Opinion
Egypte : un frère
au Pouvoir ?
Ahmed
Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Mercredi 27 juin 2012
De tout
point de vue, les Frères musulmans ne
sont pas des révolutionnaires, pourtant
ils profitent de l'actualité agitée. A
ce propos, on pourrait qualifier de
drôle le dénouement de la révolution
démocratique égyptienne. En partant,
bien sûr, des canons dominants que
brandissaient les cyberactivistes,
montés en vedettes par les médias, lors
de la fièvre «printanière». Voilà donc
un Frère président, alors que ses
camarades étaient hostiles à la place
Tahrir qui travaillait, contre les
balles assassines, à faire tomber Hosni
Moubarak. Mohammed Morsi, qui avait
fustigé les jeunes insurgés, cueille le
fruit de leur sacrifice. Mais, qu'à cela
ne tienne, un processus est lancé, qui
va élargir la rupture avec l'ordre
ancien. Car, même si la moitié des
Egyptiens n'a pas voté, l'événement qui
vient de se produire constitue une
victoire populaire considérable et
devrait, selon toute vraisemblance,
renforcer la dynamique révolutionnaire.
Peu importe, dans ce contexte en
mouvement, que ce soit l'une des
fractions les plus rétrogrades de la
bourgeoisie égyptienne qui récolte
l'arithmétique électorale, l'essentiel
est dans l'affaiblissement du système de
pouvoir et son abandon, à plusieurs
égards, d'une part significative de son
autorité. D'ailleurs, les tractations
entre le Conseil supérieur des forces
armées (CSFA) et la confrérie des Frères
musulmans, qui ont débuté dès les
premiers troubles et dès les premières
manifestations, vont s'intensifier pour
établir un modus vivendi préférable à
l'effondrement de l'Etat. L'un des
points du discours du nouveau Président
a porté sur ce principe. Les Frères à la
vitrine et à l'idéologie, l'armée au
pouvoir réel. C'est ce partage des
tâches qui est en voie de s'accomplir et
qui risque d'aboutir si la rue désarme
et si le potentiel de la révolte se
délite. Ce qui est rien de moins sûr,
quand on sait que la force de la
révolution se puise, non dans les
slogans des blogueurs, mais dans les
insupportables conditions de vie de
dizaines de millions d'Egyptiens, que le
modèle économique du pays ne peut
qu'aggraver, dans une conjoncture
mondiale des plus troublées. Les
militaires et les Frères en sont
conscients et ont démontré qu'ils
savaient ranger leurs divergences devant
ce qui est fondamental et malgré les
incertitudes qui pèsent sur la forme que
prendra le consensus, sur le pouvoir
législatif ou sur les prérogatives de la
présidence, il est quasiment certain que
tout sera fait pour préserver les
fragiles équilibres d'une société qui
n'en peut plus d'absorber la pression
sociale. Cela ne sera pas du tout une
tâche aisée à réaliser, le
bouillonnement en cours n'en est qu'à
ses prémices et il est en train d'enfler
et d'évoluer qualitativement, en gagnant
en degré d'organisation. Tout va donc
reposer sur la capacité populaire à
sécréter une alternative efficace, en
prévision d'une contre offensive
inévitable qui visera à juguler la
contestation, à rétablir l'ordre
nécessaire à la reprise des affaires et
à assurer une reprise en main du pays.
C'est à partir de ces éventualités qu'il
nous faudra observer les prochaines
échéances de la scène politique
égyptienne.
Article publié sur
Les Débats
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