vietnam a eu sur l’Asie.
On se rappelle que les deux prétextes de cette guerre étaient
les armes de destruction massive, dont il a été prouvé qu’elles
n’existaient pas, et le lien entre Saddam Hussein et le
terrorisme (la moitié des Américains étant convaincus que le
dictateur irakien était derrière les attentats du 11-Septembre).
Début mars, le Pentagone a publié un rapport fondé sur 600
000 documents examinés démontrant qu’il n’existait aucune
relation entre Al-Qaida et Saddam Hussein. Mais la transparence
a des limites. Comme le rapport ABC News, le 12 mars, dans « Pentagon
Report on Saddam’s Iraq Censored ? », le Pentagone a annulé
l’envoi d’un communiqué de presse sur le rapport et a décidé de
ne pas le publier en ligne. Il ne sera fourni qu’à ceux qui en
feront la demande et sera envoyé par la poste ! ABC a mis en
ligne un résumé du rapport « Iraqi
perspective project. Saddam and terrorism : Emerging insight
from Captured Iraqi documents Volume 1, redacted) »
Le rapport affirme que Saddam Hussein a soutenu des groupes
terroristes, notamment palestiniens. Mais il insiste : « Les
principales cibles des opérations terroristes de l’Etat irakien
étaient les citoyens irakiens, à l’intérieur et à l’extérieur de
l’Irak. »
En revanche, le rapport dément toute relation entre Al-Qaida
et Saddam Hussein. ABC rappelle une des déclarations de George
W. Bush rapportée par le Washington Post du 18 juin
2004 : « La raison pour laquelle j’ai continué à insister sur
la relation entre l’Irak, Saddam et Al-Qaida, c’est parce qu’il
y avait une relation entre l’Irak et Al-Qaida. »
Cette interprétation du rapport est contestée par un
néoconservateur William Kristol, dans The Weekly Standard,
« Gunsmoke Why is the Bush administration silent on the new
Pentagon report ? » (24 mars 2008). Selon lui, le rapport
intégral précise, en page 42, que « Saddam soutenait ou des
groupes directement liés à Al-Qaida (comme le Djihad islamique,
dont le dirigeant fut à un moment Ayman Al-Zawahiri, le bras
droit de Ben Laden) ou qu’il partageait les buts affirmés par
Al-Qaida et ses objectifs ». On peut pourtant douter que
Saddam soutenait l’idée d’un Etat islamique ; quant à partager
les buts d’Al-Qaida, s’il s’agit du départ des Etats-Unis de la
région, on peut dire qu’ils sont ceux de la grande majorité de
l’opinion publique.
Le New York Times du 16 mars a demandé à neuf
"experts" ou responsables de donner leur point de vue de
l’époque sur l’invasion de l’Irak et la manière dont ils voient
la situation aujourd’hui (« Reflections
on the Invasion of Iraq »). Parmi eux Paul Bremer III (le
premier proconsul américaine en Irak) et Richard Perle, un des
théoriciens néoconservateurs.
Je posais la question ici même de savoir si
« les Etats-Unis vont-ils gagner la guerre en Irak ? » en
expliquant que Washington mettait en avant la diminution des
pertes américaines et civiles irakiennes dans les derniers mois.
Un article du Washington Times du 15 mars, « Iraqi
civilian deaths rise again » (Sharon Behn), actualise ces
données. Selon la journaliste 422 Irakiens ont déjà été tués en
mars, contre 544 pour tout le mois de janvier et 674 pour le
mois de février. Ainsi, la tendance à la baisse des victimes
irakiennes aurait été enrayée.
Il faut noter aussi que, sur l’autre front de « la guerre
contre le terrorisme », l’Afghanistan, cet « Etat
défaillant », la situation semble échapper aux forces
américaines et à l’OTAN. Ce sera d’ailleurs un des thèmes du
sommet de l’OTAN à Bucarest, les 2-4 avril prochain. Dans une
dépêche de l’agence Reuters du 11 mars, « UN
Reports sharp rise in Afghanistan attacks », il est écrit
que, selon un rapport du secrétaire général des Nations unies,
les attaques ont augmenté de manière importante en 2007 : on a
compté 566 incidents par mois, contre 425 en 2006. 8 000
personnes ont été tuées dont plus de 1500 civils. On a aussi
compté 160 attentats-suicide en 2007 (contre 123 en 2006). Les
travailleurs humanitaires et les ONG sont des cibles de plus en
plus fréquentes.
Pour l’évolution des conflits au Proche-Orient depuis
l’invasion américiane de l’Irak, on pourra consulter l’ensemble
des articles consacrés par Le Monde diplomatique,
regroupés dans
"Proche-Orient, les guerres du XXIe siècle".
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