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TLAXCALA
Il n’y a
qu’une seule SOLution : il faut disSOUdre l’Autorité
palestinienne
Abdel-Bari
Atwan
in
Al-Quds al-Arabiyy, mercredi 4 octobre 2006
Les
affrontements sanglants dont les territoires palestiniens sont le
théâtre ces jours-ci, et qui fauchent des âmes innocentes de
manière totalement arbitraire, sont, à tout point de vue, une
honte, un scandale politique et moral qui déshonore tous ceux qui
y participent directement ou indirectement. Ils discréditent une
longue et honorable histoire faite de sacrifices et remontant à
plus d’un siècle.
Qualifier
ces affrontements de pure folie, c’est le moins qu’on puisse
faire. En effet, un peuple possédant à un tel degré le sens
politique, et une si longue expérience de la résistance, ne peut
pas – alors même que des martyrs continuent à tomber tous les
jours – passer du summum de la raison et de la sagesse au summum
de la folie, comme ça, en quelques heures… Nous ne connaissons
pas les sentiments des dirigeants, ni de ceux du Fatah, ni de ceux
du Hamas, tandis qu’ils voient les ambulances emmener les blessés
et les cadavres des tués, tombés au cours de ces affrontements
absurdes entre milices s’entredéchirant, croisant en chemin les
cadavres de leurs frères et sœurs victimes des assassinats ciblés
israéliens… ?
Quand
Benyamin Eliezer, le ministre israélien des Infrastructure,
laisse éclater la joie qui le submerge à la nouvelle de l’éclatement
des échauffourées entre les deux pôles de l’arène politique
palestinienne, et qu’il forme des vœux pour la victoire de la
camarilla du président Mahmoud Abbas, alors il nous faut savoir
opérer le tri entre qui a tort et qui a raison ! Et dès
lors que Mme Condoleezza Rice stipule que les Palestiniens mettent
un terme à leur guerre intestine et forment un gouvernement
d’union nationale, qui reconnaîtra Israël et les accords déjà
conclu avec ce pays, nous devons marquer une pause et réfléchir
posément à la nature du piège tendu au peuple palestinien,
ainsi qu’aux objectifs qui en sont escomptés…
Nous
avons déjà dit, nous continuons à affirmer, et nous le répétons
encore une fois, ici même, à haute et intelligible voix, que
cette guerre civile absurde n’a pas d’autre enjeu que le contrôle
de ce « cadavre dans le placard » qu’est cette
Autorité [qui, en fait d’autorité, n’en a que l’intitulé]
palestinienne, et qui ne mérite pas qu’on verse pour elle la
moindre goutte de sang. Même les animaux carnassiers – même
affamés – se détournent des charognes et n’ont nulle envie
de s’entretuer pour se les accaparer.
Les
Palestiniens vivent une énorme mascarade, qui a pour nom l’ « autonomie ».
Ils s’imaginent avoir des ministres et un conseil législatif,
des institutions et une garde présidentielle. Mais la réalité
est tout autre. Leur territoire est occupé et ce qui a été libéré,
purement formellement – je veux parler de la bande de Gaza –
est aujourd’hui le théâtre des pires affrontements. C’est
une immense prison à ciel ouvert [mais sillonné de drones et de
bombardiers, ndt], dont les clés sont accrochées à la ceinture
d’un sous-fifre quelconque du service de répression israélien,
le Shin Bet.
Nous
devons, par conséquent, reconnaître que ce qui est en train de
se passer en ce moment même dans les territoires occupés, ce
sont les prémisses d’une guerre civile sans précédent,
planifiée par les Israéliens avec une minutie extrême. Ceux-ci
ont – enfin [de leur point de vue] – réussi, en utilisant de
manière machiavélique la crise des salaires non-versés aux
fonctionnaires palestiniens, à faire tomber les Palestiniens dans
leurs rets.
Cela
n’est ni une guerre entre musulmans et chrétiens, ni une guerre
entre sunnites et chiites, ni entre catholiques et protestants.
