Opinion
14 juillet : la
liberté confisquée
Ahmed Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Dimanche 14 juillet 2013
Il y a 224
ans, jour pour jour, le 14 juillet 1789,
le peuple de France est monté à l'assaut
de la monarchie, de l'aristocratie et du
clergé qui le pressuraient. En ce temps
là, il n'a pas fait attention à ceux
qu'on appelait déjà les bourgeois, ils
ont investi ses rangs et semblaient
demander la même chose, au moins se
débarrasser des mêmes ennemis. Il n'a
pas fait attention parce qu'ils ont
adopté la devise triptyque
«liberté-égalité-fraternité» et parce
que l'ordre en vigueur en faisait des
roturiers, des parias du tiers-Etat. De
plus fut promulguée, le 26 août, la
«déclaration des droits de l'homme et du
citoyen» qui sonnait bien dans ses mots,
comparativement à l'insulte féodale
qu'ils ont définitivement fait taire. Le
pouvoir du roi, de ses vassaux et celui
des curés aboli, les choses ont commencé
à se mettre en place. La Constitution de
1791 reconduit le suffrage censitaire,
basé sur l'exclusion des pauvres. La
même année, la loi Le Chapelier instaure
l'interdiction d'association ou de
coalition de travailleurs de même
métier. La bourgeoisie se protégeait de
ce que seront les syndicats plus tard.
Le peuple n'avait pas vu que l'article
premier de la déclaration conditionne
l'égalité par «l'utilité sociale»,
c'est-à-dire la richesse qui «paie
l'impôt». Jean-Paul Marat, dans L'Ami du
peuple , avait vu le drame qui
s'annonçait à travers la trahison qui se
concrétisait. Il écrivait : «Ainsi, la
représentation devenue proportionnelle à
la contribution directe remettra
l'empire entre les mains des riches». Il
a eu raison et sera assassiné, et les
Français durent finir par le comprendre
et se révolter, au prix de dizaines de
milliers de morts, au cours de son
histoire. Ils réussirent, ce faisant, au
cours de courtes périodes à faire en
sorte que la férocité de la prédation
soit moins lourde à supporter et que le
pouvoir des riches prenne des formes
moins brutales et plus complexes et plus
sophistiquées, au point qu'il soit
devenu moins visible. Mais le peuple n'a
pas encore fini de ruminer sur la devise
qui barre les frontons des édifices
publics, surtout quand sa
«liberté» de travailler s'avère avoir
moins de droit que la liberté du patron
à licencier, parce qu'il ne fait pas
assez de profit. Parfois, le peuple a
l'illusion d'avoir gagné, en élisant un
président ou un gouvernement de
«gauche». Il en a seulement l'illusion,
car ses élus ne lui disent jamais, après
coup, ce que François Mitterrand a dit à
sa femme Danielle, soit «qu'il n'avait
pas le pouvoir d'affronter la Banque
mondiale, le capitalisme, le
néolibéralisme. Qu'il avait gagné un
gouvernement, mais non pas le pouvoir».
Et l'illusion a continué avec François
Hollande qui a servi le miel qu'il
fallait pour être élu, alors qu'il se
préparait à réaliser le seul programme
des banques. Peut-être que, cette
fois-ci, un bilan populaire va être
fait. Puisque partout commence à ce
poser la question sur cette «démocratie»
qui ne sert plus à grand-chose qu'à
placer des gens qui sont au service de
tout, sauf de ceux pour quoi ils ont été
élus.
Article publié sur
Les Débats
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