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Al-Ahram Hebdo
Pragmatisme ou faiblesse ?
Ahmed Loutfi - Chaïmaa Abdel-Hamid
Mercredi 13 octobre 2010
Négociations Palestino-Israéliennes.
L’impasse se confirme bien que les Arabes aient accordé à
Israël, lors de la réunion de la Ligue arabe, un délai d’un mois
pour le gel des colonies. Ils donnent l’impression de ne pas
avoir beaucoup de choix.
Les
pays arabes ont fait preuve d’un maximum de patience. C’est ce
que relèvent de nombreux analystes, tentant d’expliquer leur
prise de position. En effet, s’ils ont apporté un soutien ferme
au président palestinien Mahmoud Abbass qui refuse de négocier
avec Israël à l’ombre de la colonisation, ils ont décidé de
donner un délai d’un mois à Israël pour prolonger le moratoire
sur la construction de colonies dans les territoires
palestiniens occupés. Ils tentent d’éviter une faillite d’un
processus de paix dont les perspectives de survie deviennent de
plus en plus faibles, une position saluée par le médiateur
américain. En fait, les Arabes, du moins les pays dits modérés
comme l’Egypte, la Jordanie et l’Arabie saoudite, veulent donner
toutes les chances à leur allié américain qui tente à tout prix
de faire preuve d’une volonté de parvenir à la paix sans
toutefois porter atteinte aux intérêts d’un Israël récalcitrant
et dont on connaît peu les réelles intentions. L’Etat hébreu, on
le voit, adopte, de son côté, une attitude de plus en plus
agressive, se sentant sûr de lui-même. Il s’arme idéologiquement
d’une vision très maximaliste du sionisme et on a vu ainsi le
premier ministre, Benyamin Netanyahu, adopter le projet de
nouveau serment pour les candidats à la citoyenneté israélienne
qui devront prêter un serment d’allégeance à « Israël, Etat juif
et démocratique, en vertu d’un projet d’amendement à la loi sur
la citoyenneté de 1950 » (lire page 5) à l’heure où les
différentes tractations pour sauver le processus de paix se
trouvaient dans un véritable goulet d’étranglement. De quoi
représenter un vrai défi. Et même lorsque les Arabes ont fait
preuve de retenue en reportant d’un mois leur décision, il n’a
même pas fait de commentaire. Que veut donc Israël ? Selon le
chercher Gomaa Khamis, directeur de rédaction du journal Al-Qods,
« il est évident qu’Israël veut parvenir à la paix mais selon sa
propre formule. Il veut en même temps maintenir ses activités de
colonisation tout en restant à la table des négociations avec
les Palestiniens. D’une part, il s’ancre dans la terre à travers
les colonies et d’autre part, il tente d’améliorer l’image de
marque d’un Israël qui œuvre pour la paix ». Netanyahu, en
effet, veut démontrer que c’est lui qui veut et qui insiste que
les négociations se poursuivent pour maintenir l’image d’un
homme qui veut la paix. « Les deux dernières années, Israël a
consacré 500 millions de dollars pour améliorer son image de
marque », a ajouté Khamis.
De toute façon, Tel-Aviv semblait être sûr que les Arabes
n’allaient pas faire marche arrière en dépit des déclarations du
président palestinien Mahmoud Abbass. Du moins ils ne prendront
pas de position contre Israël, si ce n’est pour ménager les
Etats-Unis.
D’ailleurs, un proche du premier ministre Benyamin Netanyahu,
cité par la radio israélienne, s’est félicité que la porte des
négociations n’avait pas été fermée définitivement, estimant que
« le pragmatisme l’a emporté ».
Le Département d’Etat a dit apprécier le soutien arabe aux «
efforts (américains) visant à créer les conditions qui
permettront des discussions directes pour aller de l’avant ». «
Nous continuerons à œuvrer (...) pour faire progresser les
négociations afin de parvenir à la solution de deux Etats ».
La position arabe refléterait la
réalité de ce monde. « Les Arabes n’ont pas d’alternative, ce
qui les oblige à adopter ce genre d’attitude. Ce n’est pas une
question d’un mois, de quatre ou même de dix ». Ainsi, on a vu
que les Arabes, tout en apportant leur soutien à la position de
Abbass, ont compté sur les efforts américains pour parvenir à un
compromis qui permettrait une relance des négociations de paix.
Mais tout porte à croire que Tel-Aviv est la partie forte.
