Opinion
Lettre à Yosri
Ahmed Amri
Samedi 16 juillet
2011 Il aimait Roger Milla, Samuel Eto'o,
Christiano Ronaldo, Alan Shearer,
Bobby Charlton, Ally McCoist, entre
autres maillots numéro 9. Et puis
un jour, sans prévenir, sur un tapis
volant il a fugué vers l'Irak, pays des
Mille et une nuits. Et là au milieu de
l'enfer, presque orphelin, presque le
môme de Bagdad, il n'avait pas beaucoup
de choix. Sitôt débarqué, il a dû
troquer son tapis volant contre une arme
à feu. Être de ce camp-ci, de l'autre,
un Rambo, un Abou Kodama, un lambeau de
chair dans les corps déchiquetés: quel
que soit le camp qui l'eût choisi, même
si l'enfer ne se prête ni au jeu de la
candeur ni aux présomptions d'innocence,
c'est surtout Gavroche qui lui aurait le
mieux réussi.
Cher Yosri,
Quand, fin juin 2006, j'ai appris qu'un
groupe de terroristes comprenant un
jeune compatriote surnommé
Abou
Kodama le Tunisien a été arrêté
en Irak, je n'ai pas trop fait attention
à la nouvelle. Pour te dire la vérité,
les attentats de chaque jour, rivalisant
de
sensationnel et de punch
avec la fiction, les échos des
nouvelles d'explosions que nous
transmettaient inlassablement les
médias, les images de morts -à
l'unité et en vrac- qui nous
pourchassaient sur tout écran ou toute
page citant Bagdad, Kaboul, Islamabad,
entre autres cibles privilégiées des
Escadrons de la mort, ne nous
laissaient guère le temps pour nous
préoccuper de l'arrestation de
Abou
Kodama
le
Tunisien ou de son sort.
Peut-être m'en voudras-tu si je te dis:
je me sentais plus proche des lambeaux
humains déchiquetés sur l'autel du
terrorisme. J'étais davantage préoccupé
par le souci de voir un jour endiguée
cette absurde effusion de sang,
davantage sensible aux voix appelant à
épargner la vie des
innocents. Que ce soit dans les
zones chaudes de notre Orient ou
ailleurs. Tels soucis ne me donnaient
pas le loisir de m'enquérir sur ce
compatriote arrêté en Irak. Et puis ce
compatriote arrêté en Irak, tout compte
fait, quoique je ne l'aie jamais vu ni
connu, est un
terroriste! Comme l'attestent la
télé, le sang des innocents, les
évocations assez connotées de son nom de
guerre...
Et la moindre sympathie à son égard,
objectivement parlant, serait une
bénédiction du terrorisme.
Abou Kodama le Tunisien, membre
d'Al-Qaïda, dynamiteur du mausolée
chiite de Samarra et meurtrier de la
journaliste et femme de lettres
Atwar Bahjat(1): voilà en gros,
cher Yosri, l'image qu’on se faisait de
toi en 2006. Il n'y avait pas de quoi se
flatter que Abou Kodama soit tunisien.
Il va sans dire que le black-out
médiatique où la Tunisie tenait bien
haut son rang au nom de la lutte contre
le terrorisme, entre autres facteurs, ne
permettait pas de dégrossir le
moindrement ce profil. Qu’on disait
seulement Abou Kodama, et Ossama,
la
lèpre! surgissait immédiatement
au premier ou en arrière-plan. Et le
principe censé cher au droit universel,
stipulant que tout accusé est présumé
innocent jusqu'à preuve du contraire,
dans ton cas précis ne pouvait que se
pervertir, s'invertir même pour devenir:
cet
accusé-là est coupable, nonobstant
preuve du contraire.
Dans les procès qu'on t'a faits, ceux de
la presse et ceux de l'opinion publique,
c’est tel principe introverti et
perverti qui a prévalu. Et même les
tribunaux irakiens, les magistrats qui
t'avaient jugé, présumés au dessus de
tout parti pris, probes et impartiaux ne
s’étaient pas écartés d’une telle règle.