Non : c’est une guerre entre fils et filles de la même
communauté, de la même tribu, du même peuple, entre des affamés
et d’autres affamés (les mêmes), entre des gens soumis à
occupation militaire et des gens soumis à militaire occupation
(les mêmes / la même). Et c’est bien là le drame.
Ce
qui importe, en cet instant, ça n’est pas de déterminer à qui
incombe la responsabilité de la chute dans cet immense puits sans
fond. Non. L’important, c’est savoir de quelle manière en
sortir avec le moins de dégâts que possible et au plus vite ;
tout le monde est fautif, d’une quelconque façon.
Celui
qui a (ou ceux qui ont) donné le feu vert aux hommes des forces
de sécurité palestiniennes, leur permettant d’aller manifester
en armes pour réclamer des traitements dont ils connaissaient
pertinemment d’avance la cause du retard apporté à leur
versement, celui-là (ceux-là) est (sont) responsable(s) de
toutes les gouttes de sang, jusqu’à la dernière, qui sera répandue
dans les rues de Gaza, de Naplouse et de Ramallah. Celui qui a
donné des ordres aux forces d’appui – les milices du Hamas,
pour ne pas les nommer – de descendre dans les rues pour
s’opposer aux premiers, tout en connaissant parfaitement, par
avance, les résultats inexorables de cette initiative, endosse
exactement la même responsabilité, et doit être sanctionné
avec exactement la même sévérité.
Monsieur
Abbas plonge dans une guerre civile sanglante non seulement le
peuple palestinien, mais aussi un mouvement de libération
nationale palestinien – le Fatah – détenteur d’un passé
honorable, fait de sacrifices consentis, d’une lutte déterminée,
d’attachement à des principes fondamentaux nationaux
intangibles non démentis depuis plus de quarante années.
A
ce qu’on sache, le gouvernement Hamas n’est en rien
responsable ni de la crise des salaires, ni de la famine
artificiellement imposée au peuple palestinien, que le président
de l’Autorité et sa clientèle de conseillers excitent ainsi
les manifestants à son encontre ?
Tout
enfant palestinien, à quatre ans, sait déjà que ceux qui
bloquent ces salaires, ce sont les Etats-Unis et Israël [ainsi
que l’Union européenne et les cryptos (ils se reconnaîtront…)
ndt]. Nous, qui affirmons ceci, nous avons donné tort, et c’est
ce que nous continuons à faire aujourd’hui, au mouvement Hamas,
qui n’aurait jamais dû participer aux dernières élections,
tombant du fait qu’il l’ait fait dans une énorme
contradiction. Comment, en effet, concilier logiquement une
Autorité instituée par des accords que le Hamas a [à juste
titre] condamnés et combattus, avec une résistance armée
refusant la reconnaissance [d’Israël] et insistant sur la libération
de la totalité du territoire palestinien ? De fait, le Hamas
s’était acquis la confiance du peuple palestinien, précisément
sur la base de ses positions irrédentistes, car ce peuple
comprend très bien que les accords d’Oslo sont nuls et non
advenus et que tout ce qui est construit sur du nul et non advenu
est bâti sur du sable.
Nous
ne savons pas ce qui a pris à cet individu ? Abbas ?
Comment a-t-il pu se débarrasser de sa cautèle légendaire, pour
prendre la décision de se lancer à corps perdu dans le complot
actuel visant à renverser le gouvernement et à allumer la mèche
de la guerre civile ? Ce que nous savons, en revanche, et de
source sûre, c’est que cet individu, Abbas, donc – et voici,
de cela, seulement quelques semaines – a soufflé à l’oreille
d’une poignée de ses conseillers en exil de mettre au point le
texte d’un discours de démission qu’il avait projeté de
prononcer devant les caméras de chaînes télévisées du monde
entier – un discours de démission dans lequel il aurait imputé
à Israël et aux Américains la responsabilité de la détérioration
de la situation dans les territoires occupés, ainsi que celle
d’avoir définitivement compromis le processus (dit) de paix
dans la région du Moyen-Orient…
Les
conseillers du président Abbas, qui ont fait leur nid dans le
bureau présidentiel, et qui le poussent à la confrontation, et
certainement pas dans le sens de l’apaisement, à seule fin de
retrouver les lauriers désuets d’un pouvoir [imaginaire], évoquent
désormais un certain nombre d’options qu’il a l’intention
d’adopter, comme celle de recourir à ses prérogatives de
dissoudre le gouvernement et de former un nouveau gouvernement de
technocrates, ou encore celle de faire procéder à de nouvelles
élections législatives.
