En direct de Gaza
Gaza, une ville enfermée
mais une ville qui impressionne !
Ziad Medoukh
Dimanche 20 octobre 2019
Il est difficile pour un observateur
étranger de comprendre la situation
actuelle dans la bande de Gaza, une
région en souffrance permanente,
mais une région qui continue à
s'accrocher à la vie malgré tout.
Souvent les médias étrangers parlent de
la bande de Gaza comme d'une région liée
à la violence, aux bombardements, aux
morts, aux blessés, aux roquettes, à la
division, et récemment, à la marche du
retour. Mais, ils évoquent rarement la
vie à Gaza et la volonté de sa
population civile.
Ce territoire de 41
kms de long sur la côte orientale de la
mer Méditerranée, d'une largeur de 6 à
12 kms et d'une superficie de 365
km2 souffre depuis plus de treize ans
d'un blocus israélien mortel. Et
pourtant ses deux millions d'habitants
existent et persistent. Ils vivent!
En plus du blocus
israélien inhumain qui paralyse la vie
économique et sociale, la population
civile de cette région enfermée subit au
quotidien des agressions , des
incursions et des bombardements
israéliens.
Malgré l'absence de
perspectives pour les Palestiniens de
Gaza, du fait notamment de la
conjoncture actuelle, et malgré le
silence complice d'un monde officiel
muet, ces Palestiniens donnent à chaque
instant une leçon de courage , de
volonté et de détermination. Une leçon
de vie qui mérite qu'on s'y arrête et
qu'on valorise.
Oui, la bande de
Gaza est devenue une prison à ciel
ouvert. Oui à la situation
insupportable et injuste! Cependant,
elle impressionne le monde entier par sa
résilience, sa capacité à vivre et à
exister.
On constate souvent
,chez les habitants de Gaza , un double
sentiment: la population se sent
abandonnée par la communauté
internationale officielle, et en même
temps elle se sait soutenue par des
personnes solidaires de bonne volonté
partout dans le monde.
Cette population n'
a rien, et en même temps elle a tout.
A Gaza, il y a la
pénurie mais personne ne meurt de faim.
En cette fin
2019, il y a toujours des maisons
détruites ou endommagées par les
bombardements israéliens, et non
rebâties du fait de l'interdiction
israélienne de faire entrer les
matériaux de construction. Pourtant
personne ne dort dans la rue.
A Gaza, le taux de
chômage dépasse les 57 % ,et celui de la
pauvreté est en augmentation
constante, mais le niveau de criminalité
est le plus bas au monde et le nombre de
délinquants en diminution,
La bande de Gaza
impressionne le monde par sa capacité de
création. Dans cette région sous blocus,
la société civile est non seulement très
active, mais elle résiste contre
les mesures de l'occupation et la
division inter palestinienne. Elle crée,
elle a participé au développement de la
résistance non-violente avec la
naissance de la Marche du retour
initiée le 30 mars 2018, et qui entre
dans sa deuxième année. Une marche qui
se poursuit malgré les pertes humaines
et le bilan très lourd: plus de 320
morts et 32000 blessés en dix-huit mois.
Les Palestiniens de
Gaza souffrent au quotidien, mais ils
sont solidaires de leurs concitoyens et
compatriotes de Jérusalem, de la
Cisjordanie, des territoires de 1948;
ils sont aussi solidaires du reste du
monde via des manifestations et des
rassemblements quand il y a des
attentats, des incendies et autres
catastrophes.
Ils citent les noms
de chaque évènement dramatique dans leur
pays ou dans le monde lors des marches
du retour du vendredi .
Certes, la
situation dans la bande de Gaza est
catastrophique avec le blocus, le
chômage, les difficultés et le manque de
moyens, mais les habitants ne se
plaignent pas. Il y a une vie, une
détermination, une volonté. Et surtout
une dignité.
On trouve maints
exemples de la résilience remarquable de
cette population civile de Gaza qui
espère et espère encore et toujours.