Ce
n'est que longtemps après ton
arrestation et ton jugement que,
disposant d'assez d'éléments pour
prendre mes distances avec la version
officielle des faits pour lesquels tu
fus jugé que j'ai pu te voir sous un
autre jour. Au fur et à mesure des
navigations dépistant
Abou
Kodama le Tunisien, j'ai appris
que tu as été jugé surtout pour des
aveux extorqués sous la torture. Et
pire! tu aurais été menacé par tes juges
contre toute tentation de te
rétracter(2).
C'est en 2003, au lendemain de la chute
de Bagdad et du régime de Saddam, que tu
es entré en Irak. Clandestinement par la
frontière irako-syrienne. Et tu n'étais
pas le seul Tunisien à avoir fait telle
incursion. Vous étiez des dizaines de
compatriotes, sous diverses bannières, à
rallier la résistance irakienne (3).
Vous vous êtes battus de façon héroïque
contre l'occupant américain et ses
alliés. Beaucoup sont tombés dans des
attaques menées contre les Américains,
certains dans des opérations-suicides.
Beaucoup aussi ont été arrêtés aux
frontières, dont la plupart refoulés
vers la Tunisie pour y être jugés et
condamnés à de lourdes peines de prison.
Je n'ai pas réussi à trouver une
indication qui confirme ton appartenance
à Al-Qaïda; néanmoins, outre les
motivations nationalistes soutenant ton
engagement, c'est dans ta foi de
musulman que tu puisais surtout la force
de résister. Tu savais qu'en tout moment
tu pouvais mourir ou tomber en
captivité, mais tu n'avais pas d'autre
choix pour soutenir tes frères en Irak.
Tu a participé à de nombreuses
batailles, et des plus féroces, contre
l'occupant. Tu as tué un grand nombre de
soldats américains. Et tout au long des
trois années dans ce parcours de
guérillero harcelant l'armée ennemie,
toi et tes camarades avez semé la
terreur dans les rangs des forces
d'occupation. Et de ceux qui sont entrés
à Bagdad sur les chars américains(4).
Jusqu'à
cet été 2006, fin juin plus exactement.
En compagnie de tes
frères d'armes, tu tentais de franchir
un check-point à l'entrée de Dhoulouiyya,
à près de 30 km au nord de Bagdad. Face
à vous, des forces mixtes
irako-américaines, armées jusqu'aux
dents, cela va de soi, mais qui en plus,
selon toute vraisemblance, vous
attendaient(5). Vous a-t-on sommés de
vous rendre et auriez-vous refusé? Vous
a-t-on proposé à tel ou tel moment une
reddition que vous avez déclinée? On
n'en sait rien. Mais si c'était le cas,
on ne dira pas quand même de vous que
vous avez soutenu une gageure et l'avez
perdue. Ou que votre attitude
chevaleresque était insensée. Vous êtes
des fedayins instruits pour vaincre ou
mourir. Il n'y a jamais de perdants dans
votre guerre et votre foi. Et dans cet
ultime combat, tes compagnons et toi, 16
en tout, en avez donné l’illustration.
On ne saura pas le nombre de morts et de
blessés dans les rangs de vos ennemis,
mais dans vos rangs à vous, pour le
moins c'est un carnage. Tes quinze
compagnons sont tous tombés. Vous
aspiriez à la
chahada,
mourir debout, pour nous offrir la
gloire et votre sang de martyrs. Sauf
que ce jour-là, sur les seize candidats
postulant à tel honneur, le destin a élu
15, de diverses nationalités, et
disqualifié un:
Abou Kodama le Tunisien!
Et pourtant ce n'est pas faute d'avoir
sollicité un tel honneur, cher Yosri!
Criblé de balles, sept en tout logées
dans ton corps de Gavroche, tu n'étais
pas moins méritant pour être ainsi
écarté! le fusil entre les mains et
chavirant sous tant de blessures, tu
t'es pourtant dit à part toi:"
Houris
d'Allah, me voilà!
j'atteste qu'il n'est de dieu qu'Allah..."
Et tu as franchi, ou cru franchir vers
l'au-delà cet ultime check-point
si éprouvant.
Dis-moi, Yosri, est-ce parce que tu es
encore
môme,
candide,
que les
houris d'Allah ont délivré leur
ticket de passage à tes quinze
compagnons et refusé d'en fournir un à
toi?