Mais
quelles prérogatives – et quelle constitution – dont ces
gens-là nous rebattent les oreilles – peuvent bien être celles
d’un peuple affamé comme l’est le peuple palestinien, d’un
peuple exposé à mille morts et à l’état de siège ?
Quelles prérogatives – et quelle constitution – sont celles
d’un président incapable de sortir de son bureau de Ramallah
sans l’autorisation du dernier des gardes champêtres israéliens ?
Quelles prérogatives – et quelle constitution – peut bien
avoir un conseil législatif dont la moitié des députés
croupissent dans les geôles de l’occupant, après avoir été
kidnappés à leur domicile, en plein jour ? Et puis,
qu’est-ce donc que ce « gouvernement », qui est
incapable de verser leur salaire à ses fonctionnaires, ni de se
rendre maître de ses propres forces de sécurité, qui met sur
pied des gardes prétoriennes chargées de protéger ses seuls
ministres, qui est incapable de nommer un ambassadeur, voire même
un simple consul, dans ses ambassades, et qui ne contrôle pas le
moindre agent de police de faction à l’un quelconque de nos
points de passage ou de nos issues de secours ?
Quel
est donc cet ordre public, dont les gardiens sont les premiers à
l’enfreindre et à répandre l’anarchie, à fermer les rues et
les places publiques aux passants et à se livrer au hooliganisme
envers leurs concitoyens et à leur pourrir la vie, à entraver
leur liberté de se mouvoir à leur guise et à paralyser ce qui
leur reste en matière de petit commerce et autres gagne-pain et,
ce, au beau milieu de ce mois béni, de ce mois de trêve et de générosité
qu’est le mois de Ramadan ?
Une
seule solution : que Messieurs Mahmoud Abbas et Ismaïl
Haniyyéh viennent, ensemble, main dans la main, devant les caméras
de télévision, tenir une conférence de presse d’audience
mondiale, et qu’ils annoncent la dissolution de cette Autorité
[de pacotille] et qu’ils appellent un chat, un chat. Qu’ils
appellent « peuple résistant » le peuple palestinien
résistant et qu’ils appellent « forces d’occupation »
[la soldatesque sioniste] !
Le
peuple palestinien est actuellement aux prises avec un chantage
sans précédent, qui a pour nom « salaires » :
on exige désormais de lui qu’il fasse le sacrifice de tous les
principes fondamentaux de son combat, de tous ses droits
nationaux, et qu’il devienne un peuple de clochards et de
mendiants attendant l’aumône des aides américaines et européennes,
exactement comme à l’époque où la première balle n’avait
pas encore été tirée, un beau jour de ce mois de janvier de
l’an de grâce 1965, par les authentiques héros du Fatah…
Partant,
toute nouvelle convocation d’élections, dont les résultats ne
feraient que consacrer l’actuelle situation éminemment déplorable,
et qui feraient fond de la situation présente de quasi famine
pour faire passer le projet américano-israélien, ne peut être
qualifiée autrement que de suggestion louche, qu’il convient de
boycotter systématiquement.
A
quoi bon, des élections dont les résultats ne pourraient en
aucun cas être l’objet d’un quelconque respect, dès lors que
celui qui commettrait la folie de les admettre et y participerait
encourrait la sanction de mourir de faim, de mourir
d’encerclement ou de mourir ciblé par les Robocops sionistes
[en rétribution de son civisme] ?
Traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier, membre de
Tlaxcala, le réseau de traducteurs pour la diversité
linguistique (www.tlaxcala.es).
Cette traduction est en Copyleft : elle est libre de reproduction,
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sources et auteurs.
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