Gaza est une ville
en mutation, en reconstruction
permanente. Malgré le blocus et
l'interdiction par les force
d'occupation israéliennes de laisser
entrer les matériaux de construction
,on y voit partout des tours, des
bâtiments, des immeubles.
Plus de 900 usines
, ateliers, et entreprises de
1050 existaient avant 2014 ont été
détruits totalement, surtout lors de
l'offensive israélienne de 2014, et
malgré cela, Gaza consomme de ses
produits et organise des
expositions pour promouvoir les produits
locaux.
A Gaza, ville
moderne, on trouve tout : magasins,
voitures récentes, boutiques
modernes, grandes surfaces, banques,
sociétés de communications, hôtels de
luxe, cafés et restaurants branchés,
chalets et résidences sur la plage, et
centres commerciaux.
C'est à la fois une
ville magnifique et triste , une ville
contradictoire , avec des hôtels et des
restaurants de luxe sur la côte, qui
côtoient des camps de réfugiés avec ses
habitations modestes et précaires.
Et pourtant tout le monde vit!
A Gaza, il n'y a ni
véritable port, ni aéroport, ni marchés
financiers, mais c'est une ville
merveilleuse par sa capacité à vivre , à
créer, et à supporter l'insupportable.
Gaza voit chaque
jour une partie de ses jeunes être tués
ou blessés, parfois à vie, par les
forces d'occupant. Elle sait qu'elle
peut compter sur le courage de ces
jeunes prêts à risquer leur vie et leur
santé pour la patrie, et en même temps
elle s'accroche à la vie !
C'est la seule
ville au monde dont la population est
continuellement frappée aussi durement
dans toutes ses composantes: enfants,
personnes âgées, handicapés, amputés,
femmes, jeunes, intellectuels, ouvriers,
sportifs, médecins, infirmiers,
secouristes, journalistes, professeurs,
étudiants ,écoliers... Tous ses
habitants sont certes prêts à mourir
pour leur pays, mais ils adorent la vie !
A Gaza , il y a de
la création, de la culture, de l'art,
une adaptation à un contexte dur.
A chaque seconde,
des bébés naissent dans cette ville
bombardée presque au quotidien et
abandonnée du reste du monde.
Chaque jour, un
nouveau magasin ouvre ses portes, et
pourtant les frontières sont fermées.
Gaza est un
phénomène , Gaza n'est plus une bande ou
une région, ni une enclave
encerclée, Gaza est devenue un
continent . Oui un continent!
Un continent qui
exporte le courage, la bravoure, la
constance, la patience et la ténacité
au monde entier.
Un continent, car
chaque jour l'armée israélienne invente
de nouvelles façons de tuer les Gazaouis.
Mais ces derniers inventent à leur tour
de multiples moyens et formes pour vivre
et résister ; même les pneus sont
utilisés dans la résistance, sans
oublier les cerfs-volants , les pierres,
et les drapeaux…
Les soldats
israéliens font couler à chaque instant
le sang palestinien, et propagent la
mort, mais les Palestiniens de Gaza font
couler leur sueur qui propage la vie et
l'espoir.
Gaza est plus
grande qu'un pays, c'est une région
dynamique et créatrice.
Si la Suisse a
inventé les montres pour mesurer le
temps, Gaza n' a pas besoin de montres,
car c'est elle qui crée et gère le
temps.
A Gaza, il y cinq
saisons et non plus quatre; la cinquième
est la saison du blocus, créée et
inventée par sa population, car treize
ans de blocus israélien n'ont rien
changé dans la détermination de cette
population digne.
Des éléments forts
caractérisent l'attitude de la
population de Gaza :
La Solidarité,
A Gaza, il y a une solidarité familiale
et sociale remarquable ! Des personnes
solidaires et des liens familiaux très
forts, des actions de solidarité
toujours et partout.
On ne laisse
personne dormir dans la rue . Quand une
famille est expulsée d'une maison car
elle ne peut pas à payer son loyer,
beaucoup d'autres familles viennent la
recueillir pour l'héberger.