Quand tu pus rouvrir
les yeux et aviser en quel lieu tu te
trouvais, tu as dû songer un moment que
même un martyr est passible du jugement
dernier! Et puis tu as fini par te
rendre à l'évidence que ce n'était pas
le jugement de Dieu qui t'attendait
à la
ligne franchie. Mais celui des
hommes! De ceux qui n'avaient pas songé
que tu pusses avoir besoin d'une balle
de grâce quand ils avaient ramassé,
ensanglanté et inanimé, ton corps de
Gavroche.
Incarcéré dans une prison sous
l'administration américaine, sitôt
rétabli, voire bien avant, tu as été
soumis à la torture. Et les vers qu'on a
dû te tirer du nez ne pouvaient être que
flatteurs pour les bourreaux.
"Signe!" qu'on t'a dit
au terme de ton supplice. Et tu as
signé. Signé que tu es membre
d'Al-Qaïda, que tu agis sous les ordres
de
Haitham al-Badri, que tu es l'auteur
de l'attentat contre le mausolée chiite
et que tu es le meurtrier égorgeur de
Atwar Bahjat. Tu as dû signer aussi
d'autres crimes mais tu ne t'en souviens
plus. Et de toutes façons, dans une
telle géhenne, signer c'est rien face à
tout ce que tu as subi d'atrocités. Que
n’aurais-tu pas dit, avoué, inventé même
et authentifié par ta signature et tes
empreintes digitales, dans une telle
circonstance, pour tempérer l'humeur de
ces messieurs connaissant
sur le
bout des doigts les arts de
l'interrogatoire!(6)
A l'automne 2006, jugé
par
la Central Criminal Court
de Bagdad, tu as beau
clamer ton innocence de tout attentat et
tout crime qui ne soient dirigés
exclusivement contre l'occupant
militaire américain, beau crier que tous
les aveux retenus contre toi t'ont été
extorqués sous la torture, le 10 octobre
tu es condamné à la peine capitale.
Jusqu'à cette date, l'opinion
communément ancrée dans la presse
nationale, du moins celle qui daignait
te consacrer de temps à autre une petite
colonne, plus rarement un encadré, dans
l'espoir de donner un coup de pouce à
ses ventes, est que tu es bel et bien
l'auteur des deux crimes précités. En
bonne logique, seuls de tels
faits
d'armes pouvaient réellement
concorder avec ton nom de guerre, en
l’occurrence saillant, évocateur, dont
les consonances riment inévitablement
avec
Ossama. Cependant, ta famille qui
t'a éduqué dans l'amour et le respect
d'autrui, t'a inculqué les justes
valeurs de l'islam, entre autres
l'indulgence et la tolérance, savait
mieux que personne que la vérité est
tout autre. Cette famille(7) qui
endurait les souffrances depuis
ta
fugue vers l'Irak, qui vivait
dans le supplice depuis qu'elle a appris
ton arrestation, se battait chaque jour
dans ton pays, dans ta ville, dans ton
quartier natal, pour faire valoir à bon
droit la légitimité de ton combat. Et
clamer haut ton innocence dans les
crimes qu'on t'avait indûment
attribuées.
Évidemment, le plaidoyer parental,
par
essence subjectif, ne pouvait
faire contrepoids au discours
médiatique, celui-ci passant pour plus
savant,
objectif,
désintéressé. Du moins chez le
commun des citoyens. Quand bien même la
subjectivité des tiens serait
somme toute relative, ta famille tenant
l'essentiel de ses informations de ton
avocat, irakien et résidant à Bagdad.
Mais quel que soit l'impact des médias à
ton propos, peu à peu la bataille des
tiens a réussi à faire des percées dans
l'opinion publique, ne serait-ce que
dans ta ville natale et dans les milieux
politisés de l'opposition. Puis peu à
peu de nouveaux témoignages venant
directement d'autorités irakiennes
plaidaient à leur tour en ta faveur. Il
y eut d'abord la déclaration du préfet
de Samarra accusant des forces
irakiennes
en uniforme d'avoir commis l'attentat du
saint mausolée. Une telle accusation
venant d'un haut responsable, et chiite,
ne pouvait que réconforter tes
défenseurs. D'autres témoignages ont
suivi, concernant le meurtre de
Atwar Bahjat. Celle-ci aurait été
vue kidnappée par une force encore en
uniforme, suite à son dernier reportage
pour le compte de Al-Arabya. Et on l'a
retrouvée morte le lendemain aux
environs de Samarra. Quoiqu'il ait fallu
attendre le 4 août 2009 pour arrêter son
meurtrier, un nommé Yasser Ali
appartenant aux commandos de la police
irakienne,
l'aveu de ce dernier devait te
blanchir enfin des deux crimes ayant
fait le poids dans la sentence de la
peine capitale.
