Opinion
Les Etats-Unis
peuvent-ils tout ?
Ahmed Halfaoui
© Ahmed Halfaoui
Lundi 12 août 2013
Il doit s'en
bousculer des choses dans la tête des
stratèges étatsuniens devant le flop de
leurs prévisions, chez les Arabes et
assimilés, en attendant que les
soubresauts de la rue européenne
atteignent la magnitude du séisme qui a
affecté l'Amérique du Sud. Ils auront
tout essayé, les stratèges, pour assurer
l'expansion du système prédateur ou, au
moins, son maintien. Des années durant,
ils ont essayé les dictatures sanglantes
pour abattre la moindre velléité de
révolte. Ils ont assassiné la fine fleur
des mouvements populaires au Chili, en
Argentine, au Pérou, en Equateur et
partout où pouvait se profiler une
menace contre l'ordre capitaliste. Ils
l'ont fait sans comprendre que c'est
l'ordre lui-même qui produit et qui
produira, tant qu'il existera, des
insurgés qui refusent et qui refuseront
de se soumettre. En ce temps là c'était
la lutte contre le communisme qui
prévalait et la "chasse aux sorcières"
aux Etats-Unis trouvait ses
prolongements dans les coups d'Etats ou
dans les interventions militaires
directes, quand les fantôches ou les
tyranneaux ne pouvaient seuls résister à
la furia de leurs peuples. Puis est venu
le temps de la "démocratisation", sans
crier gare. Le nouveau modus operandi
repose sur la provocation de
contre-révolution ou sur le contrôle de
celles qui ont devancé l'appel. L'Europe
de l'Est a été, à cet égard, un champ
d'expériences aux résultats qui sont
allés au-delà des espérances les plus
folles. Du moins jusqu'à présent. Les
anciennes "démocraties populaires" ont
presque toutes versés dans la
"démocratie de marché". L'implémentation
de la méthode s'est faite parallèlement
en Afrique, en particulier, et dans le
monde en général. Sous couvert de
soutien à la société civile, en tant que
mesure d'accompagnement des "plans
d'ajustement structurel", les officines
des services secrets étatsuniens,
déguisées en associations civiles,
formaient, organisaient et financaient
les "activistes" des "révolutions"
planifiées. Deux réussites, en Afrique,
sont à l'actif de la démarche. La Côte
d'Ivoire et la Libye, aidées par gros de
pouce de la force brutale. Ailleurs,
soit la mixture n'a pas fonctionné, soit
les peuples n'ont pas obéi au scénario
souhaité, comme en Tunisie ou en Egypte.
Deux peuples qui posent de sérieux
problèmes pour l'avenir. Pis, non
seulement ils développent leur dynamique
propre, mais ont pris conscience de
l'unité d'action qu'il pourrait y avoir
entre les pouvoirs "issus des
révolutions" et Washington. Les
Egyptiens surtout expriment un rejet
épidermique de l'ingérence étatsunienne,
quand ils ne recourrent pas à la menace
ouverte contre les tentatives
d'intercession dans le conflit qui
opposent le mouvement populaire aux
Frères musulmans. Une nouvelle ère s'est
donc ouverte quoique puissent encore en
penser certains convaincus de la toute
puissance de l'influence des Etats-Unis
sur les affaires du monde. Si ces
derniers ont "lâché" Hosni Moubarak,
c'est qu'ils n'y pouvaient rien, s'ils
ont "lâché" Mohamed Morsi c'est qu'ils
n'y pouvaient rien, et s'ils assistent
impuissants à la dégringolade des Frères
musulmans, c'est toujours parce qu'ils
n'y peuvent rien. En plus clair, ils ne
pouvaient et ne peuvent plus demander
aux forces armées de contrer la
formidable lame de fond populaire qui,
de plus, a pris conscience et de sa
force et des enjeux.
Article publié sur
Les Débats
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