Pour information,
le seul centre pour orphelins à
Gaza abrite seulement 75 enfants, en
majorité venus de Syrie, car à Gaza, les
familles n'abandonnent jamais leurs
enfants quelles que soient leurs
difficultés économiques.
L'unique centre
pour personnes âgées dans la bande de
Gaza accueille seulement 40 personnes,
qui sont là parce que leurs enfants ont
été tués dans des attaques israéliennes.
Car chez nous il est rare d’envoyer les
parents dans tels centres.
La Générosité:
Dans cette région, il y a une générosité
remarquable, une réelle entraide entre
les familles et entre les habitants. Les
personnes aisées essaient d'aider les
pauvres selon leurs moyens. Les
habitants sont très accueillants, ils
n'ont rien, mais ils donnent et ils
peuvent donner tout . Souvent pendant
les fêtes et les autres occasions, des
colis alimentaires sont distribués aux
pauvres, des cartables et des
fournitures scolaires aux élèves dans le
besoin.
La Volonté,
Il y a ici une volonté remarquable
de vivre, de construire et de
reconstruire. Les trois dernières
offensives israéliennes ont provoqué des
destructions massives, mais à Gaza la
reconstruction est une priorité:
beaucoup d' infrastructures civiles,
d'écoles, de maisons, de routes,
d'immeubles ont été reconstruits.
La Vitalité,
La vie continue à Gaza malgré une
situation catastrophique à tous les
niveaux. On voit des paysans, des
pécheurs qui continuent de travailler,
malgré les menaces et les tirs
israéliens. Les familles continuent
d'envoyer leurs enfants à l'école, même
si beaucoup d'élèves y vont sans argent
de poche ni goûter. A Gaza, le un taux
de scolarisation dépasse les 93 %.
Des mariages et des
fêtes sont aussi organisés presque tous
les jours, même en pleine attaque
israélienne.
La Dignité, Gaza
souffre mais résiste en toute dignité.
On trouve des dizaines d'exemples de
personnes de tous âges qui créent,
travaillent , refusent de mendier à
l'intérieur ou à l'extérieur. En
septembre 2019, selon les statistiques
du ministère des Affaires sociales. le
nombre de mendiants ne dépassait pas les
150 pour toute la bande de Gaza .
A Gaza les gens
souffrent certes, mais qui ils restent
dignes et ne demandent jamais la
charité. Ils cherchent du travail,
montent des projets, essaient de créer
leurs petites coopératives afin pour
vivre dignement.
Beaucoup de femmes,
jeunes ou âgées, travaillent pour aider
leurs familles, vendent des produits
artisanaux, des gâteaux sur commande
qu'elles confectionnent chez elles afin
de vivre dignement.
Gaza est presque
la seule ville au monde où personne ne
dort dans la rue. J'ai visité
personnellement plus de quarante pays
pour mes études, mon travail ou des
conférences, et j'ai vu des gens dormir
dans les stations de métro, y compris
dans des grandes villes riches.
La Créativité:
Dans la bande de Gaza, on trouve tout:
les magasins modernes , les nouvelles
technologies, internet, les téléphones
portables. On utilise des groupes
électrogènes ou des panneaux solaires
pour faire face aux longues coupures
d'électricité.
On a même créé un "
Festival de Cannes" en mai pour
projeter des films dans les quartiers
dévastés par les agressions
israéliennes.
A Gaza, les groupes
de musique donnent des concerts devant
les immeubles détruits par l'aviation
israélienne.
A Gaza, les amputés
de la marche du retour organisent des
championnats de football malgré leur
handicap.
L’Adaptation;
Les Palestiniens de Gaza s'adaptent
facilement à leur contexte. Quand ils
manquent de moyens, ils peuvent ne faire
qu'un ou deux repas par jour.