Fin janvier 2007, temps fort dans la vie
des tiens, inoubliable moment pour tes
parents dont le calvaire n'est pas
moindre que le tien.
C'était invraisemblable, presque
féerique. Le téléphone qui sonnait dans
leur maison, à Sfax, décroché, leur fit
entendre une voix qui leur semblait
revenir de l'autre monde. Et
effectivement, cette voix-là revenait de
l'autre
monde, tant le premier effet,
poignant, inouï, a dû les étourdir. Le
timbre, les inflexions ont dû changer un
peu, s'imprégnant à la fois de la forte
émotion et des
marques
du temps, mais c'était bel et bien ta
voix! c'était bel et bien, inaltérable,
leur tendre enfant qui était au bout du
fil.
Cela faisait combien d'années pour eux
comme pour toi, certes soudés dans cette
rude épreuve mais terriblement marqués,
qu'un tel bonheur tant rêvé se profilait
inespéré?
Tu étais toujours incarcéré sous
l'administration américaine et celle-ci
a daigné t'offrir à toi et tes parents
ce coup de téléphone inattendu,
inoubliable. Qu'est-ce que tu as pu leur
dire au bout de tant d'années de
séparation et de souffrances? Qu'est-ce
qu'ils ont pu te dire à leur tour?
Sûrement pas beaucoup de choses, la
communication étant chronométrée,
imprévue et la voix ici et là, comme on
peut l'imaginer, coupée de hoquets. Mais
l'essentiel n'aurait pas été omis. Tu
n'avais rien commis de répréhensible; tu
t'es battu en vaillant guérillero; tu
n'as braqué ton fusil que contre
l'occupant qui a humilié tes frères et
sœurs. Et s'ils t'exécutaient quand
même, tu serais heureux, certain que
les
houris d'Allah te dédommageraient d'une
telle peine(8).
La communication terminée, tes parents
qui étaient tantôt dans l'euphorie se
trouvaient subitement plongés dans
l'angoisse. Aussi paradoxal que cela
puisse paraître, un sentiment
oppressant, obsédant, s'est emparé
d'eux. Un pressentiment funeste, des
affres de la même nature que susciterait
l'imminence d'une mort certaine.
Pour comprendre cette angoisse si
oppressante, il faut la restituer au
contexte historique de cette première
communication téléphonique.
Nous sommes au lendemain de la triste
exécution de Saddam Hussein, survenue
quatre semaines plus tôt le jour de
l'Aïd al-Adha, en ce 30 décembre 2006,
fête qui nous donnait du mouton un âpre
goût de charogne. Du coup, la
communication inattendue a réveillé le
spectre de la corde. Et ce spectre
devenait hantise, lancinant. Si les
Américains avaient offert au condamné
cette communication, c'était signe pour
tes pauvres parents que le
dernier
vœu du condamné à mort a été
exaucé.
On ne dira jamais assez ce que ta mère,
ton père avaient souffert dans les jours
suivant cet appel mémorable.
Peu à peu quand même, il leur fallait
s'accrocher à la vie et à l'espoir que
ton heure n'était pas
encore décidée.
2008, première semaine du mois de
janvier et par une nuit glaciale, ta
famille apprend une bonne nouvelle qui
radoucit sensiblement l'air ambiant de
la maison. Dans son journal de 20h, Al-Arabya
annonce la nouvelle de l'arrestation de
Mahmoud Dahaoui
qu'elle présente comme l'auteur de
l'attentat contre le mausolée de
Samarra. Et la chaîne de télé diffuse
les images des aveux amplement
détaillés, le récit de son arrestation
et l'inventaire des objets de valeur
récupérés par les forces de police qui a
réalisé telle opération.
