Opinion
Tunisie : derrière
la crise
Ahmed
Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Lundi 18 février
2013
Rached Ghanouchi peut légitimement convoquer
une contre-manifestation pour se
défendre contre ses adversaires. Mais,
la démocratie ne doit pas servir qu'à
cela. Le mieux aurait été que le
gouvernement que dirige son parti,
explique aux Tunisiens le programme
qu'il est en train de mettre en œuvre.
Un gouvernement qui, de surcroît, a
largement dépassé la durée du mandat qui
lui a été fixé et qui doit plutôt se
préparer aux élections qui auraient déjà
dû se tenir. Le programme en question
pourrait être comparé à celui qui a été
proposé aux électeurs. Car il semble
bien qu'il ne lui ressemble pas du tout,
puisque c'est celui qui a été imposé à
la Tunisie lors du sommet du G8, qui
s'est tenu à Deauville, les 26 et 27 Mai
2011, sous le doux nom de " Plan Jasmin
". Preuve en est qu'en décembre 2012,
Hamadi Jebali, le premier ministre,
s'inquiétait de ne rien voir venir des
promesses faites à Béji Caïd Essebsi,
son prédécesseur, alors que son équipe
faisait tout ce qu'il fallait dans le
sens des directives qui ont été données.
Mais M.Ghanouchi n'osera pas mettre sur
la table ce qui a été concocté en
catimini. D'autant que chez les Frères,
il y a un principe cardinal qui exclut
la masse de la décision, prérogative
sacrée des " «sachants». De plus, en le
faisant, il avouera que rien n'aura
«changé» " entre le règne de Zine Eddine
Ben Ali et celui de son mouvement, sauf
l'ouverture politique qui permet à ses
troupes de s'attaquer aux libertés
"impies" et de s'atteler à
l'instauration de l'ordre nahdhaoui. La
contre- manifestation fait donc bien
partie du refus de débattre de quoi que
ce soit, et ses mots d'ordre
interpellent sur la conception que se
fait Ennahda de l'alternance au pouvoir.
Le fait est que, au lieu d'être dans ses
petits souliers et de s'excuser des
"reports" et autres "retards" qui
affectent la rédaction de la
Constitution, les Frères se posent comme
les représentants "légaux" du peuple,
comprendre qu'ils ont toute latitude de
faire ce que bon leur semble,
s'approprient la "révolu- tion", et
accusent la contestation populaire
d'être une déstabilisation orchestrée
par les agents de l'ancien régime. En
droite ligne de cette dynamique, les
appels à un Front islamiste ne peuvent
pas ne pas être vécus comme une
préparation à l'affrontement. Ce ne sera
plus les forces classiques de la
répression qui vont affronter le
mécontentement. Le front social se sera
transformé en conflit politique, ouvrant
la voie à l'intervention des milices des
Frères, certainement ces "Ligues de
protection de la révolution" ou d'autres
similaires. Derrière l'agitation, pourra
se réaliser le plan d'ajustement
structurel, qui peut être confié à des
technocrates et la négociation d'un
"accord de partenariat privilégié" avec
l'Union européenne, pourra aboutir,
tandis que l'insécurité et la violence
tétaniseront toute velléité de remise en
cause, en devenant une priorité pour les
populations. Cette hypothèse pessimiste
aura beaucoup de chance d'être avérée,
si la crise actuelle ne débouche pas
rapidement sur un rétablissement du
processus initié en janvier 2011, avec
l'organisation rapprochée d'élections
générales.
Article
publié sur
Les Débats
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