Opinion
Gaza, assassinats
et désinformation
Alain Gresh
Alain
Gresh
Jeudi 15 novembre
2012
Pour comprendre l’escalade à
Gaza, il faut toujours rappeler
quelques données sur ce
territoire (360 kilomètres
carrés, plus de 1,5 million
d’habitants, soit plus de 4 500
personnes par kilomètre carré —
ce qui en fait un des endroits
de la planète où la densité de
population est la plus élevée),
occupé depuis 1967 par Israël.
Même si l’armée s’en est
retirée, ses accès avec le monde
extérieur sont toujours
contrôlés par Israël ; la
circulation à l’intérieur même
de cette mince bande de terre
est limitée et le blocus mis en
place depuis des années perdure
: pour les Nations unies, Gaza
reste un territoire occupé.
Les données qui suivent sont
fournies par le Bureau des
Nations unies pour la
coordination des affaires
humanitaires dans les
territoires palestiniens (OCHA
oPt), dans un document de juin
2012 intitulé : «
Five Years of Blockade : The
Humanitarian Situation in the
Gaza Strip » :
C’est en juin 2007 que le
gouvernement israélien a décidé
d’intensifier le blocus de ce
territoire, qui était déjà
sévèrement « contrôlé ».
34 % de la population (et la
moitié des jeunes) est au
chômage.
80 % de la population dépend de
l’aide alimentaire.
Le PNB par habitant était, en
2011, 17 % en dessous de celui
de 2005 (en termes constants).
En 2011, un camion par jour
sortait de Gaza avec des
produits pour l’exportation,
soit moins de 3 % du chiffre de
2005.
35 % des terres cultivables et
85 % des eaux pour la pêche sont
partiellement ou totalement
inaccessibles aux Gazaouis à la
suite des restrictions
israéliennes.
85 % des écoles doivent
fonctionner en « double service
» — un le matin, l’autre
l’après-midi —, en raison de la
surpopulation.
Toute guerre s’accompagne
d’une propagande intense et le
gouvernement israélien est passé
maître dans cet art. Déjà lors
de l’offensive de décembre
2008-janvier 2009, on avait
assisté à un déferlement
médiatique (Marie Bénilde, «
Gaza : du plomb durci dans les
têtes »). Des intellectuels
français, dont l’inénarrable
Bernard-Henri Lévy, avaient
contribué à cette
désinformation.
L’homme assassiné par Israël,
Ahmed Jabari, était le chef de
l’aile militaire du Hamas (sur
cette organisation, lire «
Qu’est-ce que le Hamas ? »).
Nombre de médias le présentent
comme « un terroriste »
responsable de toutes les
attaques contre Israël. La
réalité est assez éloignée de ce
portrait — au-delà même de
l’usage du terme «
terrorisme », pour le moins
ambigu. Une nouvelle fois, c’est
un journaliste israélien Aluf
Benn qui fait remarquer («
Israel killed its subcontractor
in Gaza », Haaretz,
15 novembre) :
« Ahmed Jabari était un
sous-traitant, en charge du
maintien de la sécurité d’Israël
dans la bande de Gaza. Cette
qualification paraîtra sans
aucun doute absurde pour tous
ceux qui, au cours des dernières
heures, ont vu Jabari décrit
comme un “archi-terroriste”, “le
chef du personnel de la terreur”
ou “notre Ben Laden”.
C’était pourtant la
réalité durant ces cinq années
et demi. Israël a exigé du Hamas
qu’il observe la trêve dans le
sud et la fasse appliquer par
les nombreuses organisations
armées dans la bande de Gaza.
L’homme à qui avait été confiée
cette tâche était Ahmed Jabari.
»
Il suffit de regarder les
graphiques publiés par le
ministère des affaires
étrangères israélien lui-même
sur les tirs de roquettes («
Palestinian ceasefire violations
since the end of Operation Cast
Lead », 14 novembre 2012),
pour se rendre compte que, de
manière générale, la trêve a
bien été observée. Elle a été
rompue par des raids de l’armée
israélienne les 7 et 8 octobre
2012, puis les 13 et 14 octobre.
Chaque escalade fait suite à
des assassinats ciblés de
militants palestiniens à Gaza.
Ces exécutions extra-judiciaires
sont une pratique ancienne du
gouvernement israélien (à
laquelle les Etats-Unis se sont
ralliés depuis longtemps). Vous
avez dit « terrorisme » ? (lire
«
De Gaza à Madrid, l’assassinat
ciblé de Salah Shehadeh »,
par Sharon Weill, Le Monde
diplomatique, septembre
2009).
Le scénario avait été
exactement le même en 2008.
Alors que la trêve était
respectée du côté palestinien
depuis juin 2008 («
List of Palestinian rocket
attacks on Israel, 2008 »,
Wikipedia), c’est l’assassinat
de sept militants palestiniens
en novembre qui devait déboucher
sur une escalade et l’opération
«
Plomb durci ».
Sur les violations par Israël
des cessez-le-feu au cours des
dernières années, on pourra lire
Adam Horowitz, «
Two new resources : Timeline of
Israeli escalation in Gaza and
Israel’s history of breaking
ceasefires » (Mondoweiss, 14
novembre 2012).
D’autre part, il est
difficile de parler d’un
affrontement entre deux parties
: les F-16 israéliens et les
roquettes palestiniennes ne sont
pas des armes équivalentes. Le
bilan humain, depuis la trêve de
janvier 2009 qui a suivi
l’opération « Plomb durci », le
confirme.
L’organisation israélienne de
défense des droits humains
B’Tselem dresse le compte des
Palestiniens et des Israéliens
tués à Gaza depuis le 19 janvier
2009 jusqu’au 30 septembre 2012
(«
Fatalities after operation “Cast
Lead” ») :
271 Palestiniens (dont 30
mineurs) contre 4 Israéliens.
Les chiffres parlent
d’eux-mêmes...
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