Opinion
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McCain, Obama et le Moyen-Orient
Abdel-Azim Hammad
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Mercredi 11 juin 2008
Lors des dernières élections
présidentielles aux Etats-Unis, même les observateurs les plus
pessimistes ne s’attendaient pas aux changements entrepris par
le président Bush et son Administration en ce qui concerne la
politique étrangère du pays. Pendant la campagne électorale pour
les précédentes élections présidentielles, le général Brent
Scocroft, conseiller à la sécurité nationale de Bush-père et
président du groupe des conseillers de Bush-fils pour les
affaires étrangères pendant la campagne, avait déclaré qu’au cas
où Bush remporterait les élections, il ne s’attendait pas à des
changements radicaux ni en Iraq, ni en Palestine. Ajoutant qu’il
est possible que la nouvelle Administration réagisse mieux face
aux réclamations nationales palestiniennes. Or, ce qui s’est
passé est que la nouvelle Administration a changé sa politique
envers l’Iraq de façon catastrophique, elle a totalement négligé
la cause palestinienne, ne présentant à la question de la paix
israélo-palestinienne que la vision israélienne comme base pour
parvenir au règlement.
Cependant, l’invasion de l’Iraq a
changé les équilibres de force au Proche-Orient et dans le Golfe
arabe au profit de l’Iran qui a transféré son pouvoir de l’Iraq
au Liban et à Gaza en Palestine. Les projets élaborés par
l’Administration de Bush pour la région ont presque tous échoué.
Et voilà que cette Administration est sur le point de quitter la
scène, laissant le Proche-Orient dans une guerre froide avec
l’Iran et ses partisans.
Avec cet arrière-plan, il faut
s’attendre à des changements radicaux dans la politique
étrangère américaine en ce qui concerne le Proche-Orient. Que le
nouveau locataire de la Maison Blanche soit le démocrate Barack
Obama ou le Républicain John McCain, il est sûr que les
changements seront différents dans les deux cas.
Commençons par le cas d’Obama
puisque ses promesses sont plus claires et vont dans 3
directions. Il a promis de retirer les forces américaines de
l’Iraq et d’appeler à un dialogue avec l’Iran. Le plus important
est qu’il a fermement assuré que le règlement de la cause
palestinienne réalisera un intérêt national américain et
constituera une garantie pour la sécurité d’Israël. Ce qui
implique son engagement en tant que président américain à
défendre la sécurité d’Israël en tant qu’Etat hébreu. La
position d’Obama envers l’invasion américaine de l’Iraq n’a pas
besoin de beaucoup d’explication puisqu’il a maintes fois répété
que cet acte était depuis le début une erreur. Et pour ce qui
est de l’Iran, sa position est claire. Même s’il refuse son
armement nucléaire, il refuse aussi ce que les Américains et les
Israéliens appellent « une menace iranienne à l’existence
d’Israël ». Il a alors exprimé sa volonté de dialoguer avec les
Iraniens, chose évidement nécessaire parce qu’il sera un
président américain voulant sortir du bourbier iraqien avec un
minimum de pertes. Obama est donc quelqu’un dont les avis sont
très organisés puisque depuis le premier jour de sa campagne
électorale, il a promis de retirer les forces américaines de
l’Iraq.
Pour ce qui est de la cause
palestinienne et sans toucher à la sécurité d’Israël, Obama
semble être le candidat américain qui appartient le plus au
courant qui est en train de grandir chez l’élite américaine, y
compris les juifs américains. Ce courant appelle à la nécessité
de sauver Israël de lui-même ou des groupes extrémistes qui
refusent ce qu’ils appellent « les concessions douloureuses »
pour réaliser une paix globale avec les voisins et en premier
lieu avec les Palestiniens. Il est aussi prévu qu’Obama s’engage
dans un dialogue avec la Syrie et procure le soutien nécessaire
pour les négociations de paix syro-israéliennes actuellement en
cours avec une médiation turque.
Barack appartient à ce qu’on
appelle le libéralisme international qui refuse catégoriquement
les illusions impérialistes. Ce courant est conscient que les
limites de la force américaine et les circonstances de l’époque
permettent aux Etats-Unis d’être la force la plus influente dans
le monde. Mais non de dicter au monde des ordres impériaux par
le biais de la force militaire. Donc, la meilleure politique
capable de réaliser les intérêts américains avec en tête la
sécurité nationale et en même temps capable de réaliser la
stabilité et la paix internationales est l’action commune dans
le cadre de la légitimité internationale. Mais la question sera
totalement différente si le candidat républicain McCain remporte
les élections.
Cet homme appartient à la
génération de la guerre froide. Il a fait la guerre du Vietnam
et appartient à l’aile rigoriste dans la politique étrangère à
l’intérieur du Parti républicain, bien que sur certaines
questions, il ait tendance à parler d’une voix libérale.
Rappelons que McCain est parmi les adeptes de l’invasion de
l’Iraq puisqu’il a écrit et présenté au Congrès, en coopération
avec le sénateur Joseph Liberman, le projet de loi sur la
libération de l’Iraq à la fin du mandat de Bill Clinton. Il est
clair que McCain est prêt à rester sur le champ de guerre en
Iraq pour cent ans encore pour gagner la guerre « contre le
terrorisme » comme il l’appelle. Bien qu’il ait beaucoup atténué
ce ton au cours des derniers mois, ceci revient à des motifs
purement relatifs aux élections, et dès qu’il les remportera, il
reviendra à son rigorisme. Et ce rigorisme peut mener à une
escalade dangereuse sans limites en Iraq. McCain ne veut pas que
les Américains souffrent du complexe de l’Iraq comme ils ont
souffert de celui du Vietnam et reproche à Bush de ne pas
recourir suffisamment à la force pour remporter la guerre en
Iraq.
Dans un autre contexte, McCain
tentera de reprendre le projet dans lequel Bush a échoué : la
démocratie dans le Grand Proche-Orient comme meilleur moyen de
lutter contre le terrorisme.
Pour les deux candidats, il est
sûr que les changements demeureront dans le cadre des visions et
des opinions de son camp quant à la politique américaine dans le
monde. Dans le cas de McCain, il est question de diviser le
monde en pays démocrates et non-démocrates. La concession que
McCain avait présentée au cours de sa campagne pour devenir le
candidat du Parti républicain, alors qu’on lui réclamait de
renoncer à la tendance militaire, est d’appeler à la création
d’une nouvelle organisation internationale pour les Etats
démocrates sous une direction américaine. Et ce pour prendre des
décisions et imposer des politiques aux pays non-démocrates qui,
selon la propre classification de McCain, sont : la Chine, la
Russie et la majorité des Etats arabes et islamiques. Bref, nous
pouvons dire que les Etats-Unis et le monde entier sont face à
deux éventualités : un monde basé sur la coopération et la
conciliation avec Obama ou bien un monde basé sur le conflit et
la division avec McCain.
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reproduction et de diffusion réservés. ©
AL-AHRAM
Hebdo
Publié le 11 juin 2008 avec
l'aimable autorisation de AL-AHRAM Hebdo
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