D’ailleurs, les Etats-Unis ont offert des « incitations » à
Israël en échange d’un gel de la colonisation, selon
l’ambassadeur d’Israël à Washington. Donc aller mollo. C’est ce
que les Arabes peuvent faire. Il n’y a pas d’alternative. « On
dirait qu’ils mendient la paix, tandis que l’autre partie ne
veut arriver à rien. Si les négociations s’arrêtent, que feront
les Arabes ? Rien », estime Khamis. Il faut une attitude et une
prestation politique différente et plus énergique. Mais c’est le
jeu des intérêts et du pragmatisme qui règne. Aucun Etat arabe
ne voudra assumer la responsabilité d’une telle décision. « A
titre d’exemple le fait que les Palestiniens négocient seuls
sauve la Jordanie d’être une patrie de remplacement »,
poursuit-il. Ces négociations, dès le départ et telles que
proposées par l’Amérique, ont alterné entre échec et solution
transitoire à long terme. Mais l’ombre de l’échec est celle qui
plane le plus.
Recours à l’Onu
Et même les Nations-Unies et le
Conseil de sécurité ne servent plus de cartes pour les Arabes.
Lorsqu’ils ont présenté une demande au Conseil de sécurité pour
le gel des colonies, ils n’ont pas pu réussir. Ce que Israël
sait. S’il avait le moindre doute qu’une résolution pareille
serait votée, « il n’aurait pas fait preuve de tant d’abus »,
dit le spécialiste. D’ailleurs, Le Caire en est conscient.
Ainsi, le ministre égyptien des Affaires étrangères, Ahmad Aboul-Gheit,
a précisé qu’un recours au Conseil de sécurité pour demander la
proclamation d’un Etat palestinien n’était « pas à l’ordre du
jour ». « Ce qui est envisagé actuellement, c’est de permettre
aux Etats-Unis de poursuivre leurs efforts pour parvenir à un
gel total de la colonisation », a-t-il dit. Si dans un mois, la
situation est toujours bloquée, le comité arabe « se réunira de
nouveau et M. Abbass exposera les alternatives (...) ».
Mais de plus en plus, il semble
que la solution de rechange pour les Palestiniens est celle
unilatérale. Les Palestiniens envisagent de plus en plus
sérieusement des solutions unilatérales comme alternatives à un
processus de paix avec Israël qui, en près de vingt ans, ne les
a guère rapprochés de leur rêve d’obtenir un Etat, selon des
spécialistes. Le dirigeant palestinien Mahmoud Abbass a évoqué
dans un discours vendredi, lors de la réunion arabe à Syrte
(Libye), des alternatives aux négociations, bloquées par le
différend sur la poursuite de la colonisation juive en
Cisjordanie occupée. Ainsi, le président palestinien a exposé
plusieurs options : demander à Washington de reconnaître un Etat
palestinien dans les frontières de 1967, recourir à cette fin au
Conseil de sécurité de l’Onu, ou proposer à l’Assemblée générale
de l’Onu le placement des territoires occupés sous tutelle
internationale. « Après plus de 19 ans, depuis la conférence de
paix de Madrid en 1991, les pourparlers avec Israël n’ont abouti
à rien », a déclaré à l’AFP un des négociateurs palestiniens,
Mohamad Chtayyeh. « Cela n’a pas de sens pour les Palestiniens
de continuer à attendre la conjonction d’un gouvernement
israélien qui veut la paix et d’une administration américaine
qui soit capable de faire pression sur Israël. L’expérience
montre que cela ne se produira pas », a affirmé M. Chtayyeh. «
Cela n’a pas de sens non plus de laisser à l’occupant
(israélien) le soin de mettre fin à l’occupation », a-t-il
ajouté.
Au début des actuels pourparlers
en septembre, le principal négociateur palestinien, Saëb Erakat,
en avait également dramatisé l’enjeu, prévenant que l’Autorité
risquait de disparaître au profit des islamistes radicaux du
Hamas en cas de nouvel échec.
D’ailleurs, l’Europe soutient un
tel recours à l’Onu.
Le ministre français des
Affaires étrangères, Bernard Kouchner, a affirmé que « Paris
n’excluait pas un examen par le Conseil de sécurité de la
création d’un Etat palestinien, en cas d’impasse prolongée »,
dans une interview publiée dimanche.
« La création d’un Etat
palestinien est le gage d’un avenir de paix. Il doit procéder
des négociations bilatérales », a déclaré M. Kouchner au
quotidien palestinien Al-Ayam, alors que le chef de la
diplomatie française est attendu avec son homologue espagnol,
Miguel Angel Moratinos, en Israël et dans les territoires
palestiniens.
En conséquence, est-ce à
l’Amérique de jouer ? A d’autres puissances comme l’Europe d’y
contribuer ? Les véritables acteurs sur la scène se trouvent
dans une position d’inégalité. L’arbitre américain, peut-on
craindre qu’il ne soit pas très équitable dans la majorité des
cas et l’Onu pourra-t-elle être efficace ?.
Droits de reproduction et de diffusion réservés. ©
AL-AHRAM Hebdo
Publié
le 13 octobre 2010 avec l'aimable autorisation de AL-AHRAM Hebdo
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