Opinion
La «légalité»
au-dessus du peuple
Ahmed Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Jeudi 4 juillet 2013
Que représente une Constitution quand
un peuple quasi unanime n'en fait plus
cas pour exiger d'être écouté ? Même
s'il l'a lue, comme il peut être admis,
puisqu'il l'aurait votée en toute
connaissance de cause. Eh bien, il
arrive que certains pouvoirs ignorent la
signification des révolutions qui, par
définition, se rient des textes. Celui
des Frères égyptiens semble être de
ceux-là. Il a rameuté ses partisans dans
un ultime sursaut, destiné à défier le
cours de l'Histoire. Inconscience ou
irresponsabilité, Mohamed Morsi ne
réalise pas que même l'instrument
traditionnel de la " Constitution ",
l'armée, s'est placée de l'autre côté de
la barricade et ses ministres ont
démissionné en cascade. Même les
Etats-Unis ont changé d'avis et par la
voix de leur chef de la diplomatie, dans
des mots sibyllins, lui ont dit : " Il
est important d'écouter le peuple
d'Egypte ". Il s'est accroché à sa "
légalité ", envers et contre tout, au
risque de pousser ses troupes dans un
tourbillon de violence, en s'engageant à
donner son sang. Ainsi, ce sera l'armée
qui va prendre les choses en main.
L'enjeu pour elle, est de jouer son rôle
de " préservation des institutions ", ce
qu'elle va faire. Ceci dit, se pose la
question de savoir ce que va y gagner la
population insurgée. Avec la destitution
du Frère président, ce sera les
militaires qui vont diriger le pays. Le
scénario n'est pas difficile à imaginer.
Comme il en a été en 2011, ce ne sera
pas des comités populaires qui seront
conviés à la décision. Sortiront du
chapeau des " personnalités " qui
assureront la transition. Auparavant les
millions de manifestants seront rentrés
chez-eux, heureux d'avoir participé à
l'événement, pour attendre ensuite les
élections, sans trop s'intéresser à qui
vont les organiser et à la façon dont
des figures vont émerger pour que les
gens votent pour elles. L'essentiel
étant que tout soit réduit à une
équation d'une simplicité confortable.
Le départ de Morsi, seule variable
retenue à l'exclusion de toutes les
autres, secondarisées ou carrément
occultées. Une partie des Egyptiens aura
gagné dans tous les cas d'espèces. Celle
dont la mainmise religieuse dérangeait
au plus haut point le mode vie et les
libertés onéreuses. La majorité
écrasante oubliera vite les turpitudes
du Frère raïs, en se rendant compte que
rien n'aura changé au fond, que le
quotidien sera fait des mêmes
préoccupations, des mêmes angoisses
économiques et sociales. Sauf, si par
miracle, les entourloupes déjà à l'œuvre
ne font pas leur œuvre et que pourra
émerger une direction politique à
l'écoute des drames humains que vit
l'essentiel du mouvement qui a mis bas
les Frères. Sauf si les prédateurs, qui
sont sur la brèche et ne restent pas les
mains croisées, ne trouvent pas de
relais pour réimposer leurs " réformes "
et leurs " mode de gouvernance
économique ". Pour cela, une seule
condition. Les mois de mobilisation et
l'extraordinaire communion de ces
derniers jours, auront servi à
comprendre au mieux, au-delà de la
problématique des Frères, celle d'un
système qui ne laisse pas de place à
l'humain et qui repose sur une "légalité
au-dessus du peuple".
Article publié sur
Les Débats
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