Cet événement, qui n'est pas des
moindre, censé augurer d'un retournement
de situation en ta faveur, ne pouvait
que faire la joie de tes parents et le
bonheur de ceux qui croyaient ferme en
ton innocence. Pour une fois, l'espoir
que ton affaire serait réexaminée, que
le jugement initial ramené à une peine
moins lourde, était enfin permis. Et si
on pouvait rêver encore, si le traité de
Genève relatif aux prisonniers de guerre
avait quelque chance d'être respecté, en
la circonstance la peine de mort, au
moins, serait écartée.
Mais ce serait dans une République,
Yosri -souviens-toi bien de ceci, même
si la République,
la
vraie, on ne l'a jamais vue
ailleurs que dans les livres de Platon!
que les rêves justes sont permis. Et non
dans une oligarchie comme celles qui
nous gouvernent. Le-dit traité de Genève
et la justice ne peuvent avoir droit de
cité là où la haine est la seule
conseillère des justiciers.
Il y eut bien un second procès, ou un
semblant de procès, mais dans lequel tes
droits les plus élémentaires d'accusé
furent bafoués. En ton absence et en
l'absence de ton avocat, le tribunal a
confirmé le premier jugement.
Cher Yosri,
Que tel semblant de procès se soit fait
au moment même où la Tunisie a
déboulonné son dictateur, que le
tribunal n'ait voulu tenir compte
d’aucun élément nouveau dans ton
dossier, que la peine capitale, et seule
cette peine, ait été requise par le
procureur et entendue par tes juges, les
autorités irakiennes nous donnent à
penser qu'elles voudraient adresser
par-là un message implicite à
l'attention des peuples en révolte(9).
Et ce n'est pas un hasard si tes frères
d'armes, dont trois appartiennent à des
pays marqués par le
printemps, soient jugés en même
temps que toi et frappés de la même
sentence.
Quoiqu'il en soit, et tu en conviendras
cher Yosri, en Tunisie nous nous sommes
révoltés contre la tyrannie et
l'injustice, et non pour fonder
le
califat d'Abou Kodama!
Et nous
ne méritons pas d'être rétribués par la
décapitation de l'un des nôtres, même
s'il porte un surnom pas trop
catholique!
Et puis la révolution tunisienne, comme
l'atteste le monde entier, a fait chuter
en même temps que Ben Ali le mythe
d'Al-Qaïda. Bien avant les Américains,
Bouazizi a réglé son compte au cheikh
Oussama Ben Laden!
Par conséquent, pour nous tu es
prisonnier de guerre, pas terroriste.
Notre propos ici n'est pas de défendre
ton idéal politique, ni tes convictions
religieuses, mais de nous élever contre
une sentence injuste qui, en cas
d'exécution, sera lourde de
conséquences, et pour cause!
Que
me reste-t-il enfin à te dire, cher
Yosri?
En ce moment précis où je scrute ton
visage, à travers ces quelques photos
que j'ai pu glaner ça et là sur les
pages web, j'apprends que tu viens
d'être transféré à la centrale de
Kathimya à Bagdad.
Je ne voudrais pas que ces photos
deviennent les saintes reliques d'un
martyr. Je ne voudrais pas non plus
jouer à la Cassandre. Mais en même
temps, je tremble à l'idée que les
autorités irakiennes aient procédé à ton
transfert, quelques jours seulement
avant le mois de ramadan, pour rééditer
leur triste scénario macabre de l'an
2006. Il y a cinq ans, à la veille de
l'Aïd, c'est dans cette même prison que
Saddam Hussein a été transféré.
A cet instant-ci tant éprouvant, c'est
un de mes enfants que je vois en toi.
Mieux! tu m'es le plus proche de mes
petits. Compte tenu de ton épreuve, des
justes appréhensions que suscite la
circonstance, de ce cas de détresse qui
n'autorise ni indifférence ni
attentisme, je n'ai que ma voix, que ce
cri de vivant pour me dresser
farouchement contre l'échafaud.
Je voudrais interpeller chaque membre de
notre gouvernement de transition(10),
Son Excellence le Président provisoire,
les citoyens libres du pays et du monde,
afin qu'ils s'engagent tous dans cette
bataille pour la vie. De vive voix,
réclamons que ce jugement injuste,
barbare et lourd de conséquences soit
révoqué.
Ensemble, donnons à ce cri toute sa
force pour rompre à temps la corde de la
mort.
