Opinion
Tunisie : la
montée des périls
Ahmed
Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Mardi 27 mars 2012
Ignorant peut-être la nature de la
dynamique qui s'était mise en place,
grisés par le " jasmin " d'un "
printemps " virtuel, tout est à refaire,
doivent se dire ceux qui ont marché,
euphoriques, le 20 mars lors de la fête
de l'indépendance de la Tunisie.
Pourtant, ils étaient rentrés chez eux,
heureux et soulagés de ce qu'ils ont
fait, avec un goût de victoire en prime.
Et puis, c'était si réconfortant de se
sentir au chaud parmi autant de monde
qui pensait pareil. Tout y était, la
joie des retrouvailles et la certitude
de la force. En face, croyait-on, on
allait recevoir le message. La Tunisie
donnait la " preuve " de sa sécularité,
pensait-on, à longueur d'analyses
enthousiastes et d'articles enflammés.
Oui, le message a été bien reçu,
puisqu'en face on remet ça, pour
démontrer que la " modernité " n'est pas
si partagée qu'on le dit et pour
informer que " l'application de la
charia est une obligation et non un
simple slogan ". En clair, entre les
deux Tunisie est en train de s'élever le
mur de toutes les inimitiés et de toutes
les haines. A chacun sa révolution,
c'est ce qui est en train de se
produire. Il y en a qui ont cru qu'elle
était finie avec le spectacle de la
fuite de Zine El Abidine Ben Ali, comme
le leur ont dit les médias et les gens
du G8, dont on comprend, après coup,
qu'ils ne mettront pas un sou. Il y en a
d'autres qui ont toujours su que la
révolution sera accomplie quand ce pour
quoi ils se sont insurgés aura cessé
d'être et il y a les islamistes qui ne
veulent pas manquer de réaliser ce qui
leur a valu de se faire réprimer. En
tout état de cause on est bien loin de
cet élan unitaire qui semblait plein de
promesses. Malgré les entourloupes
FMIstes de Béji Caïd Essebsi, continuées
par Ennahda et ses alliés. Désormais,
les problèmes réels des Tunisiens seront
peut-être noyés dans le vacarme des
slogans idéologiques. Et pour peu que la
violence s'installe, comme cela semble
se profiler, bien malin sera celui qui
pourra en prévoir les contours, tant les
conditions de vie sans désastreuses. Car
la " modernité " a un coût qui est
ignoré par ses promoteurs. Un coût qui
fait qu'elle n'est pas accessible à qui
voudrait, comme ses partisans veulent le
faire admettre. Sachant que la majorité
des Tunisiens est beaucoup plus
préoccupée par un quotidien difficile,
il sera ardu de les convaincre qu'il
existe un mode de vie à des lieues de
leurs rêves les plus fous. Là où ils
vivent les libertés chantées n'ont pas
un soupçon de place et les appeler
contre les idées " rétrogrades " c'est
faire preuve d'une méconnaissance crasse
des références socioculturelles de ceux
qui n'ont accès ni aux débats vaporeux
des salons, ni, encore moins, aux "
lumières" de la philosophie iconoclaste.
Restent les porteurs d'autres discours,
qui collent à la vie, à la vérité des
choses, aux douleurs des jours sans le
sou et aux drames de l'exclusion.
Ceux-là qui ne parlent ni de modernité,
ni de mode de vie, seulement d'assurer
une existence digne, bien matérielle, à
ceux dont le minimum des droits n'est
pas assuré : du travail, un toit, la
santé…
Article publié sur
Les Débats
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