Imaginez-vous que presque tous les
fonctionnaires de Gaza, qu'ils
travaillent dans la fonction publique ou
dans les universités, touchent seulement
la moitié de leurs salaires. Depuis plus
de deux ans l'Autorité palestinienne à
Ramallah ne verse à ses 73.000
fonctionnaires que 30 à 50 0% de leurs
salaires, et le Hamas ne paie que 40% à
ses 45.000 fonctionnaires. Tout le monde
s'adapte , ils laissent tomber quelques
loisirs et la vie continue
Souvent les
Palestiniens de Gaza n'ont droit qu'à
trois ou quatre heures d'électricité par
jour, mais ils s'adaptent à ces longues
coupures d'électricité.
Les
Initiatives A Gaza, chaque
jour, des jeunes, des femmes lancent des
initiatives et des actions
de bénévolat, par exemple pour aider
les paysans dans les fermes et les
coopératives. Des diplômés de français
prélèvent des livres de leurs
bibliothèques personnelles pour les
distribuer aux écoliers qui apprennent
le français, des étudiants en médecine
collectent des médicaments qu’ils
donnent aux plus pauvres.
La Patience, Il
y a une patience extraordinaire chez ces
Palestiniens. Ils ne se plaignent pas
.Treize ans d'enfermement, et ils
vivent toujours. Quand un habitant de
Gaza est obligé de voyager pour se
soigner ou pour étudier, il passe
souvent trois jours d' enfer, notamment
à la frontière avec l'Egypte. Et
malgré cela, il supporte cette situation
avec patience et endurance.
L’Attachement,
Malgré toutes les difficultés sur place,
les Palestiniens de Gaza ont décidé de
rester et ne pas partir .
Malgré trois
offensives militaires en cinq ans,
malgré l'absence de perspectives, et
malgré les tentatives israéliennes de
faire partir les habitants de Gaza ,
peu de personnes quittent Gaza chaque
année. Depuis 2014, selon la direction
du passage de Rafah , le seul qui relie
la bande de Gaza à l'extérieur , sur
les 32.000 Gazaouis qui se sont rendus à
l'étranger en 2019, plus de 25000 sont
revenus.
A Gaza, trois temps
forts montrent la vitalité des
habitants: la période scolaire, avec ses
milliers d'élèves sur le chemin de
l'école et un taux d’absentéisme très
faible; l'été avec un monde fou sur la
plage, seul lieu de détente des Gazaouis,
et les moments de bombardements,
lorsque les gens se rassemblent en masse
sur le lieu attaqué pour aider les
secours, sans craindre un nouveau
bombardement possible ou l'explosion
d'un missile au même endroit.
"Gaza la vie!"
telle est la réponse de n'importe quel
palestinien de Gaza pour qualifier la
résilience de cette population civile
qui souffre certes, mais qui vit.
Le slogan "Gaza la
vie " est d'ailleurs celui que l'on
choisit dans la bande de Gaza pour
beaucoup d'évènements culturels,
éducatifs, universitaires, associatifs
et sportifs.
Pour bien vivre
cette réalité, vous pourrez visionner
les 300 vidéos en français réalisées en
2019 par la chaîne francophone gratuite
" Gaza la vie " qui montre la
continuité de la vie dans la bande de
Gaza et la volonté de sa population
civile courageuse et digne. La jeune
équipe de "Gaza la vie", bénévole et
motivée, est un exemple-type de la
créativité et de la dignité des
Palestiniens de Gaza.
Gaza ne se fatigue
pas, elle n'abondera jamais son élan de
vie et d'espoir. Elle restera toujours
vivante.
Oui, Gaza résiste
en toute dignité ! Elle sera toujours
débout !
Les Palestiniens de
Gaza essaient simplement de mener une
vie aussi normale que possible dans des
circonstances extrêmement anormales.
Une leçon de
courage, de vie et de détermination
Gaza n'aime pas la
mort, et en même temps elle n'a pas peur
de la mort
Elle est toujours
prête à donner et à sacrifier
Gaza a fait son
choix depuis longtemps: la vie
Oui, Gaza la vie !
Et elle mérite la vie !
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