J'en appelle à la conscience de chacun
pour en prendre acte(11).
Cher Yosri,
Je souhaite te voir bientôt en Tunisie,
vivant et libre. En attendant ce jour
que j'appelle de tous mes vœux, reçois
ma poignée de main chaleureuse et
paternelle.
A. Amri
16.07.2011.
Au même sujet:
- Yosri Trigui: le plaidoyer du père
-
Une version condensée, en
arabe,
de ce même texte.
-
Lettre
à la Commission Arabe des Droits de
l'Homme
-
Lettre au Premier Ministre Tunisien
-
Lettre à Erdogan
-
Lettre à Mme Micheline Calmy-Rey,
Présidente du
DFAE
-
Deux
lettres écrites selon les modèles
présentés sous l'annotation 11 (voir
NOTES plus bas) ont été adressées par
voie de l'ambassade irakienne en France
à Messieurs le Président et le Premier
Ministre irakiens.1- C'est
ce qui ressort de la conférence de
presse donnée fin juin 2006 par Mouaffik
Rébiï, conseiller à la sécurité
irakienne.
2- Source: site
Al-Karma.
3- Il serait difficile d'évaluer le
nombre exact de ces résistants tunisiens
en Irak. Cependant, depuis la chute de
Bagdad en avril 2003, "des dizaines de
tunisiens sont tombés en martyrs dans
les rangs de la résistance irakienne":
c'est ce que souligne dans un message de
soutien à la révolution tunisienne un
haut responsable du Baâth irakien dans
une
communication téléphonique à
Achourouk en date du 16 janvier 2011.
Par ailleurs de nombreux tunisiens se
rendant en Irak ont été été arrêtés en
Syrie. On recense au moins 13 personnes
jugées en Tunisie, dont 4 refoulées par
les autorités syriennes, pour tentatives
de ralliement à la résistance irakienne.
Et depuis 2003, il y aurait près de
2000 personnes arrêtées en Tunisie
dans le cadre de ce qu'on appelle "lutte
contre le terrorisme".
4-
Témoignage du père intervenant dans
un meeting organisé contre la
normalisation avec l'Etat sioniste.
5-Dans la conférence de presse donnée
par Mouaffak Rébiî, conseiller à la
sécurité irakienne, on apprend que
l'aide américaine était déterminante
dans cette opération. On présume que les
services d'espionnage avaient facilité
la tâche des forces stationnées au chek-point
de Dhoulouiyya.
6- La toile foisonne de témoignages sur
la torture en Irak: on se souvient
encore de la diffusion en 2004 de
photographies choquantes montrant des
détenus irakiens humiliés par des
soldats américains (le scandale d'Abou
Ghraib) . Mais il y a d'autres
témoignages tout aussi accablants
concernant les centres de détention à
Kaboul, sans oublier tout ce qui a été
révélé sur la prison de Guantánamo.
Ci-dessous les liens de trois vidéos
évoquant la torture en Irak:
-
Vidéo 1
- Vidéo 2 -
Vidéo 3
7-Témoignage du père sur
youtube.
8- Ce rêve associé aux récompenses
divines, Yosri ne s'embarrasse pas d'en
faire part à ses parents. Dans les
lettre adressées à sa mère, la formule
de clôture est souvent celle-ci:"
Ne
pleure pas, douce maman. S'il est écrit
que tu ne reverras plus ton enfant, je
n'en serai que plus heureux entouré des
houris d'Allah."
9- Le premier à avoir établi un lien
entre le printemps arabe et la
reconduction de cette sentence est le
père même de Yosri, Fakher Trigui. Dans
un
article écrit au mois de mai
dernier, le père estime que les
autorités irakiennes redoutent de
restituer son fils, blanchi des crimes
de terrorisme ou gracié, à la Tunisie
nouvelle, d'autant que celle-ci entend
retourner la page sombre de l'époque où
les islamistes étaient persécutés.
10- Aux dernières nouvelles, le
ministère de l'extérieur aurait engagé
des transactions avec les autorités
irakiennes en vue d'obtenir le transfert
de Yosri vers la Tunisie. Souhaitons que
cette initiative soit couronnée de
succès.
