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al-Quds al-Arabiyy
L'intifada qui vient
et l'inéluctable réconciliation
(entre Hamas et Fatah)
Abdel-Bari Atwân
Abdel Bari Atwan
in al-Quds al-Arabiyy, 26 janvier
2010
Le sénateur George
Mitchell, envoyé spécial du président Obama pour le
Moyen-Orient, a conclu son dernier voyage sans atteindre le but
recherché : la possibilité d’une reprise des négociations entre
l’Autorité palestinienne et le gouvernement israélien, qui était
l’objectif principal de sa tournée.
Trois raisons principales ont
conduit à l’échec de cette tournée de l’émissaire, rentré les
mains vides à Washington :
1°- La déclaration par Benjamin Netanyahou, Premier ministre
israélien, de sa volonté de maintenir toutes les principales
colonies juives de Cisjordanie et le contrôle total d’Israël sur
la vallée du Jourdain, c’est-à-dire la frontière orientale d’un
État palestinien, au cas où celui-ci verrait le jour suite à un
accord entre les deux parties ;
2°- L’insistance du Président Abbas à ne retourner à la table de
négociation qu’après un engagement de Netanayahou et de son
gouvernement à geler les colonies en Cisjordanie et à
Jérusalem-Est occupée et à établir des termes de référence et
un calendrier précis pour des négociations bénéficiant de
garanties internationales ;
3°- Le commentaire du président US Barack Obama, reconnaissant
que son administration avait mal évalué les obstacles se
dressant sur le chemin du processus de paix et que le rôle des
USA était limité, du fait qu’il avait cédé aux pressions
israéliennes en faveur d’un renoncement à l’exigence de gel des
colonies, dont il avait auparavant dit que c’était une condition
sine qua non de reprise du processus de paix.
L’échec officiellement déclaré du sénateur Mitchell signifie
qu’un vide politique –certains parlent de rigidité – s’est créé
et que l’option arabe d’une solution pacifique s’est
effondrée, l’initiative de paix arabe étant devenue caduque.
Jeu de cartes pour tuer le temps en période de vide
politique
En haut à droite : Irak
En bas à droite : Palestine
En bas à gauche : Liban
Les expériences passées dans la région
arabe et ailleurs nous enseignent que la nature a horreur du
vide politique, qui ne fait pas long feu, des changements venant
le combler d’une façon ou d’une autre. La région arabe, qui a
vécu pendant environ 20 ans sur un processus de paix illusoire,
ne peut pas s’en passer, parce que les régimes arabes ne veulent
tout simplement pas penser à une alternative ou à un « plan B »,
comme c’est l’usage dans les pays civilisés.
L’Autorité palestinienne a évoqué, avec une « timidité extrême »
l’éventualité de déclencher une intifada pacifique en
Cisjordanie, c’est-à-dire d’ordonner des manifestations
pacifiques, des protestations, des actions de désobéissance
civile, avec peut-être un retour à « l’arme des pierres »,
s’inspirant ainsi de l’expérience de la première intifada qui a
conduit l’Autorité palestinienne à s’installer à Ramallah il y a
seize ans.
Si nous parlons de « timidité extrême », c’est que lorsque la
première intifada avait éclaté il ya 22 ans, il n’existait pas
d’ Autorité palestinienne financée par les donateurs
internationaux, dont les forces police et de sécurité étaient
supervisées le général US Dayton, sans parler des cartes de VIP
pour les grandes personnalités. Il n’y avait alors ni
gouvernement ni ministres, ni présidence installée à la Mouqataa.
Sur le personnage :
Autorité palestinienne
Sur l’affiche Wanted : Paies de fonctionnaires
L’Autorité vit une crise sans précédent
car son soutien à une nouvelle intifada pourrait signifier son
autodissolution et ramener la Cisjordanie à son état
antérieur de territoire directement occupé par les forces
israéliennes, sortant d’une occupation camouflée, et dont
l’occupation israélienne prendrait la responsabilité de
l’administration en totalité, se chargeant de procurer sécurité,
eau, électricité, et santé aux trois millions de Palestiniens.
Le Président Abbas est actuellement confronté à la même
conjoncture que le défunt président Arafat après l’échec des
négociations de Camp David, immédiatement après son rejet de
spressions US por qu’il accepte un compromis proposé par Bill
Clinton, à une différence essentielle près : le Président Yasser
Arafat, dès son retour, avait choisi, lui, d’opter pour la
résistance, en créant les Brigades de Martyrs d’Al Aqsa et
renforçant les liens avec le Hamas et le Jihad islamique et en
envoyant des émissaires au Liban, en Iran et ailleurs, pour se
procurer des armes.
Le Président Yasser Arafat a payé cher ce choix : blocus,
isolement dans son QG à Ramallah pour finir en martyr
empoisonné. Il prévoyait – que Dieu lui accorde miséricorde –
cette fin honorable et il a eu ce qu’il voulait.
