Opinion
Egypte : le poker
étatsunien
Ahmed Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Lundi 15 juillet 2013
Il est de
notoriété publique que les dirigeants
des Etats-Unis croyaient avoir la
formule idéale pour gérer les Arabes et
assimilés. Ils avaient trouvé les Frères
musulmans qui présentent, à merveille,
toutes les qualités requises. A savoir,
leur anti-communisme-socialisme primaire
et épidermique, leur allergie aux
nationalistes et leur engagement
militant pour le démantèlement de tous
les obstacles à la libre-entreprise. Et
pour agrémenter le tout, les Frères se
sont avérés être des atlantistes zélés.
Devançant parfois l'appel. La question
semblait donc réglée, pour longtemps.
Mais le peuple égyptien a fait voler en
éclat ce rêve idyllique d'une région
mise en coupe réglée. Ce qui constitue
un drame à la mesure du risque d'une
sérieuse mise à mal de l'hégémonie,
laborieusement établie depuis la chute
de la bureaucratie soviétique en Russie
et en Europe de l'Est. La chute de
Mohammed Morsi fut donc accueillie dans
une certaine panique. Mais voilà qu'un
petit espoir se pointe à l'horizon des
possibles. Les Frères, qui refusent
l'affront populaire, ont démontré qu'ils
avaient, eux-aussi, des troupes qui
pouvaient occuper la scène publique,
aidées en cela, pour la propagande, par
Aljazeera et quelques chaînes proches de
la Confrérie ou dirigée par elle. Depuis
le 5 juillet, les manifestants dits pro-Morsi
ne baissent pas leur mobilisation, très
radicaux, ils crient à l'Etat islamique
qu'ils identifient pour le moment à leur
ex- président. Le fait qu'ils tiennent,
a revigoré la Maison-Blanche qui se
réinvestit dans la bataille contre le
coup d'état de l'armée égyptienne. En
réalité contre le mouvement populaire
Tamarod. La porte-parole du département
d'Etat, Jennifer Psaki, demande
publiquement la libération de Morsi, en
s'appuyant sur une requête de
l'Allemagne qui a, opportunément,
devancé les Etats-Unis. Maître en
perfidie, ils ont ce savoir-faire qui
vous laisse désarmés. Ils apportent un
soutien " innocent " aux Frères, en
rejoignant leur revendication. Une
donnée qui va peser dans le bras de fer
qui met au prise les Frères d'une part,
et Tamarod et l'armée de l'autre. Car
l'implication de Washington vient
apporter un second souffle, même s'il
n'est pas encore question de réinvestir
Morsi dans son poste. Dans la foulée, il
serait étonnant qu'une cascade de "
demandes " de ce type ne se produise qui
confortera le sentiment des
protestataires. Le temps que durera ce
jeu ne dépend que de la ténacité des
Frères et du souffle de leurs troupes,
boostées par le clin d'œil étatsunien.
Ainsi dans un complexe parti d'équilibre
l'establishment va jouer sur deux
tableaux, préserver les Frères sinon les
renforcer, sans compromettre l'espoir
que l'armée finira, d'une façon ou d'une
autre, par neutraliser la fronde
populaire anti-impérialiste. Afin de ne
rien compromettre, étant donné le
caractère imprévisible de cette Egypte,
qui a déjoué pas mal de pronostics de
ces Think-Tanks, pourtant réputés
perspicaces. Quant aux Arabes qui ont
leur guéguerre, quand même, ils semblent
plus assurés de la situation. Le Qatar a
misé sur les Frères et, de toute
évidence, perdu. L'Arabie Saoudite, les
Emirats et le Koweït se frottent les
mains. Ils vont déverser 12 milliards de
dollars, contre les Frères. Le parti
Nour n'a pas rejoint le camp anti-Frères
pour rien.
Article publié sur
Les Débats
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