11- Ci-dessous un modèle de Requête de
grâce pour Yosri Trigui (en français et
en arabe) pouvant être personnalisé et
envoyé par fax à l'ambassade irakienne
de votre pays. Le numéro de fax de
l'ambassade irakienne à Paris est le
suivant:
0033 1 45 53 33 80
Modèle en langue arabe (les éléments
nécessitant la personnalisation sont
écrits en rouge):
إسمك
ولقبك
بلدك
في 2011.07.17
صفتك
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بريدك الإلكتروني
إلى عناية فخامة رئيس جمهورية العراق
السيد جلال طالباني
الموضوع: التماس عفو
فخامة رئيس جمهورية
أكتب إليكم من تونس بلد المحبة والإخاء
والسلام باسمي الخاص وأصالة عن الشعب الذي
تربطه بالعراق أواصر الأخوة والحضارة
ملتمسا منكم فخامة الرئيس أن تبروا بيسري
الطريقي القابع في سجن الشعبة الخامسة في
الكاظمية ببغداد وبذويه الذين يكتوون
بالنار في تونس منذ أن صدر في حق ابنهم
حكم
الإعدام سنة 2006 وتم تثبيته لاحقا
لدى التعقيب وإني أذ أهيب بسيادتكم فخامة
الرئيس ان تشملوا بعفوكم الواسع هذا الشاب
الذي ما كان قدره ليسوقه لأرض
العراق لولا حبه لهذا البلد وغيرته
الصادقة والعفوية على أرض وشعب كان يرى
فيهما رمز العزة والحضارة ومجد الأمة
أناشد سيادتكم فخامة الرئيس أن تراعوا
أولا وآخرا عائلة المحكوم عليه بالإعدام
وخاصة والديه، وثانيا كل الظروف التي حفت
باستنطاق الشاب يسري وبالخصوص ما تعرض
إليه من تعذيب حتى يتبنى التهم المنسوبة
إليه، وثالثا محاكمته التي شابتها أكثر من
شائبة ليس أقلها حرمانه كمتهم ومحاميه من
متابعة جلسات المحاكمة الثانية ثم كل
المستجدات التي حصلت بعد صدور الحكم منذ
2006 كالقبض على ياسر علي قاتل الإعلامية
أطوار بهجت وبعد ذلك القبض على محمود
الدهوي مفجر المرقدين بسمراء وهما عنصران
أساسيان كان يفترض فيهما أن يدفعا القضاء
العراقي لمراجعة كل التهم المنسوبة
ليسري أو على الأقل إسقاط تهمتي القتل
والتفجير اللتين رجحتا كفة الحكم بالإعدام
في المحاكمة الأولى.
فخامة الرئيس ،
إن الذي زرع بذور التطرف والإرهاب في تونس
هو طاغية من طينة صدام حسين وقد ذهب بدون
رجعة بفضل الثورة ولدينا القناعة التامة
أن الإرهاب والتطرف قد هربا من تونس في
نفس اليوم الذي سقطت فيه الدكتاتورية.
وبالتالي حين تتفضلون فخامة الرئيس
وتشملون بعطفكم وعفوكم
شابا في مقتبل العمر زلت به قدماه
وهو في عمر المراهقين ثقوا أن شعب تونس لن
ينس لكم هذا الفضل الكبير وسيكون ممتنا
لفخامتكم ولشعب العراق الشقيق
أملنا فيكم وفي رحمة الله كبير
توقيعك
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Vos
nom & Prénom Lieu et date:
Votre
adresse
votre
mail
Facultatif: votre téléphone ou n° de Fax
A la bienveillante attention de Son
Excellence le Président de la République
irakienne M. Jalal Talabani
Objet: Requête de grâce pour Yosri
Trigui
Monsieur le Président,
Je viens par la présente solliciter de
votre excellence la grâce pour le jeune
tunisien Yosri Trigui, emprisonné à la
centrale de Kadhimya à Bagdad, et qui a
été condamné à mort suite à un procès
injuste.
La jeunesse de l'accusé, les
irrégularités de son procès, la nullité
des aveux qui lui ont été extorqués sous
la torture, autant d'éléments plaident,
Monsieur le Président, pour cette faveur
que je voudrais soumettre à votre
bienveillante attention.
J'en appelle à la générosite du
descendant de Saladin pour en prendre
acte.
Votre
signature
Publié sur le blog d'Ahmed Amri
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