Nous ne savons pas jusqu’à quand le Président Abbas campera sur
sa position actuelle consistant à refuser de négocier si la
condition de gel des colonies n’est pas satisfaite. Les
pressions arabes sur lui à cet égard sont plus fortes que celles
des Usaméricains et de leurs alliés européens. Mais tout ce que
ne savons – et il le sait, lui aussi, c’est que la probabilité
de sa résiliation et de sa révocation figure déjà dans l’agenda
de l’administration US et de ses alliés européens, et on ne
serait pas surpris d’apprendre qu’ils ont se sont mis à la
recherche d’un successeur dès qu’il eut annoncé qu’il ne se
présenterait plus à l’élection présidentielle à venir. Madame
Clinton lui avait alors répondu qu’elle n’était pas « peinée »
de son départ et qu’elle était prête à poursuivre sa
collaboration avec lui, quel que soit le nouveau poste qu’il
occuperait.
La scène palestinienne est « triste » à tous les niveaux : le
Président a dépassé le terme de son mandat et il n’a pas
l’intention de se présenter à la prochaine élection, dont nul ne
sait quand elle aura lieu ; le Conseil législatif élu a aussi
perdu toute légitimité, ayant dépassé la durée de sa législature
et aucune élection ne se profilant à l’horizon pour le
remplacer. Il en va de même pour toutes
les instances de l’OLP, que ce soit le Conseil national, le
Conseil central ou le Comité exécutif.
Israël aussi vit un véritable dilemme : il est haï et condamné à
l’échelle planétaire pour avoir commis des crimes de guerre à
Gaza et le maintien de son blocus de Gaza n’a fait qu’envenimer
les choses. À cela s’ajoutent la détérioration de ses
relations avec la Turquie et la fin des négociations avec la
Syrie, accroissant son isolement régional, en plus de son
isolement international. Netanyahou avait hâte de reprendre les
négociations à ses propres conditions, non pour parvenir à un
règlement mais pour gagner du temps, corriger l’mage d’Israël,
atténuer la haine, prolonger la durée de vie de son
gouvernement, fournir une couverture à la poursuite de
l’implantation de colonies et avaler ce qui reste de
Jérusalem-Est. Ses ambitions se sont évaporées, du moins pour le
moment, et il doit chercher à son tour un moyen de sortir de
l’impasse.
L’histoire nous enseigne également que le recours à la guerre
est l’éternel choix de sortie de crise d’Israël. C’est ce qu’a
fait Menahem Begin, face à l’intensification de la résistance au
Liban, quand il a envahi ce pays à l’été 1982. C’est ce qu’a
fait Barak, attaquant la bande de Gaza pour effacer sa défaite
humiliante au Sud-Liban. C’est ce que pourrait faire Netanyahou
dans les semaines ou les mois à venir : une nouvelle agression
contre le Liban ou la Bande de Gaza ou les deux à la fois. Il
est en ce moment en train de chercher les prétextes et son
gouvernement aura peut-être l’audace de les fabriquer ; un
encouragement décisif à Netanyahou pourrait venir de l’appui
arabe, qui est clair et net. On n’a pas entendu protester un
seul État arabe, à l’exception de la Syrie, et demander la levée
du blocus sur Gaza et l’arrêt de la construction du mur d’acier
sur la frontière égyptienne afin d’’asphyxier un million et demi
de Palestiniens. Ce dernier pourrait être un feu vert du
gouvernement égyptien au gouvernement israélien, au cas où
celui-ci enverrait ses chars à Gaza.
Le Président Moubarak n’avait jamais auparavant attaqué le Hamas
avec une telle virulence comme il l’a fait dans son discours du
Jour de la Police (sic) et on a même entendu certains dirigeants
égyptiens menacer d’envahir et de détruire la Bande de Gaza en
punition pour le meurtre d’un soldat égyptien à a frontière il y
a trois semaines.
Ce qui nous conduit à penser qu’il existe un plan
arabo-israélo-US de « solution finale » militaire de la
« question de Gaza » (le pouvoir du Hamas), après l’échec de la
politique consistant à affamer Gaza par le blocus, dans le but
de voir les Gazaouis se retourner et se soulever contre le
Hamas. En outre, le fait que la reconstruction des 60 000
logements détruits par l’agression de l’année dernière n’ait pas
encore été entamée ne peut signifier qu’une chose : une entente
pour laisser les choses en l’état dans l’attente de la
« solution » militaire israélienne.
Une nouvelle attaque de la bande de Gaza ne sera pas facile et
aggravera le dilemme israélien. La précédente agression n’a pas
mis fin à « l’Autorité du Hamas », elle n’a pas provoqué de
révolte contre celle-ci ni n’a fait disparaître la « culture de
la résistance », mais a eu un effet contraire.
Le peuple de Gaza résistera à l’agression comme il l’a fait
durant la précédente et il continuera la résistance si jamais
les troupes israélienne décident de rester dans la Bande pour
longtemps.
Des leçons ont été tirées de la dernière agression et sans doute
assimilées : on s’en apercevra au cas où Netanyahou s’entêterait
et passerait des menaces aux actes.
La réconciliation interpalestinienne est plus proche que jamais,
surtout si Abbas maintient sa position et si le Fatah décide
d’allumer la mèche de l’intifada pacifique en Cisjordanie,
retirant son épingle du jeu des négociations absurdes et
revenant à ses origines de chef de file de la résistance.
Le compte à rebours pour une telle réconciliation est, à notre
avis enclenché ou il devrait l’être – sur une plateforme de
résistance, qu’elle soit pacifique ou armée.
Ce serait la seule issue convenable et efficace.
Traduit par Tafsut
Aït Baamrane
Cette traduction est libre de reproduction, à
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Les analyses d'Abdel-Bari Atwân
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